Episode 1 - Chapitre 17 : Du point de vue de Miel

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Elle courait, ses bottes glissaient sur la roche trempée de pluie. D'une main, elle tenait une torche encore brillante, et de l'autre elle pressait contre son buste une sacoche en cuir brun. A l'intérieur de cette besace étaient rangés une plume, une fiole d'encre, et un épais carnet. Miel avait été nommée scribe de l'équipage, depuis le premier jour, quand Aben, le sourire chaud, lui avait proposé de tenir un journal de bord, qui ferait office de mémoire. Le souvenir, avait certifié Aben, était précieux ; il formait l'entité qui s'opposait aux abysses, la lumière qui, seule, permettait de s'orienter dans l'ombre.

Ainsi, de l'avis ingénu de la jeune femme blonde, le livre présent dans sa sacoche devait à tout prix être protégé ; il ne fallait pas que les ondées ou la bruine ne pénètrent les interstices du sac. Cette préoccupation lui permettait de se focaliser sur un détail, et ne pas céder à la panique, après avoir vu, désarmée, une vague déferler sur la forêt dans laquelle se trouvait Téa, en contrebas du massif. Pendant un long moment elle avait crié son nom devant la mer, perdue ; elle avait appelé Rodd et Aben, sans que personne ne lui réponde. Alors elle avait pleuré, s'était retournée, et avait couru pour monter au plus haut point de l'île. Espérant ainsi leur servir de repère, de phare, pour les guider vers la terre.

Mais à mesure que le temps passait, cette terre vers laquelle elle les invitait s'amoindrissait, aucune âme n'approchait, seules les vagues montaient toujours plus haut sur la butte nue. Miel assistait à la venue de la marée, qui lapait et frappait la pierre autour d'elle. N'ayant pas d'embarcation, elle considérait l'idée d'y nager pour échapper à son sort, mais vite elle se rendait à l'évidence : les rouleaux monstrueux lui broieraient les os contre le roc.

Elle comprit alors que depuis le début ; lorsque la vague avait submergé la forêt, sa situation avait été aussi désastreuse que celle de ses compagnons. Ceux-ci furent emportés par la mer, et elle s'y trouva prise au piège.

A présent, seul un îlot de quelques toises de diamètre la supportait encore. Miel agitait haut sa torche, appelant :

- Je suis là ! hurlait-elle au vent.

Une larme roulait sur sa joue, se confondant à la pluie et aux éclaboussures des vagues.

- Aidez-moi, par pitié ! suppliait-elle finalement.

Car elle imaginait la présence de plusieurs navires, alentour, qui bravaient encore les flots déchaînés.

Le Pêcheur et le MeunierWhere stories live. Discover now