GOD'S RETURN 2

Chapitre 84 : Anti-héros

— Viens, rentrons d'abord, m'ordonna ma mère en me caressant le dos.

J'éteignis mes flammes et laissai le plateau de viandes sur le rebord. Elles me faisaient un peu penser à moi avec leurs troues et leur froideur, sauf que contrairement à elles, je ne me sentais plus abandonnée. Sécher mes larmes d'un revers de la main avait rendu ma peau rêche, mais au moins je ne pleurai plus.

Ma mère savait donc tout de Diafosa et depuis tout ce temps je dépensais mon énergie pour la préserver de ce monde en vain. Lorsque je pénétrai le couloir de la maison maculé d'une nouvelle moquette, je n'y croyais toujours pas.

— Je vais tout te raconter, ma chérie, mais je veux que tu répondes à ma question avant.

Ma mère s'assit sur la chaise de la cuisine et me désigna le tabouret pour faire de même. Une odeur de pomme de terre, sûrement le plat d'accompagnement, emplit mes narines. La cocotte minute vrombissait à la façon un moteur, laissant échapper un sifflet de vapeur, exactement comme mon impatience.

— Est-ce que tu te sens bien là-bas ?

Je pris une grande inspiration.

— Ça dépend, lui répondis-je avec honnêteté. En ce moment, c'est assez compliqué avec les élections. Ah, tu ne dois pas savoir ce que c'est, me repris-je en triturant le bas de mon pull.

— Si, si, vous êtes en train de passer des examens pour nommer le nouveau conseil composé des gardiens et du président. Tout est retransmis à la télévision surnaturelle donc vous devez en plus gérer le stress des journalistes. C'est bien ça ? me résuma-t-elle en posant un doigt sur son menton.

Wow. Mais qui lui avait révélé tout ça ? Même grand-mère Rita ne connaissait pas autant de détails.

— Attends, comment est-ce que tu sais tout ça ? Qui est l'imbécile qui t'a tout raconté ? Si jamais le conseil des vieux desséchés sait que tu es au courant de notre existence, ils t'effaceront la mémoire.

Ma mère secoua négativement la tête avec un sourire maternel.

— Sauf qu'aujourd'hui tu as décidé de faire ce premier pas et j'en suis ravie. Je ne voulais pas te brusquer avec tout ça, alors j'ai gardé le silence depuis plusieurs semaines. Si tu savais comme je suis soulagée maintenant, me révéla-t-elle en serrant sa main dans la mienne.

Le contact de sa main chaude me fit oublier les derniers mois et la solitude que j'avais ressentie jusqu'alors. Il n'y avait qu'elle pour me calmer ainsi. Ma mère n'avait peut-être pas des pouvoirs aussi puissants que ceux des descendants, mais pour moi, elle était capable de choses dont aucun d'eux ne pouvait se vanter.

— Alors... tu sais que j'ai disparu pendant plusieurs mois ?

— C'est justement ce qui a précipité les choses. Lorsqu'ils sont venus m'effacer la mémoire, j'ai tout de suite compris que quelque chose ne tournait pas rond. Comme je savais déjà toute la vérité, le sort n'a pas fonctionné. J'étais dans une angoisse folle, Ambre, plus jamais je ne veux revivre ça. Tu es ma fille, et personne n'a le droit de t'emmener loin de moi, tonna-t-elle d'une voix forte comme si elle s'adressait aux protecteurs qui lui avaient effacé la mémoire.

— Je suis désolée, maman, couinai-je en sentant le nez me piquer. Si j'avais su, je t'aurais tout dit plus tôt.

— C'est fait maintenant, et tu ne pouvais pas savoir. Ne te sens pas coupable, tu n'es plus toute seule.

Je hochai la tête et l'incitai à reprendre son récit. Ma mère avait retrouvé toute son énergie et ne lâchai plus ma main.

— Comme je ne pouvais plus tenir sur place, je suis immédiatement allé voir le garçon qui m'avait tout révélé, et il a accepté de m'aider. Tout ce temps, il me tenait informé des recherches jusqu'à ce que tu reviennes. Je n'ai aucun don et je me sentais inutile, mais il n'a rien lâché pour te retrouver. Tous les jours, j'attendais son appel avec la boule au ventre. Et jusqu'à maintenant, c'est encore lui qui me donne de tes nouvelles. J'ai trouvé un bon espion, pas vrai ? ricana-t-elle finalement. Il me disait souvent que ce n'était qu'une question de temps avant que tu viennes me parler, je suppose qu'il te connaît bien.