Episode 4 - Chapitre 10 : Téa ; La mangeuse

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Du point de vue de Téa.

Sous la nuit étoilée, la femme aux cheveux blancs avait été interrogée, puis conduite le long du port. Accompagnée de cet homme belliqueux, du nom de Grem, elle avait dû monter sur un colossal galion, puis pénétrer dans le gaillard d'arrière. Là, les deux prisonniers furent laissés côte-à-côte, debout dans un corridor à l'odeur rance. Quatre gardes les surveillaient. Phelom, le commandant, leur avait demandé de rester en place pendant qu'il irait s'informer dans une pièce voisine.

Téa se montra muette et impassible. L'envie de molester le chauve, jusqu'à l'entendre geindre, ou en apprendre davantage sur le sort de ses compagnons, ne lui manquait pas ; mais elle se retenait. Elle voulait tenter une approche plus intelligente de la situation. Le procès lui donnerait peut-être une opportunité pour lever le voile sur la vérité qu'elle convoitait.

Le commandant des gardes finit par revenir vers eux, mais pour leur demander de continuer d'attendre. Il affirma qu'il était malheureusement assez tard, donc que l'audience risquait d'être reportée au lendemain.

Un silence pesant s'éternisa suite à ces déclarations, et ne s'interrompit que lorsque Veb rejoignit le couloir, essoufflé. Téa l'observa s'expliquer auprès de Phelom, d'un air faussement aimable. Elle avait un mauvais pressentiment à son égard. Cet homme paraissait plus malin que son compère. Le navigateur se rangea à leur côté, patientant avec eux, puis glissa quelques phrases à l'oreille de Grem. Il fut aussitôt arrêté par la voix d'un garde qui lui intimait de se taire.

Bientôt, la position debout devint inconfortable. Grem voulut s'asseoir par terre, mais on lui refusa. Pendant tout ce temps, Phelom avait fait plusieurs allers-retours dans le corridor. Ce fut en revenant pour la troisième fois que, la mine plus grave, il dit :

- Ils acceptent de nous recevoir.

Ces mots éveillèrent Téa de quelques songes maussades. On la fit s'avancer vers une porte richement ouvragée. Un moment passa, puis le battant s'ouvrit.

La salle d'audience était une grande cabine ornée de tissus nobles et de meubles polis. Quelques bancs, disposés en parallèle, faisaient face à une longue table, où siégeaient quatre personnages richement vêtus. Des mercenaires se tenaient assis contre les murs.

Un homme habillé de noir, sur la gauche de la table, leur ordonna de prendre place aux bancs de devant. Pendant qu'elle s'approchait, Téa s'appliqua à détailler les quatre bourgeois semblant être ses juges. De droite à gauche, il y avait d'abord un être grassouillet au visage rubicond, coiffé d'un chapeau, qui laissait deviner son désintérêt pour la séance à venir. Son voisin était un jeune homme, les cheveux longs, châtains, qui avait le menton posé sur son poing, la pupille attentive. Puis, à côté, se tenait le greffier sévère à l'habit noir. Les yeux soulignés de cernes et l'air éteint, celui-ci se mouvait avec autant de lenteur que d'élégance. Il avait les sourcils broussailleux, et s'affairait à prendre des notes sur un parchemin. Enfin, à l'extrémité gauche de la table, de profil par rapport à eux, était assise une femme à la chevelure blonde. Sans gêne, elle mangeait un plat, composé de viande et de légumes cuits, disposés dans une assiette qui lui faisait face, alors que personne dans la salle ne l'accompagnait.

On fit asseoir Téa sur un banc, sur la gauche, tandis que Grem et Veb furent positionnés à l'opposé. La mangeuse attablée s'enquit avec désinvolture :

- Donc : trois morts, un trouble à l'ordre, et un vol de bateau, c'est tout ?

- Oui, Sire. confirma Phelom.

- C'est celle-là, la meurtrière, ou c'est eux ? demanda-t-elle, en pointant du couteau.

- Il s'agit de cette femme, Sire.

Le Pêcheur et le MeunierDonde viven las historias. Descúbrelo ahora