Chap X : Nsenga (2/4)

57 19 64
                                    

*
* *

La première fois où j'ai eu une vision, je n'étais qu'un gosse de dix ans, craignant de décevoir ses tuteurs. J'étais allongé dans l'herbe dure sur la plaine séparant le temple Nord et le temple Central. J'ai eu deux visions : celle du début fut moi, tremblant dans un étang, frigorifié. Je supposais alors que j'allais me confronter à une épreuve terrifiante sous le jugement des hauts gradés ; la seconde qui suivit presqu'automatiquement me fit me redresser sans attendre. Je me voyais tenant une énorme lampe bleue, brillant de mille feux et offrant à une infinité d'âme, un chemin vers un endroit unique.

Cet après-midi-là, je ne dis pas un mot et conserva les détails de ces deux scènes troublantes.

Dans la suite, je fus capable de continuer à décrire aisément ce que je voyais et à donner trois informations cruciales lors de mes interprétations : le lieu, le contexte et la possible manière d'échapper à une blessure.

Ce don m'octroya de favorables espérances d'une haute distinction à l'avenir. C'est l'une des raisons qui m'ont poussé à me déchirer lorsque je ne fus pas choisi lors du jugement.

Cette fois-ci, je suis mal en point. Une vive douleur lacère mes entrailles. On peut présenter une multitude de terme pour clarifier la sensation ressentie, mais rien ne vaudra son expérience. C'est horrible à un tel degré que l'on a l'impression pendant un instant d'appeler au secours juste des yeux, de supplier de retomber en enfance l'espace de quelques secondes avant de retomber dans la réalité amère.

Je crois m'être endormi. C'est difficile de vérifier la chose, je suis comme pris dans un canal. J'assiste à l'approche d'un cortège. Des femmes, sans me tromper. Des guerrières armées et vêtues d'un même uniforme, s'avançant doucement vers moi. Leurs yeux d'un bleu clair luisent sur le décor gris qui domine l'image.

J'aperçois sans attendre deux grands yeux rouges, limpides, capables de tourments et prêts à pourfendre l'air au premier mouvement du bras qu'il lève. Cela s'enchaîne avec une énorme étoile traversant la forêt et soudain, je vois Alpha, se tenant à la pointe de l'horizon bleuté dont le paysage déverse une diversité incroyable de plantes de toute beauté.

Soudain, le décor devenu coloré se change en un rouge écarlate sinistre, accompagné d'un son strident augmentant d'intensité à chaque nouvelle image. Je distingue des corps jonchant le sol, en putréfaction apparente. Des flashs suivent le déplacement de mes paupières : je vois Alpha à terre, souffrant clairement ; puis un monstre... Un e-motio, me semble-t-il, tout petit au départ, devenant étonnamment grand et imposant.

- Ça va aller ! Ça va aller !

C'est le visage d'Alpha qui m'apparaît subitement. Je n'arrive pas à différencier la réalité de ma vision.

Une voix prononce des propos inaudibles me triturant la cervelle à mesure que je me force à capter l'information.

J'ai horriblement mal à la tête. Je transpire comme jamais. Je hurle silencieusement à la mort qui ne vient pas. Sans m'en apercevoir, je lâche des mots à l'intention du Tout puissant : « par pitié... que par la flamme... qu'... nous donne... ô seigneur !

Je sens quelque chose m'être exhorté d'avaler. C'est Alpha, elle me lève doucement jusqu'à me placer sur le sol où je me sens subitement bien plus apaisé - Oui - la douleur s'estompe quelque peu.

- Merci... merci... Alpha ! murmuré-je, les lèvres tremblantes.
- Est-ce que tu penses que tes crises vont se répéter pendant longtemps ?
- Ce n'était pas... une crise à proprement parlé... J'ai eu... une vision...

J'ouvre les yeux, l'air d'observer le ciel nocturne.

- Il faut que tu fasses attention à toi, Alpha... reprends-je, en me raclant la gorge.

Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now