Le Pêcheur et le Meunier

Episode 5 - Chapitre 13 : Linée ; Dans la forêt de l'île de Naï

Du point de vue de Linée.

- Allez-vous bien, madame ?

Linée ouvrit les paupières. Il faisait jour. De nombreux arbres l'entouraient. Elle était affalée contre une souche et frissonnait. Ses poignets la faisaient souffrir. Avisant l'origine du son qui l'avait réveillé, la vigie aperçut un garde en armure complète qui la jaugeait de toute sa hauteur. La mémoire des événements de la veille, c'est-à-dire du meurtre de Bao, fusèrent aussitôt dans son esprit. Elle devait être suspectée. Il fallait faire bonne figure.

D'autres mercenaires de Nelenvaï les rejoignirent, le pas traînant. Ils se disposèrent en cercle autour d'elle. On en compta sept. Les plaques de leurs cuirasses brillaient sous les rayons qui se faufilaient à travers les frondaisons. Linée peinait à détailler leurs visages, en contre-jour, alors qu'ils la questionnaient sur sa situation, et que, ne sachant qu'inventer, elle se montrait évasive. L'un d'entre eux considéra ses moignons, puis s'agenouilla pour les inspecter en détail.

- Quand vous a-t-on coupé les mains ? Vous pouvez nous le dire, vous savez.

Il était vrai que les mercenaires ne s'avéraient pas hostiles. Ils semblaient avoir, pour l'instant, la volonté de protéger la jeune femme, plutôt que de la secouer. C'est pourquoi elle choisit la vérité sur ce sujet :

- Hier.

- Vous avez cherché à fuir quelqu'un, c'est ça ? demanda son interlocuteur.

Linée hocha positivement la tête, satisfaite de l'opportunité qu'on lui offrait.

- Vous pouvez nous raconter, proposa un autre garde. Nous sommes avec vous. A Nelenvaï, tout le monde a les mêmes droits.

- C'est compliqué, fit-elle.

Puis elle grimaça. Un élancement venait de lui mordre le bras.

- Commençons par la conduire au guérisseur, proposa l'un d'eux. Il faut que quelqu'un inspecte ça.

- Qui ampute aussi mal ? grommela le garde à genoux. C'est un guérisseur du port qui a fait ça ?

Linée confirma. L'homme avait le cou trempé de sueur, son armure devait lui donner chaud. Il reprit :

- On va vous conduire chez les clercs, là-bas. Eux, ils savent ce qu'ils font. Venez.