Chap V : Les maux de l'humanité (2/4)

139 40 347
                                    

Je m'arrête à mon tour. L'explorateur fait de même, tout en sommant les autres de ne pas abandonner. Mon bon sens me dit de rebrousser chemin. Mais aucun sentiment ne me lie à ce groupe. En ai-je même eu pour Éris, ma ville d'accueil ?

Bordos prend les devants et fonce vers les condamnés. Je n'arrive pourtant pas à réagir comme lui. Soudain, une plume me tombe sur l'épaule. Je lève la main. Une autre plume finit sur celle-ci. Je pointe mon regard vers l'immensité ensoleillée et ce qui m'est donnée de voir, me fige sur place. Des milliers de plumes s'échouant, direction la poussière.

Je rejoins des yeux l'équipe, contemplant la même scène. Tout le paysage, prenant de cette blancheur, nous accorde la seconde salvatrice qui nous permet de relâcher nos nerfs.

— Là ! Les insectes ! prononce l'enrobé, en pointant l'essaim.

Incroyable ! Elles viennent de stopper net leur avancée et tournent en zigzag.

— Pas le temps de s'extasier dessus, dis-je, en ayant rattrapé le groupe à terre, en décrochant le bras d'Eskiell de celle du blessé.
— Oyphul ! hurlait le meneur à l'intention de l'enrobé.

Après plusieurs minutes, nous y sommes. Je relâche ma prise et me retourne pour observer le phénomène.

Quelque chose attire mon attention. Dans le ciel, se trouve pas un, mais une cinquantaine de créatures transparentes, voltigeant les uns traversant, au sens propre du terme, leurs semblables. Des e-motios sans l'ombre d'un doute. Et vue, leur forme, ce sont...

— Des e-motios spirituels... lâche péniblement le prêtre en assistant, lui aussi, à la scène. Ils nous ont sauvés.
— Calme-toi, Nsenga ! Tu vas aggraver ton cas... ordonnait Bordos, en s'accroupissant près de lui. Laisse-moi voir ça... Nsenga ne peut s'empêcher de lâcher un cri écrasé par la douleur, mais aussi par un besoin de garder la face.
— De la poigne, mon frère... de la poigne.

Il sort une dague et entame l'emplacement de la piqûre qui rougeoie d'un violet dessinant des vaisseaux sanguins. Un liquide jaune gicle subitement.

— Eh bien, mon vieux ! Ça se voit qu'elle ne t'a pas loupée. L'infection est sérieuse, mais ne t'en fais pas. J'ai de quoi l'éradiquer.

Il se relève et nos regards se croisent.

— Nous devrions y aller. Il ne faut pas rester à découvert trop longtemps. On fout le camp ! Allez, tout le monde.

*

*                *

— Ah bon ?
— Puisque je te le dis ! me rétorque Oyphul, alors que je lui lie un bandage sur l'épaule. La reine d'Haemmer vient d'accoucher récemment et toute la capitale est en branle.
— C'est le roi qui doit être fou de joie... Il a maintenant un héritier.

D'un coup, les autres me fixent.

— C'est une fille pour ta gouverne, me lâche Oyphul en me dévisageant.

Un silence lourd de sens prend le groupe. C'est en sentant qu'une gêne lie mes compagnons que je continue :
— Pour vous tous... Une femme... Une femme ne peut pas diriger un royaume ?
— Ah ! On me l'avait jamais faite, celle-là ! déclare l'enrobé en se retournant vers ses collègues.

Je fais le tour des regards. Pas un seul ne semble vouloir rejeter cette affirmation.

— C'n'est pas contre toi, mais... débute Eskiell. Aucun seigneur d'Haemmer ne saurait faire un tel affront à la tradition instaurée. Le premier grand roi et empereur bien aimé ne s'était jamais entouré de femmes pour les batailles. Ce qui en faisait un guerrier redoutable. Il a transmis aux héritiers d'Haemmer, cette philosophie guerrière. Tu dois t'y faire si, dans la logique du peuple, une femme ne...
— Je comprends votre point de vue... Mais ce n'est pas universel, messieurs. Dois-je vous citer la grande et illustre reine Tundherisis qui prit à elle seule les commandes du royaume doré et a permis l'apogée de sa civilisation ?
— Ah oui ! C'est à noter, en effet, acquiesçait Eskiell.

Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now