Chap VI : La Raison D'une Mort (1/3)

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Je me retourne soudainement. Je viens de m'introduire dans le district de la hache de la colère. Pourtant, pas une seule créature ne s'est encore présentée à moi. C'est illogique. On m'avait pourtant assuré qu'elles étaient bruyantes, pour la plupart.

Le décor ne me paraît pas si exotique. La quasi-totalité du sol est composée de terre rouge. Il y a des arbres aux feuilles rouges noires et violettes. Pas d'herbe au sol, juste du sable. Il se trouve qu'il y a une seconde, une voix venait de se faire entendre. Je tente de vérifier dans mon champ de vision s'il n'y a pas de bête se cachant.

Je me creuse les méninges, en adoptant une position défensive. Si les monstres me surveillent, il me faut rester à l'affut d'une possible embuscade.

Sans crier gare, je me retrouve près d'un port. Les bateaux amarrés en ligne brisée ne m'interpellent guère. Pourquoi suis-je-là ? Je n'ai même pas encore croisé d'e-motio.

Subitement, elle m'apparait, marchant d'un pas frôlant l'accélération. On dirait qu'elle désire de tout son cœur quitter cet endroit, tout en conservant un semblant de calme.

— Emy, baragouiné-je.

Je me dirige vers elle. Le soleil à son zénith peste sur toute ma chevelure. J'en sens la chaleur presqu'insupportable sur ma peau. Le bruit des vagues frappant le bord des yachts, me parvient comme le son d'une claque ratée. Je la rattrape. Au moment où j'espère qu'elle lève les yeux pour me considérer, cette dernière me dépasse et continue sa route.

Je reviens sur le sentier me menant vers le centre du district de la hache de la colère. Je ne peux cependant me contenter de cette pâle image, dénudée de sens. Si la jeune fille m'est réapparue, c'est qu'elle a un rôle à jouer.

J'observe le ciel ombrageux. Une averse se prépare dans ce ciel. Et toujours pas de ligne de connexion. En quelques secondes, je laisse ma langue articuler le nom de l'adolescente :

— Emy...

Je perçois un craquement. Il provient de l'autre côté. En entendant le souffle saccadé de l'étudiante, je comprends que c'est à elle que je dois ses bruits.

Brusquement, le mouvement s'accélère. La fille pose de lourd pas sur le sable avant de rejoindre la grande voie où elle repère un fast-food. Elle n'entre pas habituellement là, mais elle a un plan derrière la tête. D'un signe au serveur qui lui affiche un sourire, elle fonce droit vers les toilettes pour dames. Vérifiant qu'il n'y a personne, elle se rue au lavabo où elle tourne le robinet. Elle se rince avidement le visage avant de se contempler dans la glace. Elle semble soulagée de ne rien constater d'anormal. Elle se passe une main sur ses narines pour emporter une goutte d'eau. Elle ouvre son sac noir pour en tirer son discret maquillage. Elle vérifiera plus tard si elle a pris un coup de soleil.

— Emy !

Elle sursaute. Elle fixe la glace, reculant un pas après l'autre.

— Non, non... non ! maugrée-t-elle, le teint de plus en plus pâle. Ça ne peut pas être vrai... j'ai rêvé ce jour-là.
— Tu en connais beaucoup qui hallucine à ton âge ?
— Tu n'es pas réelle, non...
— Cesse de trembler. Tu vas finir par y rester. Prends ton sac et place-toi de suite dans l'une des cabines.

La jeune fille réfléchit une seconde avant de finalement s'exécuter. Elle pénètre au pas de course dans la cabine du fond, tandis qu'une femme haute et large, pénètre, une joie dissimulée dans la voix. Elle n'est pas seule et profite de ce moment pour discuter avec ses compagnes.

— Je suis ton amie, je crois te l'avoir dit, non ? lui dis-je.
— Personnellement, je ne discute pas avec les esprits, moi, chuchote la jeune étudiante.
— Je suis désolée de te décevoir, mais je ne suis pas un esprit.
— Ah oui ? Et t'es quoi ? Un ange gardien ? Ah oui, tu me l'avais dit...
— Le courant ne passe pas encore entre nous... je comprends. Mais je te conseille de ne pas t'alarmer pour autant... elles ne viendront pas ouvrir ta cabine.
— Ce n'est pas comme si je ne le savais pas... il y a quelques mois, une dame croyait naïvement que les femmes qu'elle avait entendu entrer dans les toilettes étaient de simples passantes. Grossière erreur... elles étaient venues se débarrasser de la petite cachée...
— Laisse-moi deviner, c'est un film, n'est-ce pas ?
— Je n't'ai rien demandé.

Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now