Chapitre 18

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Mon courage, et mon manque de franchise avouons-le, me conduisirent jusqu'au bureau de Charles Potens. Pour cela, nous n'avions pas d'autre choix que d'emprunter le couloir dans lequel j'avais trébuché avec tant de maladresse. Les employés de ménages n'étaient pas encore passés et les vestiges du capharnaüm qui avait précipité ma chute un peu plus tôt dans la journée étaient encore bien présents.

En empruntant cet itinéraire, je crus presque entendre les gloussements Charles en réponse à un souvenir apparemment mémorable pour son esprit. Je piquais un fard et bougonnais intérieurement. Je me sentais encore honteuse de ma chute et de la manière dont je m'étais royalement ramassée devant l'homme le plus intimidant du monde.

Il ouvrit la porte de son bureau et m'invita à y entrer. Je fus surprise en pénétrant à l'intérieur. Je n'en étais pas vraiment sûre, mais il ne ressemblait plus en rien à celui dans lequel Charles avait porté mon corps flasque et vaporeux. Ce soir, il semblait beaucoup plus chaleureux, plus cosy.

Un immense tapis trônait au centre de la pièce, recouvert d'une multitude de paperasses à ne plus savoir qu'en faire. Le petit canapé étroit sur ma droite avait laissé place à un luxueux quatre places très profond en daim noir. Les affreux stores administratifs s'étaient inclinés face aux magnifiques tentures épaisses rouges qui contraient la lumière. Même le néon au plafond avait disparu au profit de rien du tout. L'éclairage avait été tout bonnement disparu et les trous trahissant leur existence avaient été rebouchés. À la place, un grand lampadaire illuminait la pièce d'une lueur chaude et tamisée.

L'horrible borne à eau avait été zigouillée pour faire place net à un petit meuble en bois sombre sur lequel était maniaquement disposé une bouilloire et plusieurs petits sachets en papier kraft.Son bureau n'avait pas échappé à la règle et s'était, comme la vilaine citrouille de Cendrillon, transformé en carrosse à son tour. Il était massif et imposant, tout comme le fauteuil de maître installé derrière.

Là aussi, le rangement laissait à désirer. En me rapprochant curieusement de son espace de travail, j'observai une multitude de croquis anatomique et très complexe de cœur et de bien d'autres choses que je ne comprenais pas. Des pages entières de calculs et de gribouillis illisibles recouvraient des centaines de pages pour donner cet amoncellement illogique de bordel et, au milieu de tout ça, une tasse de ce qui me semblait du thé et une barquette en plastique rempli à moitié de sushis.

Charles referma la porte de son bureau derrière lui ce qui m'obligea à lancer la conversation pour que l'idée que nous soyons tous les deux seuls dans cette pièce ne me donne pas des envies de m'enfuir en courant ou de crier sans aucune raison. Pure prévention.

- Je croyais que tu étais quelqu'un de simple ! lui fis-je remarquer en prenant un air faussement déçu.

- Je le suis ! s'offusqua-t-il immédiatement.

- Cette déco dit pourtant tout le contraire et il me semble t'avoir entendu parler d'un "chauffeur" tout à l'heure.

- J'ai une vie compliquée ! Je n'ai pas le temps de me poser de questions, tout doit être extrêmement organisé autour de moi, tenta-t-il de se défendre.

- Quel est le rapport ?

- Je n'apporte pas d'importance à grand-chose dans la vie. J'aide l'argent et je m'en sers à des fins purement matériels. J'ai effectivement un chauffeur, une très grande maison, une décoratrice, un majordome, bref tout ce qui peut me permettre de m'occuper du moins de choses possibles en dehors de mon travail. Ces personnes sont là pour organiser ma vie à ma place et comme ça, je libère mon esprit des choses superficielles.

Cœur ArtificielWhere stories live. Discover now