Chap I : Les Émotions (2/2)

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Alpha rouvre ses paupières, découvrant ses iris bleu azur. Elle considère l'emplacement où elle se trouve.

Cela ressemble à une grotte. Une forte humidité vient chatouiller ses narines. Elle tente de se lever et sur le coup, ressent une vive douleur. Elle ne se souvient pas immédiatement de ce qui s'est passé, la veille.

Mais la seconde d'après, elle recouvre ses souvenirs, ponctués de trous noirs çà et là avant de paraitre dans son intégralité. C'est sûrement les instants les plus poignants de son combat qui lui revient machinalement à l'esprit.

Elle repose sa tête sur ce qui se ressent être une touffe d'herbe. Elle ressent de la douleur sur ses poignets, son épaule droite et l’os de sa hanche. Le sang se vide, laissant une insupportable sensation de mal-être.
Consciente que c’est de la roche et non de la molle terre qui lui sert de couchette — et qu’elle risquerait de souffrir de cette sciure encore longtemps — elle tente à nouveau de se relever, d'un bond. La pensée d’un frisson sporadique la traverse l’esprit, mais elle arrive à redresser son buste. Aucune douleur. Elle s’attendait à subir une souffrance atroce. Une souffrance de macchabé revenu à la vie. Surtout après l’écorchure que lui avait faite l’adepte de la fin. Rico… non, Minos… Il s’appelait Minos… ou quelque chose qui s’en rapproche.

Elle tâte à nouveau la trace laissée par la lame sur sa paroi abdominale, fouille son visage et ses cuisses à la recherche d’une cicatrice saillante.
Elle ne ressent rien. La douleur qui, juste à la minute de son réveil la susurrait de se lever, avait disparu lui aussi. Sur pieds, elle constate qu'il s'agit de l'intégralité de ses blessures qui ne provoque plus ces douloureuses sensations. Elle examine encore un moment, les déchirures sur son uniforme.

Elle redresse la tête, se demandant comment pareille miracle a pu se produire. Quelqu'un l'a sauvé, sans conteste. Ou peut-être quelque chose. Serait-ce à nouveau la jeune guerrière aux cheveux blancs de l’antre de la honte ?

Autour d’elle, de la roche. Rien que de la roche. Des stalactites et des stalagmites entourent les parois et dominent le toit de l’endroit. Non loin d'elle, des rochers comme des pierres flanquées dans un coin réservé — une sorte de courbure taillée dans la paroi rocheuse — produisent une lumière phosphorescente. Ceux-ci éclairent la majeure partie de la grotte. Elle y détaille des fresques de légendes. Elle se rapproche d'une d’entre elles et étudie les illustrations tracées d'une manière linéaire et allant de la gauche vers la droite. C'est un récit. Une bataille des jours perdus où l'on considère les puissants e-motios, c'est-à-dire les colossaux, lever une forte tempête sur Lodart.

De cette tempête, naquît une forte lumière qui emporta toute une farandole de particule. À côté du dessin, se trouve des hiéroglyphes que l’aventurière parvient à déchiffrer facilement : Les e-motios sont nés au commencement de la vie. Ils ont assisté aux premiers gouvernements de ce monde.

Les e-motios ont vu naître les puissants, ce qui se traduit ici par les colossaux, portant une gerbe de fleurs sur leur tête. C'était la lumière des
premiers jours. Deux étoiles venaient de prendre place dans le ciel : l'amour et l'espoir.

— Alors, l'e-motio de l'espoir existe bel et bien, pense tout haut Alpha, comprenant que rien n’était encore joué et que le mythe pourrait peut-être dépasser la barre du réel.

Elle continue la lecture du récit fort bien explicité. Elle remarque en reprenant, qu'il se trouve une datation pour ces évènements. Elle jette un œil au reste de la paroi et considère la même chronologie, évoluant au fil de l'histoire.

En l'an 1307, une forte tempête sévit sur notre monde. Les vents étaient violents et l'averse déchaînée. Les puissants ainsi que les classiques assistèrent à l'envol de leurs lumières dans le ciel. Ils ne purent rien y changer et se retrouvèrent dépossédés de leurs biens.

Elle s'avance dans le récit et découvre un nouveau dessin : deux e-motios, un éléphant et une fleur à épine, près de son énorme patte, entourée de plusieurs points représentant les classiques. Tous contemplent le ciel, ramenant leur lumière sous forme d'étoiles filantes.

En l'an 31 du calendrier bêta, les e-motios, colossaux et classiques, virent briller dans le ciel étoilé, leur précieuse lumière. Elle leur était rendue sous une pluie d'étoiles filantes.

Le calendrier… Sur Lodart, le calendrier beta précède celui d’alpha. Il s’agit d’époques révolues et connues de l’ancien monde. Alpha s'avance encore et découvre l’illustration d'une e-motio joyeuse et générant de la lumière tout autour d'elle. Son regard est tourné vers le ciel, en signe de gratitude. Mais à côté d'elle, une autre illustration, un e-motio plus maigre, empli de flammes et un gringalet à genoux, souffrant atrocement. On dirait presque qu'il implore le ciel de le délivrer d'un mal.

En l'an 31 du calendrier bêta, les créatures de Lodart ont commencé à profiter de ce retour lumineux. Ils proliféraient une puissance et un renouveau pour chaque plante, chaque tvarak et chaque cellule du continent. Tout n'était que perfection.

En l'an 32 du calendrier bêta, une anomalie survint. Les e-motios devenaient de plus en plus violents. Ils semblaient habités par un mal qui ne dormait point. Certains, possédés par ce mal déferlèrent sur les peuples de Lodart et leur firent connaître un repos des plus affligeants : celui du non-retour. Ceux qui, du peuple, terrorisé, cherchant protection et repos, osèrent demander refuge à des e-motios, rencontrèrent une nouvelle race, qui connaissait la même peine qu'eux, mais qui finirent par causer la perte de ceux qui s'en approchaient. Cette situation perdura pendant quatorze années.

La suite du récit est illustrée par deux êtres squelettiques, sortant des profondeurs de la terre. L'un pose son regard en direction du ciel, tandis que l'autre garde la tête inclinée, comme honteux de sa naissance.

En l'an 47 de l'année bêta, Deux êtres naquirent : Nirvana et Akedia. Respectivement, l'e-motio de la mort et l'e-motio de la dépression. L'année qui suivit, les e-motios devinrent un réel danger pour le continent et furent donc combattus. Cependant, ils avaient gagné une majeure partie des terres appartenant aux autres espèces.

Le dessin suivant présente un énorme typhon où des centaines de milliers d'e-motios furent supprimés. Ce fut le grand deuil de Lodart. Les e-motios, durent se rassemblés dans le dernier lopin de terre qui leur fut permis d'obtenir.

En l'an 49 du calendrier bêta, une grande guerre ébranla Lodart. C'est aussi à cette époque que disparut l'e-motio de l'espoir.

Alpha comprend mieux encore les paroles de Lupe. Ce récit concorde aussi avec ce que lui ont enseigné tous ses professeurs.

Elle repère alors une suite à un mètre environ de la première fresque. Cette deuxième partie, présente une forêt à feu et à sang. Un groupe d'humains, à première vue, lance un raid sur la forêt.

En l'an 9 du calendrier alpha, une armée essentiellement constituées d'humains, se jeta sur la forêt mystique. En première ligne, des simples
soldats se trouvaient deux nouvelles professions mis sur pieds dans seul but : maîtriser les e-motios.

Il y avait les plus costauds, armés de flèches et de lames, ceux-là, étaient nommés « aventuriers ». Les seconds, plus libres de leurs membres et l'air de paysans insouciants, furent nommés « forgeurs ».

Ce fut le carnage et nombre d'e-motios perdirent la vie. La maltraitance subie par ceux qui furent capturés, était plus exécrable que celle dans un zoo.

En l'an 12 du calendrier alpha, les e-motios spirituels naquirent. Aucun aventurier ne put s'en accaparer ni même s'y adapter. Les e-motios furent ensuite rejoints par les déviants qui possédaient un dérèglement du fonctionnement des dévoreurs et de certaines races traumatisées par ces invasions. Ce fut à ce moment que la résistance prit de l'élan jusqu'à stagner. Les nouveaux occupants étaient toujours aussi difficiles à déloger.

En l'an 14 du calendrier alpha, les e-motios réussirent à chasser l'envahisseur. Les survivants se rassemblèrent autour de leurs seigneurs : les colossaux.

Sur l'autre partie du dessin, elle détaille alors des corps humains se suivant, avant de devenir quelque chose d'autre qu'elle devine être ce qui lui fut proposé par Hochmut.

En l'an 16 du calendrier alpha, vint au monde une nouvelle race d'e-motios que seul l'e-motio de la mort en connaissait le secret.

Un des dessins de la paroi se trouve au sommet et illustre la descente de l'e-motio patriarche. C'est avec cette assurance qu'elle se presse de lire ce qui y est inscrit.

En l'an 712 du calendrier alpha, les e-motios assistent au retour de leur patriarche. Dans la même année, ce dernier les quitte. C'est en leur donnant de nouvelles directives que les e-motios établirent le profil des hiérarchies. La forêt est dirigée par les e-motios colossaux ainsi que les dévoreurs évolués.

La suite présente une imposante grotte menant à un palais pavé d'or et luisant de partout.

En l'an 1027, les e-motios trouvèrent un palais ayant appartenu aux rois de l'ancien monde. Ils décidèrent de se lancer dans sa rénovation et n'arrêtèrent plus d'étendre le palais dans les profondeurs. À l'aide de leur lumière, ils rendirent cet endroit unique. Ils décidèrent de l'appeler « Dianaria », littéralement « le sanctuaire des colossaux. »

Soudain, elle remarque qu'un dernier dessin demeure. Il présente un groupe d'humains s’introduisant dans la forêt, mais cette fois, ces hommes lèvent l’index en direction des e-motios et leur donne l’ordre d'aller à la rencontre de leurs semblables. Elle identifie les bêtes courant telles des lapins en direction du centre. La forêt s’embrase derechef. Les e-motios s'entretuent. Les colossaux pointent, sur leur côté droit, leurs doigts afin d’envoyer les e-motios vers les envahisseurs, créant ainsi un bain de sang sur leur espèce.

Elle note aussi plus bas, un homme fort brillant, au reflet de feu. Il porte avec lui un diamant dans le projet d'étouffer la guerre. Et plus loin, elle remarque un e-motio en forme d'une fleur qui semble se rapprocher de la porte du sanctuaire. Cette créature hésite, mais finit par étendre ses mains afin de sceller l'accès au palais, sur la scène suivante.

L'an 1230 du calendrier alpha. Ce fut exactement comme lui avait narré l'e-motio du souvenir. Ce qui s'illustre face à elle, est la représentation de la guerre des lucioles rouges. Celle du temps de la mort et de la naissance des évolués à chiffre unique. Les voyageurs avides de richesses et de secrets qui transformèrent radicalement l'aspect de la Toile.

L'humain en bas doit être le fameux sauveur de ce temps. Celui qui a calmé les monstres et leur a permis de refermer leurs blessures. Et c'est dans ce tourbillon de malheur, que l'e-motio colossal le plus influent décida de fermer les portes du plus grand secret de la Toile, le cachant même à ses semblables. Seuls les autres colossaux connaissent le secret et le chemin pour s'y rendre.

Elle finit par apercevoir une flèche, indication à celui qui lirait la fresque de continuer à marcher vers le fond de la grotte, ce qu'elle s'empresse de faire avec une pointe de curiosité. Bien évidemment, elle tâte son uniforme pour s’assurer de détenir une lame encore utilisable.

Elle compte, de ses deux poches, ses aiguilles ainsi que ses capsules. Elle s'avance plus en profondeur. Elle contemple au passage la lumière produite par les pierres autour d’elle. Elle s’arrête net, après une vingtaine de pas, la plongeant dans des ténèbres bien inquiétants.

Cela ne dure guère. Elle finit par apercevoir de la lumière. Au vue des dessins formés sur les parois de la grotte, elle se trouve à quelques mètres d'une source d'eau. Un lac, peut-être. Elle ne réfléchit pas longuement sur le sujet, car bientôt, elle atteint le fameux souci.

C'est un lac d’une dizaine de mètre, du premier coup d'œil. Alpha se demande comment elle a pu se retrouver là. Elle remarque une lumière saisissante, au centre du lac qui la laisse dubitative, une sorte de soleil qui éclaire toute l’eau, la rendant anthracite. Elle comprend mieux le reflet sur  les parois.

Soudain, un craquement lui parvient. Retournée, elle considère deux billes brillant, au loin, dans les ténèbres. La chose se rapproche. Elle finit par parvenir à la lumière. C'est l'e-motio de l'envie. Son corps a doublé de volume. Il est d'un jaune vif et regarde presque dans toutes les directions. L'e-motio parait inoffensif maintenant. Il a même perdu sa mâchoire d'araignée. Elle est remplacée par une gueule de tortue.

L'animal se rapproche de son nez. Alpha ne se fait pas prier pour rapprocher ses mains de sa tête et de le caresser.

— C'est donc toi, mon sauveur ! Merci, petite chose. Mon héros. Tu as un talent incroyable pour ce qui est de la guérison. Les e-motios sont des êtres uniques. Une fois délivrés de leur mal, ils s'empressent de démontrer leur reconnaissance. Le plus curieux dans tout cela, c'est qu'ils se souviennent de leurs sauveurs des années durant et ne cherchent pas à leur faire le moindre mal, même possédé à nouveau.

Alpha voit l'animal se détacher d'elle et incliner la tête, en direction du lac. Elle dirige son regard dessus, considérant à nouveau la boule de lumière, au fond de l'eau. Lorsqu'elle ramène son visage face à l'e-motio, ce dernier la fixe intensément, comme pour lui rappeler une information qu'elle devrait détenir.

L'e-motio grogne en se rapprochant du nez de l'aventurière qui semble saisir le problème.

— Tu veux que je m'y baigne ? (Deuxième grognement). C'est bon, je vais le faire.

La bête grogne à nouveau en se rapprochant du visage de la jeune femme. L’animal gesticule de telle sorte que l'e-motio comprend parfaitement la désapprobation si référant.

— Quoi ? Tu veux que je plonge au fond ?

L'e-motio grogne une dernière fois avant de générer des iris luisants d'un jaune aussi vif que celui colorant sa peau.

Et sans attendre, les deux créatures font un saut impressionnant dans cette eau, les menant dans de nouvelles aventures encore plus captivantes.

 
Et sans attendre, les deux créatures font un saut impressionnant dans cette eau, les menant dans de nouvelles aventures encore plus captivantes

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Ce Que Tes Émotions Leur FontOù les histoires vivent. Découvrez maintenant