Chapitre 68

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Sans que je ne m'en sois rendu compte, il me dominait déjà par sa taille et la force de ses bras, qui s'enroulèrent autour de mes hanches comme un étau. Il y avait ce je-ne-sais-quoi dans l'air, comme un nuage de petites bêtes invisibles qui piquent, insupportent et mettent les nerfs à vif et la volonté en pelote. Il se dégageait de lui une puissance sexuelle écrasante et incontrôlable. Elle m'emporta en un claquement de doigts, m'empêchant de réfléchir correctement.

Charles me plaqua avec une force qui n'admettait aucune résistance contre le mur. Happée par toutes ces ondes invisibles qui chatouillaient mon corps, je me laissai aller à cette étreinte charnelle et bestiale. Il embrassa mon cou, le souffle rauque, laissant échapper de notre gorge à tous les deux de petits sons gutturaux. L'excitation prit de l'ampleur et s'empara de mon cerveau un moment au point que je me laissai entraîner dans ce tourbillon d'hormones et de gestes appuyés qui montaient crescendo et prenait de la puissance à chaque seconde.

Je prenais plaisir à me laisser entraîner comme si j'étais prisonnière du courant d'une rivière, me laissant croire que je ne pouvais ni lutter ni faire marche arrière. Et puis, brusquement, il dévia légèrement la cible de ses baisers vers le lobe de mon oreille pour la mordiller et verrouilla ses mains autour de mes poignets. Je voulus à mon tour avoir le loisir d'explorer son corps de mes mains, mais il ne relâcha pas sa pression.

Je pris soudainement conscience de ma vulnérabilité et une foule de sentiments et de souvenirs m'envahir comme un raz-de-marée. Des flashs d'une réalité déconcertante m'explosèrent au visage. Je vis défiler dans ma tête des atrocités que mon cerveau avait pris depuis longtemps le loisir d'occulter, garantissant ainsi ma survie mentale et psychologique.

Soudain, son étreinte fut pour moi plus insupportable que des chaînes, ses baisers plus brûlants que de l'acide sur ma peau. Je perçus comme une agression l'odeur vomissante de son corps en sueur. Je tentai de me débattre, mais Charles perçut ma résistance comme de l'empressement et même comme le signe d'une envie insoutenable, ce qui lui donna encore un peu plus de vigueur. Il plaqua plus fort encore son corps contre le mien pour enfin libérer mes mains et pouvoir glisser les siennes à des endroits de mon anatomie qu'il mourrait d'envie d'explorer.

Tandis qu'il prenait petit à petit possession de mon corps, moi, je restai muette, pétrifiée par la situation qui prenait de plus en plus d'ampleur malgré moi. Intérieurement je hurlais, m'époumonais comme jamais, mais rien ne parvenait à franchir la barrière de mes cordes vocales, mis à part quelques grognements. Immédiatement, Charles les prit pour des gémissements de plaisir. Je sentis le centre névralgique de son plaisir grossir en quelques secondes et c'est exactement à ce moment-là uniquement que ma voix retrouva enfin ses droits.

- Arrête ! soufflai-je d'abord si faiblement qu'il n'y prêta pas attention. Arrêêêêêêête ! hurlai-je enfin en trouvant la force surhumaine de le repousser et de m'éloigner de lui de plusieurs pas.

C'était comme réapparaître à la surface après que l'on m'ait maintenu de force sous l'eau pendant un laps de temps interminable. Je l'observai, le corps recouvert de tremblements incontrôlables, attendant avec anxiété sa réaction. J'avais le sentiment atroce d'avoir échappé à une agression et pourtant, j'en avais eu envie.

Je l'aimais plus que tout au monde et j'aurais aimé en être capable, pouvoir sceller avec l'homme que j'aime notre amour et notre confiance mutuelle. Bien que je sois libre de ses bras, d'affreux flashs continuaient à recouvrir le réel de leurs visions cauchemardesques. Les larmes aux yeux et le cœur au bord des lèvres, je scrutai Charles gigoter dans tous les sens, les dents serrées, incapable de gérer la frustration sexuelle que j'avais créée en lui.

Il mit ses mains derrière sa tête et posa sur moi des yeux colériques dont la pupille était encore incroyablement dilatée par le désir. Il lâcha un petit rire nerveux en observant la femme terrorisée qui se tenait devant lui, se mordit la lèvre inférieure et, une fraction de seconde après, propulsa violemment son poing contre le mur. Un cri de souffrance extrêmement profond ponctua son geste. En écho à son martyr, je ne pus m'empêcher de crier moi aussi, prise par surprise et morte de peur.

La situation dérapait totalement. Je n'avais plus qu'une idée en tête, sortir d'ici. Quelqu'un frappa à la porte et celle-ci s'ouvrit presque immédiatement, n'attendant pas l'approbation de Charles. Paul surgit du couloir, méfiant. Il nous dévisagea tour à tour, pas tout à fait certain de saisir la situation.

- Est-ce que tout va bien Monsieur ? J'ai entendu des cris et je ...

Il s'arrêta de parler et fixa la main de son patron avec insistance, stupéfait.

- Monsieur, votre main, s'horrifia Paul.

Charles, habité de spasmes incontrôlables, laissait s'écouler sur la moquette le fluide de sa main ensanglantée. Il n'osait même plus me regarder, il se contenta de quitter la pièce, sans un regard pour personne. À son départ, je m'écroulai, les genoux au sol. Paul se précipita à mes côtés pour m'aider à me relever et chercher d'éventuelles traces de sang sur moi. Je voulus lâcher prise, pleurer à ne plus jamais m'arrêter, mais me repris rapidement.

- Je n'ai rien, le rassurai-je en lui désignant le trou béant dans le mur.

Il m'aida à me relever car mes jambes étaient encore trop flageolantes pour que je parvienne seule.

- Venez, Mademoiselle, je vous raccompagne chez vous, se proposa-t-il gentiment.

- Non, je reste ! tranchai-je. Ça va aller.

- Mais Mademoiselle ..., protesta Paul.

- Contactez le Docteur Petitjean de ma part s'il vous plaît et dites-lui de venir pour examiner la main de Charles.

Paul ne sut pas vraiment s'il devait m'obéir ou pas. Après tout, il n'avait aucune idée de ce qui venait de se produire.

- S'il vous plaît ! 

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now