Chap IX : Eskiell (4/4)

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Nous sommes tous les trois. Je constate une pointe d'ironie sur le visage du meneur. Les chiens sont lâchés, nous n'avons plus qu'à combattre. Ai-je la possibilité de me retrouver de l'autre côté ? Il me suffirait de me détacher maintenant pour rester terrer dans un trou pendant un ou deux jours. Mais, je sais que c'est inutile. Ma plaie me produit encore une douleur négligeable. Cependant, mon talon gauche me précise la fin de tout marathon. Je sens une vive douleur à son endroit. Allons, c'est une journée comme une autre, vieux défaitiste. Nous avons des tas de choses à découvrir.

— Approchez, vermine insolente... déclare Selfor, en dégainant avec un calme admirable.

Ses mots suffisent à me donner un semblant d'agressivité. Je suis certain que cela va se retourner à notre avantage — Non — Je ne suis plus sûr de rien à cette heure. Cependant, je sais qu'une dernière flamme de guerrier brûle en moi.

Si telle est la volonté du Seigneur tout puissant, je suis prêt à affronter les choses qui se rapprochent. Que la flamme d'Atlanta nous soit favorable.

— Les amis, débute le chef, en levant son propulseur.

« Celui qui réussira à en dégommer le plus possible, aura droit à un festin digne du roi de Tundheris, c'est moi qui vous le dit... »

— Merci, mon vieux ! me pressé-je, de répondre avec un sourire se voulant le plus sincère possible.

Tous mes soupçons à son égard n'étaient que stupidité, je dois le reconnaître. Et dire que c'est en regardant la mort s'avancer que je comprends mon erreur.

— Mais si l'on s'en sort, c'est moi qui ferai tout pour vous servir le meilleur breuvage de tout Haemmer... vous pourrez boire jusqu'à crever, suggéré-je à mon tour.

C'est la dernière blague que je balance, enfin, je crois.

Un monstre me fonce dessus. L'échange est virulent. Pendant près d'une minute, je pense encore à déserter. Je décroche la mâchoire à la bête avec mon sabre avant de lever mon arme pour abattre mes premières proies. Le croisement des lames s'ancre dans nos esprits. Depuis combien de temps cela est-il ? Je tourne sur moi tout en renversant un de ses misérables qui s'effondre dans l'eau stagnante.

J'aperçois le fameux monstre commandant. Il se tient à distance. Le prédateur nous examine, paraissant dégoûté de nous voir encore en vie.

— Eskiell ! Une poussée... maintenant.

Je me presse de générer de ma main une pression atmosphérique assez forte sur ses ennemis, lui permettant de passer tranquillement jusqu'à notre cible principale. Faire ployer la tête et le corps devra suivre indubitablement.

Je me retourne immédiatement. Un monstre m'a effleuré la cuisse. J'octroie un coup violent sur cette bête. Je pivote en direction de l'explorateur.

Sa poitrine laisse couler un ruisseau sanglant impressionnant. Il s'effondre tel un pétale rouge au loin près d'un personnage que je n'aurais jamais cru revoir. C'est le premier humanoïde, ayant logiquement été aplani sous l'éboulement.

J'assiste à l'approche d'un Selfor presqu'enragé, renversant un monstre au passage, en direction de Bordos qui tombe déjà la face contre terre.

Je vois le mercenaire stopper net, comme tranché à son tour. Il ne bouge pas pendant quelques secondes. Je n'ai pas la possibilité de constater sa prochaine action. Un autre de ses habitants de la forêt se rue sur moi, m'obligeant à lever le sabre.

La perception du temps ne met plus accessible. Je ne sais plus pourquoi le monde se retrouve restreint à ce petit coin de forêt ; pourquoi des pensées d'abandon me prennent l'esprit. J'ai l'air d'entendre fredonner un chant empli de mélancolie. Celle de ma mort dans ce trou perdu, loin de ce que j'ai coutume de côtoyer — finalement, ce n'est pas si mal — J'ai voyagé, j'ai mangé, j'ai bu, je me suis emporté comme tout être. Je me réincarnerai sûrement en un humain terrestre ou en un animal de ce monde-là. Je...

Soudain, mon dos percute un corps que je ressens tel un danger. Mais une vue rapide m'apaise. En me retournant pour croiser des bêtes aux canines acérées, aux corps poilus et yeux totalement noirs, nous toisant près à nous achever dans une euphorie digne d'un feu de joie.

Par réflexe, je m'adosse à mon coéquipier. Il est en quelque sorte, mon miroir en cet instant, me rappelant que je ne suis pas seul et que je suis fort pour au moins ce dernier tour de carte. De ma lame, j'arrive à entrapercevoir le tatouage du désencracteur, en forme de flamme brûlant un aigle déployant ses ailes. Je l'avais déjà vu et à présent, il m'offre un espoir de pouvoir m'en sortir, qui sait. Le plus drôle, c'est qu'on ne peut pas se mentir à soi-même.

— Prêt à finir ta route ici, camarade ? lancé-je, ne sachant quoi dire d'autre.
— Oh, ça ? On peut dire que je n'ai pas à me plaindre, me répond le masqué, dont l'objet de fourberie ne s'est taché que de quelques gouttes dérisoires.
— Qui aurait cru que cela finirait ainsi ?!
— L'épilogue ? Je ne suis pas habitué aux mélodrames et encore moins aux scènes d'adieu... cependant, j'ai toujours vécu ainsi... dans la mort.
— Que ta vie a été bien triste...
— Espérons que tu m'apprennes deux ou trois trucs sur la vie...
— Ah ! Ne t'en fais pas, ça va être vite réglé...

Nous observons que le gros personnage qui nous étudiait depuis son point en hauteur, se rapproche. Ces subalternes lui libèrent le passage, comme face à un mort.

— Il doit s'y mettre maintenant ? dis-je, en me renfrognant.

Je le vois lever la main, puis indexer mon compagnon. Ce dernier chute subitement en poussant un cri déchirant, me mettant mal à l'aise. J'ai envie de lui demander ce qui lui prend, mais cela est inutile.

— Il... C'est lui ? prononcé-je, le regard braqué sur ma nouvelle cible.
— Du feu !... Le fumier !... je crois que je vais en finir...

Selfor tient fermement son sabre, faisant fi de la douleur qui continue de le ronger, j'en suis certain. Je remarque que son masque a écopé d'une fente sévère en plein milieu. Cela s'achève sur le côté gauche du masque.

Il s'élance, renverse un des pions sur son chemin, raccourcit la distance entre leur meneur des bêtes et lui. Je prends mon élan à mon tour et fonce rageusement sur les cinq monstres face à moi.

Le temps de mettre à terre la première de mes cibles, je me retrouve bousculer sauvagement, direction ma gauche, sur un des étangs. Je n'ai qu'une demi-seconde pour me remettre sur pieds. Je vois pointer devant mon nez, le poing d'un nouveau personnage, tout droit sorti de mes cauchemars. Je ne détaille que sa tête fortement dominée par trois énormes cornes noires, le rendant bien bestial. Ces yeux, d'un orange saisissant me présentent une animosité comme jamais je n'aurais pu me l'imaginer.

Cette simple vision est la dernière chose que j'ai l'occasion de voir. Tout ce que je ressens, c'est la répétition des coups lancés par ce dernier, me produisant une vive douleur.

C'est insupportable. J'ai des larmes qui me montent aux yeux. Je tente de placer une riposte, supprimant de ce fait ma défense. Je suis vite découragé par une violente salve qui me brise mon humérus sur le coup. Je n'ai pas le temps de produire un son qu'une suite bien plus douloureuse vient aplatir mon visage. Je ne vois plus rien tellement la chose va vite. Je ne pense à rien. Juste une peur qui me prend. Une peur affolante mais sourde — Oui, une peur...

 Une peur affolante mais sourde — Oui, une peur

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