Chap VIII : Ce Que Cinq Faces Ont En Commun (3/5)

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— Tu crois qu'il n'y a pas un autre moyen ?
— Bien sûr que non. C'est la guerre ! me déclare-t-elle. Il y a certains moments dans la vie qui font que l'on n'est obligé d'imposer le respect... quitte à blesser d'autres personnes.
— Elle t'a dit qu'elle voulait te détrôner ?
— Tu m'écoutes ou quoi ? Elle faisait clairement en sorte que je perde mon influence et...
— Et voyant qu'on allait te jeter telle une vieille chaussette, tu as attaqué une innocente ?

Elle lève un sourcil et me rétorque avec une exclamation, presque comme un pouf dans la gorge.


— Ha... tu n'peux pas comprendre.
— Pourquoi te sentais-tu réellement menacée ?
— Je... je n'sais pas, m'assure-t-elle, en agitant ses bras et haussant les épaules, un peu dépassée. Elle était là, mon année venait de commencer, que me fallait-il de plus ?

Elle a du mal à exprimer les vraies raisons de ses actes. J'aimerai bien l'aider sur cette voie, mais c'est à elle de sonder son cœur et de répondre sincèrement.

— T'es sûre de ce que tu dis ?
— Parfaitement ! Et puis d'abord, c'est mon tour de poser les questions ?
— Hum, vas-y ! soupiré-je.
— Pourquoi fais-tu ce boulot ?
— Eh bien, parce que je l'aime.
— T'es sérieuse ? C'n'est pas un peu chiant de poursuivre les autres comme un berger ?
— Oui, j'aime passer du temps avec des brebis égarées dans ton genre... Et oui, vous êtes aussi agaçants par moment.
— Hum... laisse-t-elle échapper avec une grimace.
— Alors... pourquoi tu n'es pas emballée par l'anniversaire de ton père ?
— Quel intérêt, franchement ? Il se pointe à des heures pas possibles, ne téléphone que pour savoir si j'ai eu de bonnes notes... et j'te parie que pendant sa fête, il va faire comme l'an passé et l'année d'avant : il va passer son temps avec ses invités qui me sont totalement inconnus, puis dans une heure, il va décider d'aller les accompagner autre part. Si ça sert à quelque chose d'avoir un père...
— Et c'est tout ?
— Comment ça, c'est tout ? T'as idée de ce que cela représente de se donner à fond pour préparer une petite attention à son égard et que monsieur ne daigne même pas y jeter un coup d'œil ? Tiens, prend l'an dernier... je l'ai invité à souffler les bougies de ses quarante-huit ans. Naturellement, monsieur attire ses invités pour me mettre plus de pression — façon, je m'en fichais — Il souffle sur les bougies, là, y a aucun blême. Au moment de couper sa part et de pouvoir goûter au gâteau, monsieur le sénateur a la bonne idée d'inviter ses collègues à une partie à la terrasse, sans daigner me porter un regard. Et le pire, c'est qu'il m'a lancé devant tous ses invités une de ses phrases, j'vous jure : « tu n'devrais pas être debout aussi tard. Allez, passe une bonne nuit et n'oublie pas de t'appliquer à l'école. » T'as idée de ce que cela peut générer comme cassure en soi ?
— Ton père a mal agi, en effet.
— Ah, tu vois ?

Je tente d'aller dans son sens, question de creuser encore plus en profondeur notre relation.

— Mais... tu n'as vraiment plus envie de retenter le coup ? Peut-être que cette fois...
— On voit bien que tu n'connais pas mon père... il ne changera jamais. Je me demande comment ma mère arrive à le supporter.
— Il t'aime, tu sais.
— Et qu'est-ce que t'en sais ? J'parie que t'as eu une enfance facile avec des parents toujours là et que maintenant, tu te crois permise de donner des leçons ?
— Le seul souvenir que j'ai d'eux... c'est celui du dernier jour de notre paisible croisière. Mort noyé, que sais-je. Et moi, je suis là.

Elle marque une hésitation avant de reprendre contenance pour parler :

— Tu me sors le coup de la fille à la vie difficile ?
— Cela veut donc dire que tu peux résoudre ton problème en prenant sur toi, tu n'crois pas ?

Un blanc s'installe entre nous. Je vois les nuances de bleu et de vert s'intensifier. Cela signifie qu'elle s'apaise et est donc ouverte à la discussion.

Ce Que Tes Émotions Leur FontWhere stories live. Discover now