Chap VII : Le Passé d'Alpha (2/4)

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Sur cette note sèche, je lance mon tranchant dans sa jambe gauche, ce qui le pousse à repartir sur un cri de détresse. Le simple fait qu'il se lamente me rappelle à l'ordre. S'il continue à s'égosiller ainsi, il va ameuter tout le district. Je lève mon pied et appuie sur sa face rebutante.

— Ferme-la ! Tes cris de p'tites filles ne me plaisent guère...

En y repensant, ne s'agit-il pas d'une sensation de dégoût, me prenant ? Je suis encore apte à ressentir des émotions pour le moins dissociatives. J'ai perçu en moi une peur mêlée à de la méfiance pour ce perturbé. Et là, je ne souhaite que lui fendre un os ou deux. Est-ce juste de lui en vouloir pour son acte déstabilisé ? Non, mais je réagis à l'instinct. Je désire lui rompre les os et le renvoyer ainsi dans les ténèbres, mais une autre réalité qui fait partie intégrante de notre personne, agit pour notre évolution en bonne société : la morale.

J'ai été élevée à Éris. Je n'ai jamais ressenti le besoin d'humilier autrui, tout simplement parce que l'on a jamais été soumis à ce genre de spectacle. Nous sommes éduqués à supporter le monde et à valoriser l'autre comme s'il s'agissait de nous-même. Cependant, les règles qui en ont découlées pour ma part, sont que je suis la plus forte et donc la plus tolérante. Je ne suis pas naïve, mais juge flexible.

— Si je t'enlève mon pied, répond simplement à mes questions, entendu ?
Il me hoche la tête. Je retire ma botte, le permettant de respirer. Tandis qu'il tousse de tous ses poumons comme un damné, je l'observe. Vigilance est désormais règle d'or.

— Vas-y, raconte... qu'est-ce que tu as ? Pourquoi crois-tu avoir besoin d'aide ?

Il recommence à couiner tout en affichant un sourire. Je ne sais pas s'il s'agit de démence, mais j'ai pris la décision de l'écouter jusqu'au bout, espérant pouvoir en tirer avantage. À mieux y réfléchir, s'il me fallait traverser cette forêt et tomber sur d'autres déséquilibrés de son genre, j'aurai ma dose de sport sans ménagement.

Je m'assois sur une branche morte près d'un arbuste gris fort strié. Aucune trace de Mentio. Mais que se passe-t-il avec lui ? L'instant d'avant, il se décide à cheminer avec moi et de l'autre, il disparaît à la première menace se pointant.

La seule marge qu'il me reste est de trouver un chemin peu fréquenté par ses bébêtes, afin de pouvoir le longer la nuit durant. Et mon seul informateur n'est autre que ce taré, jonché au sol. Dans quoi me suis-je embarquée ?

— Vous savez... j'ai essayé de conserver la lumière autour de moi... ma famille...

Comment se fait-il que son canal d'émotion me soit toujours indisponible ? Bien pénible est-il de savoir de ce fait, de quel type d'e-motios, il s'agit. Dois-je le croire sur parole ? Il doit vraiment me mettre en confiance, s'il veut au moins se lever.

— Je me redresse en prenant appui sur la rambarde et puis,... ma vie bascule... elle ne m'aime plus... elle me rejette comme la peste, la salope... Alors que je lui ai tout donné...

Mince ! J'ai perdu le fil du début. Je dois essayer de deviner ce qu'il veut me signifier. Mais je crois que ce ne sera pas compliqué, vues les données du problème.

— J'ai essayé d'arrêter de boire, mais j'avais besoin d'en finir avec tout ce bordel dans ma tête... sans cesse... Je la voyais... vous savez, elle et son sourire radieux... jamais je ne me serai dit... Henri... t'accroches pas trop à elle si tu tiens à ne pas tomber dans les ordures du Guantanamo.

Tous ses gestes, toutes ses mimiques changeantes : tantôt souriant, tantôt boudeur et larmoyant, de l'homme peiné à l'agresseur menaçant. Je n'arrive même pas à préciser dans quelle catégorie le placer. Brusquement, il s'arrête, le teint pâle.

Ce Que Tes Émotions Leur FontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant