Episode 5 : L'Océan - Chapitre 1 : Sommeil

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[A l'épisode précédent, l'option "Le report du jugement" l'a emporté avec 50% des voix.
Le texte écrit en italique est un rappel des épisodes précédents, vous pouvez ne pas le lire.]


Episode 5 : L'Océan

Mon sommeil n'aura duré que deux semaines. Initialement, j'avais hésité à en rester là concernant ce travail ; pour me concentrer sur d'autres sujets, quitte à le reprendre plus tard. Mais un événement récent a réveillé mon intérêt. Voici, on m'a questionné et j'ai su me rendre utile à l'aide de cette étude, suivant précisément la raison qui avait motivé son élaboration. Un ouvrage gagne toujours en valeur lorsqu'il est gratifié d'un succès apparent. Et cela m'a d'autant plus touché que ça n'était jamais arrivé auparavant. En temps normal, mes travaux disparaissent, portés dans l'infinité mouvante de l'avancée des jours. Voici, je parle seul, devant ma fenêtre ouverte, donnant sur l'océan ; personne, probablement, ne m'entend jamais. Encore aujourd'hui, je n'envisage qu'un résultat vain pour la poursuite de mes travaux ; excepté l'intérêt personnel que je pourrais en tirer. Je lutte contre l'oubli qui me ronge, voilà tout. Je connais ma solitude. A moins qu'il ne me soit permis de bénéficier d'un second, voire de deux autres miracles, il me semble évident qu'aucun être vivant n'entendra plus mes mots. Et je n'en souffre pas. Au contraire, je dois reconnaitre que je m'étais si bien fait à cette idée, que la réussite, aussi insignifiante soit-elle, m'a causé davantage de contrariété que de soulagement. J'ai eu du mal à me rendormir, malgré la nécessité. Aussi ai-je décidé d'actualiser mes connaissances, pendant l'insomnie. Je somnolerai tout de même, après ce récit, pour éviter de me mettre en danger.

Mon travail de ces dernières semaines portait sur l'équipage d'Aben. J'en dresserai un bref résumé :

L'eau montait. Le niveau des océans croissait à une allure vertigineuse depuis dix ans. Au total, il avait grimpé sur plusieurs milles. Les humains, poussés par la mer, étaient forcés d'investir les anciennes montagnes, devenues des îles.

Je racontais les aventures récentes d'un groupe de huit individus, l'équipage d'Aben, comportant : Aben, Téa, Rodd, Paille, Miel, Uky, Vaadre et Linée.

Aben, le capitaine, était un vieil homme sage aux cheveux longs blancs et aux yeux bleu clair. Nous n'avions pas eu l'occasion de nous attarder sur lui, puisqu'il disparut dès le début de notre histoire. En effet, alors que l'équipage séjournait sur une île basse, occupée par des insulaires obtus dont le chef, qui avait trop fait parler de lui, s'appelait Bao, une tempête se déclara ; elle fut accompagnée d'une forte marée ; la tente d'Aben fut engloutie, et lorsqu'on voulut l'inspecter, on la trouva vide.

- Quelqu'un sait où est Aben ?

L'équipage chercha son capitaine, en vain. Depuis, nous n'avions plus parlé de sa situation. Nous apprenions simplement, plus tard, que l'objectif d'Aben, en voguant sur ces mers, avait été de trouver une région du nom d'Erenaï, cette recherche ayant duré plusieurs années. Et il se révélait qu'Erenaï était précisément le pays dans lequel notre aventure prenait place. Cette île, sur laquelle Aben avait disparu, était la première de l'archipel d'Erenaï qu'il n'eût jamais foulée.

Aben avait donc disparu le jour où il avait obtenu ce qu'il convoitait.

A présent, parlons de Téa, le bras droit d'Aben, qui était partie à sa recherche pendant la nuit d'orage. Elle avait les cheveux aussi blancs que le vieillard mais n'était âgée que de trente-six ans. Autoritaire, combattive, elle savait se faire respecter et manier correctement la hallebarde, comme la plupart des décès de cette histoire en témoignaient. Epaulée de Rodd et Miel, elle avait découvert une grotte au centre de l'île, laissé Rodd s'y introduire, puis avait tué deux insulaires récalcitrants pendant que Miel s'enfuyait sur une butte. Elle fut ensuite fauchée par une vague et transportée sur un arbre déraciné. Le lendemain, un équipage étranger la secourut, puis la mena jusqu'au port de Nelenvaï. Nelenvaï était une baie dominée par une éminence, l'île de Naï, dont les bras protégeaient un indescriptible fatras de poutres, troncs et madriers qui flottaient sur l'eau pour s'agencer en pontons, où venaient s'amarrer d'innombrables vaisseaux. Là-bas, souhaitant retourner vers le sud pour retrouver ses compagnons, Téa arpenta les quais jusqu'à faire une découverte inattendue.

Le Pêcheur et le MeunierWhere stories live. Discover now