I - Chapitre I

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La calèche s'arrêta.
Margot ouvrit la petite porte et sortit la première avant d'inviter Hélène à faire de même.

-Venez Madame. Regardez comme c'est beau!

Hélène prit une longue inspiration pour se donner du courage et suivit sa dame de compagnie et seule amie dans l'épreuve qui l'attendait. Elle descendit les deux marches qui la séparait du sol et leva les yeux vers le majestueux palais qui se dressait devant elle. Margot n'avait pas menti: c'était absolument splendide, bien plus que tous les châteaux et maisons que la jeune femme avait vus durant sa courte existence. Les jardins semblaient s'étaler à l'infini, et la demeure était si grande qu'Hélène se demanda s'il était réellement possible de vivre dans un tel endroit.
Ses parents avaient donc dit la vérité: ce mariage permettrait de faire renaître sa famille qui croulait sous les dettes.

Margot et Hélène n'arrivait pas à détacher leurs regards de ce paysage. La première totalement émerveillée et ravie, la seconde plus intimidée et effrayée que jamais.

-Madame Hélène.

A l'entente de son prénom elle se tourna vers la voix masculine et se retrouva face à un valet vêtu de rouge. Il s'inclina.

-Nous sommes ravis de votre arrivée et allons nous charger de vos affaires. Suivez-moi s'il vous plaît, je vais vous guider jusqu'au château.

Elle ne dit pas un mot et se contenta d'obéir, suivie de près par sa dame de compagnie.
L'homme fut silencieux tout au long du trajet sur le chemin le long d'une rangée de chênes majestueux jusqu'à une entrée sur l'aile gauche du palais. Là, une femme en noire, grande et bedonnante, aux cheveux poivre et sels tirés douloureusement en arrière, les attendaient.

-Madame Hélène...

Elle ne fit d'un léger signe de tête respectueux tout en toisant la jeune femme de haut en bas avant de revenir à ses yeux:

-Nous sommes ravis de votre arrivée.

Leurs avaient-ont dit de réciter ce texte? Le ton ne semblait pas très sincère aux oreilles d'Hélène en tout cas, mais elle ne dit rien.

-Je suis Madame Simone, la gouvernante de cette respectueuse demeure depuis plus de trente ans. Je vais vous faire visiter les lieux... du moins ce qui vous sera utile de connaître pour le moment. Suivez-moi.

La jeune femme échangea un regard avec Margot puis toutes deux se mirent à suivre la gouvernante en trottinant tant cette dernière marchait à une vitesse folle.
Ainsi, sans jamais prendre la peine de s'arrêter, elle lui montra le grand salon, le petit salon, la salle de réception, la grande et la petite salle à mange et enfin elles montèrent dans les étages de l'aile droite.

-Voici vos appartements. Et ici, la chambre pour votre...

Elle s'interrompît pour toiser Margot, un sourcil dressé, avant de reprendre d'un ton visiblement peu convaincu de ce qu'on elle disait elle-même:

-...demoiselle d'honneur. Les appartements de Monsieur Le Duc sont jumeaux aux vôtres, dans le couloir d'en face.

Cette fois-ci, la gouvernante s'arrêta, et se tut, ce qui donna l'impression à Hélène qu'elle devait peut être dire quelque chose.

-Merci... pour cette visite.
-Monsieur Le Duc s'excuse de ne pas avoir pu vous accueillir, mais il est très occupé.
-...Je comprends.

En réalité, Hélène ne comprenait pas.
Elle n'avait jamais vu cet homme, pas même son portait, contrairement à lui. Elle ne connaissait que son âge - 29 ans -, et sa situation des plus aisées et privilégiée au près de Sa Majesté comme le confirmait ce palais.
Ce mariage arrangé qui sauvait sa famille de la ruine n'avait été possible que grâce à la beauté de la jeune femme, vantée par tous, et que son portrait avait suffit à faire accepter le duc.
Depuis deux semaines maintenant, lui et elle était déjà mariés. Un mariage par procuration avait été célébré sans sa présence à elle, pour faciliter l'événement et sa rapidité. Ce n'est qu'une fois les papiers signés et la situation tout à fait légale et officialisée au près de la loi et de l'Église, qu'Hélène fut mise au courant. Trois jours plus tard, elle était dans une calèche avec sa dame de compagnie en direction du palais de son mari et après plusieurs longs et éreintants jours de voyage, elle était arrivée.
Si elle savait qu'aucune cérémonie ne serait célébrée - puisque cela avait déjà été fait - Elle pensait pourtant naïvement que quelque chose serait néanmoins préparé pour son arrivée. Une sorte de « faux » mariage peut-être, même minuscule. Mais simplement pour qu'elle puisse réaliser la réalité de la situation, car même maintenant, même dans ce palais, elle avait l'impression que rien de tout ceci n'était vrai, et qu'on la laisserait retourner au près de sa famille dans sa région natale.
Mais non. Rien. Même pas son « mari ».
Au fond, s'il voulait rester cacher cela ne lui posait aucun problème, bien au contraire, mais la situation l'inquiétait. S'il l'avait épousée pour sa beauté, il n'allait sans doute pas se refuser de la voir. Se refuser d'accéder aux droits que confère le statut d'époux sur sa femme.
Hélène savait que sa beauté était convoitée. Et sa mère s'était toujours assurée que ce soit le cas, lui imposant un régime drastique, la faisant baigner dans des huiles et des bains aux nombreux bienfaits, la faisant masser quotidiennement, la traitant durement pour lui assurer une posture irréprochable, l'empêchant de trop marcher ou de trop faire de cheval pour ne pas abîmer son jeune corps, coiffant ses cheveux jusqu'au sang parfois, et la cachant du soleil pour que sa peau reste parfaite blanche.
Plusieurs hommes avaient déjà demandés sa main depuis qu'elle avait quinze ans, mais aucun n'avait jamais été à la hauteur aux yeux de ses parents. Et elle avait toujours été ravie de ce mariage qui n'arrivait pas. Mais lorsque ce mariage devint tout à fait urgent pour des raisons financières, le portrait de la jeune femme de dix-sept ans fut envoyé aux quatre coins de la France, la vendant au plus offrant, sans que cette dernière n'en soit informée.
Et ce plus offrant était donc ce duc. Riche, célibataire, sans héritier, les parents d'Hélène avaient trouvés ce qu'ils cherchaient.

-Je vous laisse, j'ai moi-même beaucoup à faire. Vous verrez Monsieur Le Duc demain. Votre souper vous sera servi directement dans vos appartements. Reposez-vous, le voyage a dû être long depuis... quelque soit l'endroit d'où vous venez. Bonne soirée Madame.






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