Chapitre 36

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Je profitai de ce temps libre pour sortir un peu. Du bon air frais, voilà ce dont j'avais besoin pour remettre de l'ordre dans mes idées. Je me rendis presque instinctivement au bord du petit étang à l'ombre du grand arbre et sortis mon téléphone. Ça ne me réjouissait pas plus que ça, mais je devais avoir une conversation avec Gab.

Je ne savais pas trop sur quel pied danser. Je n'avais pas la moindre idée de ce qu'elle pouvait penser de la situation et devoir discuter avec elle des raisons qui m'avaient poussé à mentir ne m'enchantait pas du tout. Quoi qu'il en soit, Gab était ma meilleure amie et je ne pourrais pas fuir cette conversation bien longtemps. Un jour, j'aurai forcément besoin d'une épaule pour pleurer ou d'une oreille attentive alors autant crever l'abcès tout de suite. Je cherchai son numéro dans mes contacts et une seule sonnerie retentit à l'autre bout du fil.

- Maggie ? entendis-je la voix soulagée de Gabrielle.

- Salut ! Ça va ?

- Je suis contente que tu m'appelles ! J'ai eu tellement peur que tu ne veuilles plus jamais m'adresser la parole, enchaîna-t-elle les mots à une vitesse folle comme si le temps lui manquait ou qu'elle avait peur de ne pas pouvoir tout dire avant que je ne l'interrompe.

- Pourquoi je ne voudrais plus t'adresser la parole ? m'horrifiais-je.

- Je suis tellement désolé, si tu savais !

Si je m'étais attendu à ça !

- Gab je n'ai absolument rien à te reprocher, c'est plutôt à moi de m'excuser. Je n'ai pas été franche avec toi.

- Ça c'est vrai que tu as bien gardé ton secret. En attendant j'ai couché avec lui et je t'ai bassiné avec ça genre tous les jours, remémora-t-elle avec angoisse.

- Charles et moi on se connaissait déjà à ce moment-là, mais nous n'étions pas ensemble. La veille, d'ailleurs, nous avons eu un petit différent, ce qui à mon avis explique cela.

- De quel ordre ?

- D'ordre tactile je crois.

- Tactile ? Je comprends rien ! lâcha-t-elle subitement. Il a essayé de...

- Non, c'est moi ! grognai-je contre moi-même. Je suis une pauvre idiote coincée.

- Tu m'expliques ?

- Il s'est rapproché de moi, j'ai fait un pas en arrière et ai trébuché. Il a voulu me rattraper et dans la panique je l'ai giflé...

- La panique ? répéta-t-elle perplexe. Tu veux dire que tu te casses la gueule, qu'il essaye de te retenir et que toi tu lui en colles une ? T'es barge ou quoi ?

- J'étais nerveuse, bafouillai-je.

- Ça c'est vrai que t'as pas dû connaître une foule d'hommes.

- Précisément ! Bref, il m'a demandé de partir et moi je suis restée en bas du bâtiment pour l'attendre, mais il a dû s'endormir dans son bureau parce qu'il n'en est jamais sorti. Le lendemain, il se consolait dans tes bras.

Je repensais à cet épisode douloureux, ressentant ça comme une trahison du côté de Charles. Je ne cesserais jamais de penser qu'il l'avait fait exprès, même si je lui avais promis de ne plus jamais lui reparler de ça.

- Oh ma pauvre chérie ! Si j'avais su.

- C'était comment ? demandai-je soudainement prise de curiosité.

- Quoi ? Ah non, non. Maintenant que vous êtes ensemble je ne pourrais plus jamais te parler de ça, refusa catégoriquement Gab.

- Je t'en supplie ! Je veux savoir.

- Mais savoir quoi ?

- Disons que j'aimerais comprendre s'il s'agit d'une vengeance personnelle ou s'il est comme ça.

- Te raconter comment ça s'est passé ne t'aidera pas à savoir qui il est, tenta-t-elle de se défiler.

- Comment c'est arrivé ? insistai-je.

- Je ne sais pas trop, mentit-elle effrontément.

- Pourquoi tu ne veux pas me dire la vérité ? montai-je dans les tours.

- Parce que j'ai trop de respect pour toi pour te dire que cet homme n'est pas un homme pour toi.

- Quoi ? Quel est le rapport ?

La conversation s'envenimait contre mon gré.

- Le rapport c'est que Charles Potens ne fait pas dans le sentiment. Tu veux savoir s'il m'a dragué ? Où on s'est rencontré ? S'il m'a proposé un verre ? enchaîna-t-elle les mots comme s'ils étaient toxiques. Si tu veux tout savoir, il ne fait pas dans la dentelle, ça s'est passé dans les toilettes d'un bar et après il est parti.

- Tu avais pourtant l'air satisfaite de ton expérience.

- Oui Maggie ! s'exclama-t-elle. Tu as tout compris, c'était une expérience et c'était super-excitant, mais un homme capable de te culbuter dans des chiottes pourries sans te demander ton prénom n'est pas un homme capable de te donner l'amour ni le respect que tu mérites d'avoir.

Ça faisait mal à entendre, mais elle avait raison. Pour autant, je ne renonçai pas à notre histoire, mais cette part sombre de Charles me flanquait une trouille monstre. Que se passera-t-il quand il en aura assez d'attendre ? Il était déjà plus entreprenant que je ne l'aurais imaginé et ce n'était que le début. Ma psy avait peut-être raison finalement... Si Paul n'était pas entré tout à l'heure, que se serait-il passé ? On ne le saura jamais.

- Je suis vraiment désolée d'avoir à te dire ça, s'excusa-t-elle soudainement. Tu dois penser que c'est de la jalousie et que j'essaye de t'éloigner de lui.

- En fait, je ne sais plus trop où j'en suis tout à coup, lui avouai-je très troublée.

- Qu'est-ce que tu ressens pour lui ?

- Énormément de choses ! J'aime son physique bien sûr, mais aussi la manière qu'il a de prendre soin de moi, d'être surprotecteur, sa maladresse dans sa façon d'exprimer ses sentiments... Il me fait me sentir spéciale.

- Tu l'aimes ça crève les yeux ! conclut-elle. Si tu l'aimes tu ne dois pas écouter ce que je te dis. Vis ton truc à fond et si ce n'est pas un homme pour toi ça cassera et puis c'est tout. On n'a pas deux fois la chance de sortir avec Charles Potens.

- Si tu le dis, soufflai-je pour me donner du courage.

- Aller ça va aller ma poulette. Tu veux qu'on en discute autour d'un café quelque part ? Je peux passer te chercher si tu veux.

- Impossible, je suis chez Charles là.

- Tu déconnes ? fit-elle ahurie. T'es dans son manoir ?

- Oui ! On passe un peu de temps ensemble.

- Alors pourquoi tu m'appelles ?

- Je suis toute seule là, il a eu un truc à gérer pour le boulot.

- C'est comment là-bas ?

Mon petit Sherlock Holmes en chef n'eut pas la réponse espérée, voire pas de réponses du tout étant donné que Charles revenait déjà. Je m'excusai auprès d'elle en lui expliquant que je devais raccrocher et elle chercha par tous les moyens de me garder au bout du fil, sans succès.

Cœur ArtificielDonde viven las historias. Descúbrelo ahora