Chap IX : Piège (1/3)

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Je suis bien droite, le vent chaud rappelle l'ardeur du soleil. À mes pieds, les deux dévoreurs, souffrant encore de la force de ma maîtrise. Je considère l'un d'eux tentant de se relever.

- Je vous conseille de rester à terre, conseillé-je, en restant le visage intéressé par la bête à la lance.

Il incline la tête, lève la jambe, le tout dans un mouvement normalement rapide, mais que je perçois fort lent, comme un ralenti.

- Je vais me faire un plaisir de vous ramener au sol, déclaré-je, dans la seconde sans bouger.

Alors qu'il s'avance dans ce même geste fort décéléré, j'entrevois le jeune africain, longeant les murs de son quartier. Sa chemise est chiffonnée, sa tête niche quelques graines de sable et son visage porte la violence voulant se libérer. Il quitte le mur pour se diriger vers un endroit qui m'est alors impossible de voir.

Il me faut réagir maintenant. Sans me projeter, j'ordonne à l'e-motio depuis ma position :

- Mbila ! Arrêtes-toi ! tonné-je.

L'animal tombe à terre en générant de la poussière autour de lui, me faisant involontairement volte-face. Je me presse d'enchaîner :

- Mbila ! Nous savons tous les deux où cela va t'amener, en cet instant. Recule, ce ne sont pas tes affaires.

J'arrive à voir Mbila. Il est dans la rue d'un quartier. De la boue éclabousse les vêtements d'une foule en plein accrochage avec une dizaine de personnes, dans un uniforme coloré vite malmené. Je distingue de l'étonnement chez Mbila, à la perception de ma voix. Cependant, le groupe de partisans en colère, scandant le nom d'un homme le force à rester en alerte.

Il place un pas, voulant à nouveau se diriger vers ce pugilat en règle, dont de nouveaux partisans avec des bouts de bois et des barres de métal rappliquent en hurlant. Mbila arrive tout de même à m'entendre à travers toutes ses voix s'élevant. Il s'entête néanmoins et s'élance.

Je n'ai point de temps à consacrer à ses ardeurs combatives. De mes iris, je prends partiellement possession d'un de ses collègues à sa gauche qui se précipite pour le maintenir sur place, en conservant sa main sur son épaule.

Mbila se retourne. Curieusement, il ne l'attaque pas. C'est un de ses collègues. J'en ai déduis par l'écusson attaché à leur poche gauche respective.

— Mais qu'est-ce que tu fais, Patrick ? s'indigne le révolté.

Il lève sa main droite pour tenter de se dégager. Je n'obtempère pas et enchaîne :

— Ne te mêle pas à ce mouvement, ce ne sont pas tes affaires... supplié-je.
— Mais c'est mon pays... notre pays. Tout ce qui s'y passe nous concerne. Regarde... !

Il indexe la bagarre encore à son pic.

— Ces gens se battent pour un changement. Pour que demain soit meilleur. Si je ne m'y engage pas, maintenant. Alors, personne ne le fera.
— À quoi serviront tes beaux discours si tu meurs aujourd'hui ? Qu'adviendra-t-il de cette utopie que tu désires tant défendre ? Quelqu'un d'autre le portera à ta place, c'est ça ?

Je le vois tenter de riposter, mais je prends les devants :

— Foutaises ! Tu seras mort. Vis ! Et alors, demain, tu pourras préparer tes armes pour changer les choses.
— C'est ce que bon nombre d'entre nous disons pendant que d'autres payent le prix de la fourberie des hautes sphères. C'est maintenant que tout se passe.

Je me rapproche de son visage, lui passe mon bras taché de boue. Je fais en sorte d'avoir un contact physique avec lui pour mieux qu'il comprenne :

Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now