Chapitre 30

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Il n'y avait rien à dire, rien à expliquer. C'était comme regarder sa vie sur un écran géant. Je voyais cette fille, pas très sûre d'elle, péter les plombs parce que son petit ami lui avait proposé une douche. Non, mais elle était sérieuse ? Reprends-toi voyons ! Tu ne vois pas que tu es carrément en train de partir en cacahuète ?

J'aurai beau me secouer les puces, rien n'y fera. Je me connaissais assez pour savoir que je n'aurai pas la force d'affronter la situation alors, blanche comme un linge, j'offris un timide sourire à Charles qui n'attendit pas une seconde de plus pour gravir les marches du grand escalier sculpté quatre à quatre.

Lorsqu'il disparut dans le colimaçon de bois, je me ruai sur Paul qui m'observait déjà avec insistance depuis plusieurs minutes.

- Quelque chose ne va pas Maggie ? s'obligea-t-il à me demander en suivant notre récent accord.

- Je dois m'en aller ! Pourrais-je avoir mon sac je vous prie ? suppliai-je Paul mes yeux se remplissant de larmes.

Je ne pus me retenir plus longtemps et fondis en larmes devant un homme que je connaissais à peine et qui s'en trouva fortement gêné. Il jeta un regard dans les escaliers à la recherche de son employeur et jeta l'éponge pour finalement venir timidement se poster auprès de moi.

- Ça ne va pas ? Voulez-vous que j'aille chercher M. Potens ?

- Non, m'empressai-je de répondre. Je voudrais partir d'ici. Pouvez-vous me ramener chez moi ?

- Je devrais d'abord aller en parler avec...

- Non, grondai-je. Je veux rentrer chez moi maintenant et si vous ne m'y conduisez pas Paul je rentrerai à pied.

Paul prit quelques secondes pour réfléchir et je vis dans la façon qu'il avait de gigoter dans tous les sens qu'il était terriblement tiraillé entre celui qui l'employait et cette jeune fille à laquelle il s'était attaché et qui pleurait à chaudes larmes. Curieusement, il fit le choix le plus humain des deux.

- Je vais chercher votre sac ! lâcha-t-il à contrecœur.

Je voyais bien que cette décision ne lui plaisait pas, qu'il redoutait de se faire taper sur les doigts, mais c'était plus fort que moi. J'avais donné trop d'espoirs à Charles et j'avais peur de ne pas pouvoir le repousser s'il allait trop loin. Je craignais de le laisser faire par manque d'envie de me battre, par peur de décevoir. Je ne voulais pas qu'arrive une chose que je ne me sentais pas prête à voir venir si vite.

Paul arriva avec mon sac et m'ouvrit la porte d'entrée. Je n'eus pas besoin d'une invitation pour m'engouffrer dehors puis dans la voiture qui m'avait emmenée jusqu'ici. Pendant le trajet, Paul n'arrêta pas de m'observer dans le rétroviseur, soucieux. Quant à moi, je ne parvenais pas à me calmer, mes jambes hochant de haut en bas nerveusement. Qu'allait-il se passer quand Charles allait découvrir que j'étais partie ? C'était sans doute la fin de notre relation. Dieu que cela aura été court et c'était ma faute. Au bout d'un énième regard de la part de Paul, je sentis que je devais dire quelque chose.

- Je dirais à Charles que vous n'y êtes pour rien ? le rassurai-je.

- Je ne m'en fais pas pour ça. C'est vous qui m'inquiétez à vrai dire.

- Vous ne devriez pas ! Tout va très bien.

- Vous savez, continua-t-il sur un ton des plus mélancoliques, c'était la première fois que M. Potens ramenait quelqu'un à la maison...

Sa phrase résonna contre mes tympans et fit de nombreux tours dans ma tête. Soudain, je me trouvai affreusement indélicate. Par peur de souffrir, je n'hésitai pas à faire souffrir les autres. Depuis notre première rencontre, Charles m'avait toujours donné l'impression que j'étais spéciale à ses yeux. Connaissant son passé, je m'étais imaginé qu'il s'agissait d'une ruse pour m'attirer dans ses bras, ce que je m'étais volontiers résolu à accepter. En fait, le monstre dans l'histoire, c'était moi. Comme j'avais honte de moi.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now