Chapitre 73

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Charles et moi n'avions pas dormi ensemble ce soir-là. D'abord parce qu'il était difficile de retrouver une intimité après ce qui c'était passé entre nous dans son bureau, mais aussi parce que j'aurais catégoriquement refusé de passer derrière toutes ces idiotes aux seins rebondis. Nous passâmes donc notre nuit chacun de notre côté, pour ma part soulagé que les choses rentrent dans l'ordre entre lui et moi.

Le lendemain, je me retrouvais dans la voiture Paul, au côté de Charles. Il n'avait pas menti. Il avait réussi à me trouver un rendez-vous dans l'après-midi même. J'avais été contrainte une fois de plus d'annuler mon rendez-vous chez ma propre psychologue. La situation devenait ridicule. Cela faisait plus d'un mois que je n'y avais pas mis les pieds et mon petit problème en était toujours au point mort. Curieusement, Mme Cheming ne trouva rien à redire à mon annulation de dernière minute, me certifiant que ça l'arrangeait. Sympa !

Sur le chemin, je me fis tout de même la réflexion que j'étais dans un sacré pétrin. Qu'allais-je bien pouvoir dire à cette personne ? "Désolé, mais mon petit ami pense que je suis vierge et que c'est pour ça que je ne veux pas coucher avec lui. Si vous pouviez faire comme si nous avions eu une conversation passionnante vous et moi, je vous laisserais un pourboire avant de partir". C'était pathétique.

Lorsque j'en eus fini avec mes ruminations, je revins enfin à la réalité et découvris avec stupéfaction que Paul s'arrêta dans la rue dans laquelle se trouvait le cabinet de ma propre psychologue. C'était une sacrée coïncidence tout de même, de plus que nous nous arrêtâmes pile devant la porte d'entrée correspondante. Une boule de plomb se forma dans le bas de mon ventre. Paul descendit de la voiture et fut contraint de venir m'ouvrir la portière tant je mettais un temps fou à sortir. Charles, quant à lui, tenait déjà la porte du bâtiment ouverte. Pas de doute c'était bien le cabinet de Mme Cheming.

Tandis que je franchis le pas de la porte en compagnie de Charles et que nous gravîmes les escaliers, la panique s'empara de moi. Comment allais-je me sortir de cette histoire ? Si elle était aussi sa psychologue alors peut-être était-il au courant après tout. Un milliard de questions se bousculèrent dans ma tête. J'allais être démasqué, il allait me mettre devant le fait accompli et il allait me quitter, tel était la suite logique des événements.

À notre arrivée, la salle d'attente était vide et, comble de la synchronisation, Mme Cheming fit son entrée en même temps. Lorsqu'elle me vit au côté de Charles Potens, elle fronça les sourcils d'incompréhension.

- Bonjour, Mme Cheming, la salua courtoisement mon petit ami.

- Bonjour Charles ! Comment allez-vous ?

- Très bien merci ! Je vous présente Margaret, la consultation est pour elle !

- Bonjour Margaret! me salua-t-elle à son tour.

Elle tentait de garder la face, mais ce n'était pas facile pour elle. Pour moi non plus d'ailleurs.

- Vous ne m'aviez pas dit que le rendez-vous était pour votre petite amie, fit remarquer Mme Cheming.

- Cela pose-t-il un problème ?

- Pas le moins du monde, renchérit-elle tout sourire. Dans ce cas, nous allons commencer.

Charles commença à nous emboîter le pas à l'intérieur du bureau, mais fut rapidement éloigné par la psychologue.

- Il vaut peut-être mieux que je lui parle seule.

Charles accéda à sa requête d'un signe de tête et alla s'asseoir dans la salle d'attente. Lorsque la porte se referma sur nous j'explosai.

- Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? Vous êtes la psychologue de Charles ? Pourquoi vous ne me l'avez pas dit ? Est-ce que..., tentai-je de bredouiller les larmes aux yeux. Est-ce qu'il est au courant ? Est-ce que vous lui avez dit pour moi ?

Ma psy, très mal à l'aise, m'invita à prendre place sur l'un des fauteuils en me caressant doucement le dos.

- Tout ce qui entre dans ce bureau est confidentiel Margaret ! me jura-t-elle.

- Je sais qu'il peut être persuasif quand il veut.

- Margaret calmez-vous. Charles ne sait rien du tout. Quand il a pris son rendez-vous il m'a dit qu'il m'amenait quelqu'un, mais je ne pensais pas qu'il s'agissait de vous.

Je craquais complètement. Je me mis à pleurer autant que je le pouvais, sous le choc d'une multitude de choses.

- Pourquoi pleurez-vous ?

- Parce que je repense à plein de choses, notamment à la fois où je vous ai dit que je sortais avec Charles. Je me souviens très bien votre réaction, vous étiez contre et si vous étiez contre c'est parce que vous connaissez des pans de sa vie que je ne connais pas.

Mme Cheming, bien que mise au pied du mur, ne se laissa pas abattre, elle était redevenue imperturbable et m'analysait déjà.

- Que mon amie Gabrielle, qui ne connaissait pas Charles s'effraye de ma relation avec lui, je peux le comprendre, vous aussi je pouvais le comprendre. Mais, maintenant que j'apprends qu'il est votre patient, je me dis que vous aviez de bonnes raisons de me mettre en garde. Pourquoi vient-il vous voir ?

- Tout ça est confidentiel ! répéta-t-elle.

- Je me souviens que vous m'avez dit qu'il n'était pas fait pour quelqu'un comme moi. Vous lui avez sans doute dit la même chose s'il vous a parlé de moi.

- À vrai dire, avec la description qu'il a faite de vous, je lui ai dit que vous seriez parfaite pour lui.

Tout ça était vraiment trop étrange pour moi, je ne savais plus quoi en penser. J'avais raison au fond, Charles était tout aussi perturbé que moi, j'en avais la preuve puisqu'il avait parlé de moi à sa psy. Cela voulait bien dire qu'il continuait à la voir. En y réfléchissant bien, il aurait pu avoir une bonne raison de consulter. Ses parents et sa petite sœur étaient morts, le laissant totalement orphelin.

- Qu'est-ce qui vous amène ici Margaret ?

- Charles pense que je suis vierge ! déclarai-je en séchant mes larmes.

- Pourquoi pense-t-il cela ?

- Parce que ma mère y a fait allusion et qu'il est sûrement plus confortable pour lui de penser que c'est la vérité.

- Vous n'avez pas démenti ? me demanda-t-elle un poil accusatrice.

- Nous avons eu une grosse dispute.

- Vous voulez bien m'en dire plus.

- Nous étions dans son bureau et la situation a dérapé. J'en avais envie, mais à la dernière minute j'ai pris conscience de chacun de ses gestes sur mon corps, il a tenté de prendre le contrôle sur moi et c'est parti en vrille. Je l'ai repoussé et il l'a très mal supporté.

- C'est-à-dire ? s'intéressa-t-elle subitement.

- Il a pété un câble. Il a mis un coup de poing dans le mur et on ne s'est pas adressé la parole pendant deux semaines. Pour se venger, et me faire comprendre que je n'étais qu'une sale sainte ni touche, il a fait venir toute une flopée de femmes au manoir à qui il a donné ce qu'il ne pouvait pas me donner parce que je suis frigide.

- C'est ce qu'il vous a dit ?

- Non, mais j'imagine que c'est comme ça qu'il me dépeint.

- Absolument pas. Ne soyez pas si dure avec vous-même. Vous avez tous les deux besoins l'un de l'autre, c'est évident, mais ça ne sera pas facile. Je persiste à dire qu'il est capable de vous détruire et pour preuve, l'histoire que vous venez de me raconter est abominable. Pourquoi restez-vous avec lui ?

- Parce que je l'aime, soufflai-je.

- Dans ce cas pourquoi ne pas fendre l'armure ?

- Parce qu'il ne m'aime pas.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now