Chap II : La Toile (3/3)

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Alpha devrait se sentir vexée d'un tel comportement. Erreur. Elle reste autant captivée par cet impressionnant personnage, qu'à son arrivée. Tout autour d'elle se remet à briller, progressivement encouragé par le chant de l'e-motio.

De ses bras se dressant latéralement, Alpha la compare à un e-motio d'élégance. Cependant, cette dernière recèle plus de grâce, plus de prestance, elle dégage inexorablement le parfum de la victoire et de l'aisance.

Le ton de la musique est accompagné des mains dressées des classiques au sol. Il s'intensifie, se veut plus éloquent, plus saisissant. Ceci, c'en est trop pour Alpha, qui perçoit sa boule, prête à exploser. Cela est telle, qu'elle porte sa main droite sur sa poitrine, sentant la venue de palpitations. Elle en est sûre, désormais : à un moment où un autre, elle craquera. Cette réflexion axée sur ces nouvelles découvertes visant son propre fonctionnement, l'empêche de remarquer l'approche de son compagnon de fortune derrière elle.

La voix du colossal emplit l'esprit de toutes les créatures autour d'elle avec une telle finesse, qu'on en oublie que cela ne fait qu'une minute qu'elle s'est remise à chanter.

D'un bond, la gracieuse s'élance vers sa droite, ce qui est pour Alpha, sa gauche. L'acte est tellement inattendu, qu'il faut une dizaine de secondes à l'humaine, pour se ressaisir et de la poursuivre avec une vitesse qu'elle espère suffisante, pour ne pas perdre sa cible. Pourquoi s'enfuit-elle ? Est-ce un caprice de sa part ? Elle n'a pas daigné répondre à la jeune fille, l'ayant étudiée d'un jet. Très hautaine et aime se faire désirer, reprend derechef Erwuk.

Le poids des gestes lui procure une certaine douleur, comme n'ayant pas couru depuis bien des mois. Elle s'efforce de retrouver ses aptitudes par tous les moyens. La brousse n'est pas si difficile à traverser pour elle, habituée dorénavant à ce décor. Le plus dur concerne la trace de l'e-motio. La lumière soit louée qu'elle puisse encore chanter dans son élan, car la petite se serait vite mis à tourner du coin de l'œil.

Un craquement signale la présence d'un e-motio dans son dos. C'est son compagnon, qui, sans protocole, la soulève de sa patte et la place sur son dos, avant de bondir de tronc en tronc jusqu'à presque voler dans l'espace environnant.

Au son du colossal, ils la pistent. Le paysage d'un vert jalonné de couleurs
donne un aspect vif de l'existence en ce territoire. En passant près d'une
sorte de filet invisible, ils libèrent une flopée de petites boules lumineuses les couvrant de tout leur corps, tel du coton. L'e-motio ne décélère pas. Il va emmener la jeune aventurière, quoiqu'il en coûte. Il est décidé et très vite, ils sont délivrés de leur décoration.

Alpha le sent. Quelque chose semble l'attirer, produisant cette douleur dans son être. La boule serrant son cœur, ne cesse de lui générer quelques sursauts. Sensation qu'elle n'avait jamais connu auparavant. Au bout d'une quinzaine de minutes, ils se retrouvent sur une clairière. Pas de trace de la reine. Rapidement, l’aventurière décide du chemin adéquat à emprunter. Susurré par son instinct, elle perçoit la présence de la belle vers les hauteurs.

Ô cœur d'espoir ;
Entends-tu le cri de l'oiseau ?

Le souffle ;
La tempête ;
L'espérance d'une seule vie ;

À jamais servi, que sa présence marque le temps ;

Alors qu'ils s'engouffrent à nouveau dans le tas boisé, tout en évitant les lianes et les troncs pliés, elle perçoit la présence du colossal à sa gauche. Pâle mirage certes, mais cela suffit à Alpha pour foncer dans cette direction. Elle croit, d'un moment à l'autre, tomber sur l'e-motio et sur la
pierre salvatrice.

Dans leur accélération, ils n'ont pas envisagé une seule seconde qu'ils peuvent se situer près d'une falaise. Comble est de constater qu'en le découvrant, ils avaient déjà bondi.

Ô vague d'e-motio, briller ;
Le temps s'est disloqué ;
L

'espoir renaît ;
Sombre, furent ces temps-là ;

Dorénavant, l'étoile brillera ;
Illumine tes jours, espoir ;
Aucune des portes ne pourra t'être fermées ;
Que la lumière s'étende ;

Et de ce point élevé, comme happé par l'espace et le temps, Alpha, les yeux écarquillés, est témoin de l'arrivée d'une vision à laquelle elle ne s'attendait pas.

Au loin, dans une large vallée, ponctuée de dizaines de petits étangs, bien près des montagnes blanches derrière, se tient ce qui s'apparente à un titan.

— L'e-motio patriarche ! s'exclame-t-elle, de sa voix la plus timide.

Ils finissent par atterrir sur une branche, que l'e-motio utilise comme tremplin afin de s'élancer de plus belle en direction de cette étendue, non loin de leur position à leur vitesse.

— Je n'arrive pas à le croire…

Alpha est déboussolée. Elle ne l'aurait jamais cru. Sur le dos du dévoreur, elle perd tous ses repères. Entre le désir et la vérité qui se présente, elle ne sait plus quoi penser. L'imposant éléphant existe. Il n'est donc point une fiction.

Ils s’aperçoivent qu’ils ne sont pas les seuls à être conviés à cette réunion. On distingue des e-motios de toutes races, des tvaraks aussi bien célestes que terrestres. Il y a une dizaine de monstres imposants qui se mette à regarder le colossal, s’approchant depuis les hautes montagnes. Elle y reconnait les gouverneurs. Ils sont tous en rang, devant leurs sujets.

En peu de temps, ils descendent la pente, menant à la vallée. C'est une étendue d'herbes hautes en premier lieu qui les accueillent. Ils voient une myriade de petites lucioles dominer ce jardin. Tout ceci rend le territoire unique et le moment solennel.

Alpha se dégage de l’ex-dévoreur. Une petite considération pour l’e-motio de la tristesse. Tristitia vient de la distinguer depuis sa position du côté droit de la jeune aventurière.

Elle se détourne et observe plus loin, la reine se rapprocher du majestueux colossal. À la différence de ses semblables, celui-ci mérite son titre : sa taille en elle-même, est renversante : Sa présence en elle-même est perturbante. On dirait presqu'il touche le firmament de sa tête. Son corps entier est d'un bleu azur étincelant. Dessinant son avancée, l'animal est comparable à un cristal plus vrai que nature. L'e-motio de l'amour est déjà près du gargantuesque qui s’avance d’un pas lent et mou, mais remarquablement avantagé. En quelques pas titanesque, il s'est retrouvé près de la belle qui n'a point cessé sa prestation.

On la contemple lever les mains pour toucher le bout de la trompe de l'e-motio, revenu de son long voyage dimensionnel. Oui, ils en étaient arrivés à croire qu'il ne reviendrait pas cette année.

Alpha, ressent une explosion de picotements éparse dans le ventre, comme touchant enfin au but. Difficile de savoir sans avoir tenté. Elle s'avance, l'air hésitant au début, puis, emportée par les images lui parvenant. Oui, elle l’a trouvé. C'est lui. L'e-motio que l'on a nommé la légende. Au symbole du plus indétrônable des traits à travers l'univers. Rien ne peut le dépasser sans devoir l'associer. Même au sommet, on la porte toujours. Même dans la fin, on la sert contre nous. Souvent liée à sa sœur, la foi, elle rend les êtres uniques, persévérants et leur permet d'évoluer là où tout semble perdu. Pourtant, il faut bien l'entretenir, car vite elle devient notre pire cauchemar. Vous l'aurez compris, nous parlons de l'espoir.

Alpha lève les mains à son tour, le sourire aux lèvres, comme ayant retrouvé ce quelque chose qui s'était perdu. Retrouvé ? Ou débloqué ? Car ces sensations existaient toujours en elle, mais ne pouvaient s'extérioriser, ayant été bridée.

Elle dépasse même le niveau de la reine rouge, arrêtée à quelques pas d'elle et l'observant tout en continuant sa chanson :

Un voyage, oui, c'en est un ;
Porter des ailes, lui empêche de réfléchir ;
Mais, ce vol, il le veut ;

Carillon, transportez ce message ;
Esprit du temps, n'osant le désavoué ;

Tempête, tu ne vaincras ;
Ténèbres, tu ne prendras ;
Tisseur, tu ne l’emporteras ;

À la lumière des e-motios, le voyage commencera ;
Oui, les trois prendront le large ;

Alpha se colle à sa trompe. Un rire étouffé lui échappe. Cela ne tarde, car deux coulées de larmes dessinent ses joues rosies. Cela lui procure par la même occasion un peu de chaleur.

Cette réponse tardive de son corps pousse la jeune fille à s'agenouiller, trop faible pour tenir debout. Elle sent la vie affluer en elle à nouveau, comme si elle avait été tout ce temps, dans un état second, presque comateux. Et c'est dans cette atmosphère de renouveau et d'un cœur palpitant, qu'elle répond :

— Je comprends tout maintenant.

 Et c'est dans cette atmosphère de renouveau et d'un cœur palpitant, qu'elle répond : 
— Je comprends tout maintenant

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Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now