Chap VIII : Ce Qui Unit Les Hommes (3/3)

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Il s'enfonce en même temps que ses compagnons.

— Maniez-vous le cul...

Le groupe se jette dans le vide, dévalant la pente comme du bétail pourchassé, sautant sans réfléchir d'un côté, puis d'un autre.

Cela ne dure pas. Une flèche vient frôler l'oreille de Selfor, le poussant à accélérer. Il se rend compte que fuir ne sera pas leur chance de survie. Ils ont des armes, doit-il comprendre maintenant.

Heureusement, la pente est moins entendue que sur les autres parties du plateau. Ils arrivent sur un coin dégagé, les arbres à un ou deux points. Quelques petites flaques d'eau à endroit et des dizaines de racines déformant le sol.

Ici, le ciel est caché par les extensions de branches et cela vient sonner aux oreilles d'Eskiell, comme le glas du dernier acte.

« Est-ce à cet endroit que nos destins vont être scellés ? »

Les trois personnages sont les premiers arrivés. Ils se retrouvent obligés de faire face à la venue de la bataille.

— Approchez, vermine insolente... déclare Selfor, en dégainant avec un calme admirable.
— Les amis, débute le chef, en levant son propulseur.

« Celui qui réussira à en dégommer le plus possible, aura droit à un festin digne du roi de Tundheris, c'est moi qui vous le dit... »

— Merci, mon vieux ! répond Eskiell avec un sourire empli d'ironie.

« Mais si l'on s'en sort, c'est moi qui ferai tout pour vous servir le meilleur breuvage de tout Haemmer... vous pourrez boire jusqu'à crever ».

À la minute qui suivit cette déclaration, les assaillants sautèrent sur l'occasion. Cela fit réagir le groupe. Les sabres transpercent la chair, les balles en étoile apparaissent telles des étoiles filantes traversant l'horizon.

Ils ont beau être nombreux, le groupe fait preuve d'une prouesse guerrière enviable. Ils ne perdent pas leurs moyens durant l'échange. Mais cela, c'est avant l'arrivée de l'enrobé.

Se tenant à une distance d'où il peut apercevoir tout le terrain, le prédateur observe ses futures victimes d'un œil perçant, mais qui se veut méprisant.

Bordos tourne de la tête en voyant le monstre, droit et visant leur parterre.

— Eskiell ! Une poussée... maintenant.

L'aventurier se presse en levant sa main, pour produire une pression gravitationnelle sur ses ennemis, libérant de la place pour l'explorateur.

Le mouvement s'interrompt. Devant son chemin, un revenant s'avance.

— Nom de Dieu ! s'exclame le chef, tout en essayant de comprendre.

Le monstre du début pose un pas devant l'autre. Il est mal en point. Tout son corps a grillé littéralement. Sa peau acajou s'est fait remplacer par un noir pur brillant tel du goudron liquide.

Le temps de cligner de l'œil et Bordos sent une vive douleur lui percer la poitrine. Il voit une lame noire sur son sternum. La créature a gagné en vitesse.

Le groupe voit leur leader s'effondrer au sol. Il perd du sang, beaucoup trop. Selfor se dépêche de trancher un monstre avant de se lancer vers le meneur qui tombe déjà la face contre le sol.

Le mercenaire abandonne son action. Il est comme perdu pendant un dixième de seconde. Le visage collé sur le transpercé. Il pâlit. Sa gorge se noue. Ces yeux veulent offrir une larme pour l'instant. L'homme n'est plus.

Il se ressaisit juste à temps pour parer un coup fatal. Eskiell est dans une situation de contre-offensive fortuite. Il combat à l'aveugle. C'est le moment de se rassembler.

Par réflexe, il commence à se rapprocher. C'est incontestablement deux épées qui s'unissent pour un acte final. Adossé l'un à l'autre, ils lèvent leurs armes respectives. Ils sont en branle. L'excitation est à son paroxysme.

— Prêt à finir ta route ici, camarade ? interroge l'aventurier en sueur.
— Oh, ça ? On peut dire que je n'ai pas à me plaindre. répond le compagnon.
— Qui aurait crû que cela finirait ainsi ?!
— L'épilogue ? Je ne suis pas habitué au mélodrame et encore moins aux scènes d'adieu... Cependant, j'ai toujours vécu ainsi... dans la fin.
— Que ta vie a été bien triste...
— Espérons que tu m'apprennes deux ou trois trucs sur la vie dans cette dernière virée.
— Ah ! Ne t'en fais pas, ça va être vite réglé...

Les deux chasseurs sont acculés. Les créatures commencent à exaspérer leur défense. C'est à ce moment que descend le monstre au regard perçant. Il abaisse ses deux bras et commence à marcher doucement. À son approche, les autres bêtes s'écartent.

— Il doit s'y mettre maintenant ? commente Eskiell, fort exténué.

Le personnage s'arrête subitement, lève la main droite et indexe le mercenaire. La sensation de brûlure qui s'ensuit déstabilisa Eskiell.

— Il... C'est lui ? questionne le guerrier.
— Du feu... Le fumier... je crois que je vais en finir...

Selfor se lève malgré la douleur qui étreint son bras droit. Il tient fermement son sabre. La peur de l'ennemi l'a quitté depuis longtemps. Peut-être aurait-il troqué son épée avec le propulseur de Bordos. Pas le choix. Il devra faire avec.

Selfor s'élance, renverse un des pions sur son chemin, raccourcit la distance entre leur meneur et lui. Deux secondes plus tard, le mercenaire s'échoue au sol.

Eskiell tente d'intervenir, mais n'en a pas le temps. Une rafale indescriptible de coups désintègre, sur place, la dernière parcelle d'action de l'aventurier. L'assaillant oblige le guerrier à reculer de plus en plus jusqu'à chuter. Le bruit du choc retentit encore un moment après la chute.

Le temps de se redresser et sa tête ne le porte plus. Le monstre le tient entre ses mains, apportant un silence macabre.

Les créatures se redressent. Elles sont totalement immobiles. La bête se retourne. Elle se retrouve soudain la lame enfoncée dans la poitrine. L'arme est levée et le personnage est tranché par le haut.

Selfor est debout. Il a réussi à se redresser. Une minute trop tard, hélas. Il s'affale à son tour sur la scène, baissant le rideau sur la quête des voyageurs dans la Toile.

« La mort... poutre divine de la prestance du repos. N'est-il pas héroïque, celui qui se décide à se prêter au plaisir de la fin ? »

— Qui parle ? demandé-je, tout en continuant ma descente.
— C'est un e-motio... mais il est plus puissant que moi... Il brouille ma vue... je n'arrive pas à le voir.
— Je vois...

Voilà comment se conclut le voyage de mes compagnons. Je n'aurais rien changé. Je serais arrivé en retard et me serais mise en danger. Je ne pense qu'à moi.

Je ne dois pas abandonner mon but. Je sens que je suis proche de mon objectif.

*

* *

— La mort... poutre divine de la prestance du repos. N'est-il pas héroïque, celui qui se décide à se prêter au plaisir de la fin ? prononce un nouveau personnage, se cachant dans l'ombre.
— Ils ne sont plus de ce monde... déclare le brûlé.
— Quelle est la suite du plan ? questionne l'enrobé qui se remet à manipuler ses doigts.
— Il manque un sacrifice... remarque l'inconnu
— Oui, le prêtre a disparu... Je ne l'ai plus trouvé après l'éboulement, répond le premier monstre.
— Fâcheux.
— Fâcheux.
— Fâcheux...
— Il est pourtant possible d'y remédier... intervient le noirci.
— L'aventurière... intercale le deuxième monstre.
— Oui, l'aventurière... reprend le premier.
— Trouvez la moi, achève la silhouette dans l'ombre.

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