Le Pêcheur et le Meunier

Episode 1 - Chapitre 11 : Du point de vue de Rodd - Première partie

Rodd avançait dans la caverne, en tenant haut la lanterne qui lui avait été confiée. Les parois irrégulières étaient humides ; par endroit le sol se couvrait de flaques et d'une mousse glissante. Quelques cavités maigres avaient suscité une première attention de la part du grand homme ; puis après avoir déterminé qu'elles ne contenaient que des babioles flanquées en vrac dans des caisses peu entretenues, il focalisa son attention sur le boyau principal de la grotte. Celui-ci s'enfonçait dans les profondeurs aussi loin que la lumière lui permettait de voir. Un pied devant l'autre, l'homme progressait prudemment pour ne pas tomber.

- Aben ? appelait-il.

Pas de réponse. Habillé de noir et de blanc, Rodd portait une épée de bois à sa taille. Il avait les cheveux longs et châtains, aucunement entretenus, une barbe de quelques jours et des yeux noisette. Dans son dos, on pouvait apercevoir son épée de métal, dont la garde était fermement liée au fourreau par une ceinture de cuir, comme pour empêcher de la dégainer aisément. Aussi, il portait un collier d'argent à son cou.

De ses yeux désabusés, piqués d'une hargne qu'on leur voyait rarement, il scrutait les murs de la caverne. En marchant plus loin, il vit apparaître quelques signes peints sur les parois. Les symboles abstraits, nombreux, se multipliaient à mesure que Rodd s'avançait, et que la lumière mouvante les dévoilait. Ils recouvraient les murs, fourmillaient sur le sol, et le plafond ; ressemblant à des vagues innombrables qui se superposaient, s'emmêlaient, se heurtaient et s'enroulaient les unes dans les autres. Plus on plongeait le regard dans les ténèbres de la caverne, plus les écritures se compactaient, s'écrasaient, jusqu'à former une masse opaque tapissant le passage entier, sur tout son contour. La complexité et la finesse de l'ouvrage jurait avec la roche grossière sur laquelle il figurait.

- Aben ? cria Rodd.

Sa voix fit écho, sans réponse. L'homme de vingt-neuf ans aurait pu se décourager, toutefois, à la vue des symboles sur ces parois, une raison supplémentaire le poussait à intuiter la présence du vieux capitaine ici-bas ; puisque ce dernier aurait certainement été captivé, voire piqué à vif par de telles inscriptions. Il serra les dents, s'apprêta à s'enfoncer plus avant dans la grotte.

Cependant, une secousse accompagnée d'un bruit grave lui fit lever la tête et stopper sa marche. Il regarda rapidement derrière lui, pour voir déferler à toute allure une colonne d'écume et de boue qui se déversait dans la caverne, tel un véritable torrent. Sans avoir le temps de se préparer au choc, il mit une main devant lui qui ne le protégea guère. La langue d'eau le frappa au ventre et à la taille, il fut projeté sur la paroi de droite. Son crâne heurta la roche, et il perdit connaissance.