Episode 6 - Chapitre 20 : Rodd ; Trois jours

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Du point de vue de Rodd.

Rodd et Linée cheminaient sur le quai, sous un ciel blanc. C'était le début de l'après-midi. Le tapage du marché alentour pesait sur Rodd. Sa fatigue lui eût demandé de s'en extraire. Néanmoins, il poursuivait.

Longeant un énième ponton, au bord de l'eau, les deux trentenaires aboutirent à une large place, habillée d'oriflammes, où l'on voyait s'échanger des poules et des moutons en cage. Le lieu s'ouvrait sur la mer à son extrémité. Un grand voilier à deux mâts était amarré là, au milieu de bateaux disparates. Linée l'indiqua du menton.

Un équipage s'affairait autour du navire. Il le chargeait. Sur le quai, devant la proue, un homme avec une queue de cheval et un bouc, paraissait négocier avec un gros bourgeois mal à l'aise. Linée révéla qu'il s'agissait de Körl.

Aussitôt, Rodd s'avança vers lui, évitant les passants, secondé de la jeune femme. Et Körl le remarqua. Il fronça les sourcils, pivota dans sa direction, sans interrompre sa discussion. Lorsqu'il fut, finalement, à son niveau, Rodd tendit la main ; et Körl sourit.

- Bonjour, dit Rodd.

- On m'a dit que le capitaine de l'équipage d'Aben était là, dit Körl sans serrer la main que Rodd lui offrait.

- Oui, répondit Rodd.

- C'était donc toi.

Puis il hurla :

- Les gars ! Il y a le capitaine de l'équipage d'Aben qui veut me serrer la main !

Ce cri, amusé, contenait aussi une rage, qui, plutôt que de susciter l'hilarité, jeta le silence alentours. Les membres de l'équipage se tournèrent vers eux. Au moins une demi-douzaine de ces gens possédaient des arcs et des flèches, dont ils s'emparaient. Körl reprit plus bas :

- Alors, ça vous a calmé qu'elle sèche pendue la chienne ?

Rodd avait le regard éteint. Il était resté figé dans son attente, mais finit par ramener le bras le long de son corps.

- Non, non, vas-y, dit Körl, donne-moi ta main, je t'en prie. J'ai toujours voulu qu'on discute calmement.

Et ils échangèrent enfin une poignée de main. Körl sourit. Cependant, personne, dans l'assistance, ne l'imitait.

- Je voulais vous demander... commença Rodd.

- Je t'en prie, je t'en prie, le coupa Körl d'une voix forte qui couvrait la sienne.

Rodd s'arrêta au milieu de sa phrase. Il considéra l'homme strabique, qui le relança :

- Je t'en prie, vas-y. Demande.

Il rit. Rodd se dérida également, puis dit :

- Je voulais savoir si vous aviez encore Zin et Valena.

- Qui ça ? questionna Körl.

- Des esclaves, à vous. Des femmes. Vous les aviez prises sur une île, au sud, avant de rencontrer Linée.

- Ah... Oui, elles. Celles dont vous avez parlé au procès, là ? Elles sont vendues depuis un moment. On est ici depuis plusieurs semaines, on les a vendu les premiers jours. Pourquoi tu te mêles de ça ? Elles vous obsèdent ou quoi ?

- Je voulais juste savoir où elles étaient.

- Où elles étaient ? Bah, loin d'ici. On les a vendu à un client qui habite à l'est, et un qui habite au nord.

L'homme fit une pause, et voyant que Rodd ne reprenait pas la parole, il poursuivit :

- Vous, l'équipage d'Aben, vous êtes vraiment des fouille merde. Pourquoi tu te mêles de ça ? Tu m'expliques ? En quoi ça te concerne ?

Le Pêcheur et le MeunierWhere stories live. Discover now