Episode 2 - Chapitre 16 : Linée ; Körl

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Du point de vue de Linée.

Le soleil avait dérivé dans le ciel jusqu'à la ligne d'horizon, lorsqu'un voilier apparut au loin. Dans un premier temps, Bao et Seban s'en méfièrent et projetèrent de se cacher, craignant qu'il ne soit occupé par les compagnons de Linée. Mais lorsqu'ils purent identifier distinctement le bâtiment à deux mâts, ainsi que son équipage armé, les hommes changèrent radicalement d'attitude. Seban soupira de soulagement, et le moustachu aux yeux verts agita les bras en direction des arrivants :

- C'est Körl ! s'enthousiasmait Bao. C'est Körl !

Linée serra les dents. Elle souffrait intensément de la blessure qui mordait ses mains ; et n'avait pas la force de réagir émotionnellement devant cette nouveauté. La coque du navire s'approcha des côtes, y mouilla, et bientôt une demi-douzaine d'hommes débarqua sur l'île en chaloupe.

Ils arboraient des pièces d'armures en cuir et cottes de maille. Des sabres, glaives et épées pendaient de nombreux flancs, plusieurs d'entre eux étaient munis d'arcs et de flèches. La troupe était menée par un homme de haute stature, aux cheveux longs cuivrés attachés en queue de cheval, et portant un bouc au menton. Il dégageait beaucoup d'énergie colérique dans sa simple démarche et les mouvements alertes de ses yeux perçants ; dont les paupières grandes ouvertes dévoilaient l'important strabisme divergent. A ses côtés marchait un gaillard qui devait être son second : chauve et corpulent, il ne cessait de se lécher machinalement les lèvres et de contracter régulièrement les poings sans cause apparente. Bao vint vers le grand homme au bouc en le nommant Körl, et l'accueillit généreusement. Il lui serra la main. Linée qui surveillait la scène vit bien vite que la joie manifeste de Bao n'était pas partagée par ses interlocuteurs. Le dénommé Körl semblait se moquer de ses mots de bienvenue, et il s'écarta finalement pour grimper en direction de la vigie.

- Alors, tu as récolté ça ? questionna-t-il à Bao, au sujet de Linée.

Celle-ci se redressa, méfiante, en les voyant approcher. Le moustachu sourit, faussement aimable, prétendant poliment que la concernée s'était montrée irrespectueuse, au point qu'il aurait été contraint de la frapper puis de la ligoter. Sans réagir aucunement à cette affirmation malhonnête, tant et si bien qu'il était difficile de savoir s'il l'avait écoutée, Körl rejoignit Linée pour lui adresser la parole :

- Comment tu t'appelles ?

L'interrogée n'ouvrit pas la bouche.

- Tu lui as coupé la langue ? demanda Körl à l'attention de Bao.

- Non, non. s'excusa celui-ci.

Puis il siffla agressivement vers la vigie :

- Réponds-lui !

Son attitude laissait transparaître la crainte d'une réaction violente de l'homme au bouc, qui, pourtant, se désintéressa vite de sa propre question. Körl prit la trentenaire par les cheveux, fit basculer sa tête en arrière de force, puis examina sa figure.

- Elle a le visage tuméfié. constata-t-il.

- Oui... Oui, j'ai dû... marmonna le moustachu, sans achever la phrase.

Körl tourna autour de la femme, la força à culbuter vers avant, et se figea soudainement. Sidéré, il pesta :

- Est-ce que tu te fous de moi, Bao ? Qu'est-ce que c'est que ça ?

Le concerné débuta une maigre justification. Mais Körl ne le laissa pas poursuivre, puisqu'il explosa de rage :

- Tu te fous de moi ? Regarde l'état de ses mains ! Regarde ça ! Qu'est-ce que tu veux que je fasse de ça ? Tu vas me faire croire qu'elle est tombée par terre ?

Le Pêcheur et le MeunierWhere stories live. Discover now