Episode 4 - Chapitre 9 : Rodd ; Vers le nord

9 3 0
                                    

Du point de vue de Rodd.

Après une longue discussion, Rodd décida de quitter l'île en compagnie de la vieille femme. Du nom de Silane, celle-ci n'avait plus de navire autre qu'une barque. Son équipage avait été conjointement décimé par la tempête et l'attaque de Körl. Ainsi, sans espoir à long terme, ni rien à perdre, elle avait proposé un accord à Rodd. Ensemble, ils iraient mettre la main sur Körl. Elle pourrait les guider, grâce à ses connaissances précises des mers environnantes ; et Rodd, de son côté, pourrait non seulement les aider à survivre, mais aussi être force de persuasion pour trouver un nouvel équipage, ou tenter de négocier avec Körl. Silane fit entendre que les esclavagistes transportaient, dans leur cale, deux jeunes femmes auxquelles elle tenait. Son objectif serait de les retrouver.

Une fois l'accord passé, la dame s'exprima sur la géographie de l'archipel. Les îles les plus proches qui, d'après son expertise, sortaient encore de l'eau, se situaient au nord. Celle, engloutie, où avait accosté l'équipage d'Aben le soir de la tempête, était au nord-est. Et la seule portion de terre, importante, qui restait au sud de leur position, était le point de chute de l'équipage de Körl : là où ces derniers habitaient lorsqu'ils n'étaient pas en vadrouille. Les marchands d'esclaves allaient donc parcourir les lieues qui les séparaient de Nelenvaï, en faisant route du sud vers le nord. Pour espérer les rattraper, il fallait cingler dans cette même direction.

Aussi, puisque la butte des naufragés se trouvait sur le chemin, et qu'il souhaitait les avertir du danger, Rodd résolut d'y faire cap en premier.

Silane n'avait plus de bateau à voile, depuis que Körl, quelques mois plus tôt, avait subtilisé celui de sa troupe. Elle disposait seulement d'un vieux bac à fond plat. La chose, qui se présenta d'abord comme une espèce de niche de chien enfoncée dans les fourrés, ne semblait pas étudiée pour naviguer sur l'océan. Cependant, considérant que la mer était calme, et qu'ils avaient des vivres à transporter, les compagnons s'en accommodèrent. Rodd tira l'embarcation jusqu'au rivage, puis la mit à l'eau.

Ils y disposèrent plusieurs sacs de graines, des outils, des armes, et des outres pleines. Une fois les préparatifs achevés, l'homme et la femme voulurent rendre hommage aux morts avant de partir. Néanmoins, les enterrer, ou même les déplacer, représentait une activité si chronophage que Silane convainquit Rodd d'y renoncer. La nuit allait approcher trop vite, le vent pourrait tourner et les vagues se montrer menaçantes. Ils n'avaient pas le temps. 

- Comme pour le reste, la mer sera leur tombe, argua Silane, d'un ton doucereux, avant la prière.

Ils se recueillirent brièvement, en silence, face aux ruines du campement. Puis, abandonnant les cadavres, ils firent voile vers le nord. Le bac était remorqué derrière le radeau, en usant d'une corde pour relier la proue du premier au mât du deuxième. Rodd, seul sur l'embarcation de devant, maniait la voile. Dans la barque fluviale, à l'arrière, se tenaient la vieille femme et le chien Pik, entourés de babioles et de vivres. L'avancée se faisait lente.

Le Pêcheur et le MeunierWhere stories live. Discover now