I - Chapitre V

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L'horloge sonna dix-neuf heures lorsqu'un serviteur vint chercher Hélène et Margot pour le souper.
En parcourant les longs corridors, et en descendant les escaliers, à chaque mètre qui la rapprochait un peu plus de la petite salle à manger, elle sentait son coeur s'accélérer dans sa poitrine. Elle était apeurée et surexcitée.
Plus elle repensait au visage aux traits d'un du duc, à son sourire rassurant, à sa voix chaude et surtout à ce baiser, elle en frémissait, et des sensations qu'elle n'arrivait pas à comprendre parcouraient son corps.

Elles arrivèrent dans la salle et les serviteurs les invitèrent aux places qui leurs étaient destinés au tour de la grande table rectangulaire. Hélène en bout de table, et Margot sur sa gauche au centre de la table.
Deux autres couverts étaient prêts, en face de l'une et autre. Les deux jeunes femmes restèrent silencieuses, attendant l'arrivée du duc et de l'autre convive.

Enfin, le duc arriva, pareil que de son souvenir, mais avait changé de veste et de ruban pour tenir sa queue de cheval blonde. Hélène ne put s'empêcher de sourire en le voyant approcher, mais elle ne savait pas si elle devait se lever ou rester assise. Bien que sa mère ait toujours été particulièrement sévère pour lui apprendre les bonnes manières et qu'on le l'associe jamais à une simple noble bouseuse de la campagne, le stress lui fit oublier tout ce qu'elle avait appris. Elle resta finalement assise, et le duc les salua avec un sourire:

-Mesdames.

Mais au lieu de s'installer face à Hélène, en bout de table, il se place face à Margot, à la droit d'Hélène. Elle fut surprise mais ne releva pas et se contenta de demander d'une voix qu'elle n'espérait pas trop chevrotante:

-Qui... attendons-nous?

Il tourna son visage vers elle avec un sourire et claqua des doigts à l'adresse d'un serviteur pour se faire servir du vin. Il répondit en attraient sa coupe:

-Mon frère.

Il bu une gorgée, sans cesser de sourire, et ajouta:

-Vous allez l'adorer.

Au même instant, les portes dans le dos d'Hélène claquèrent, la faisant sursauter.

-J'ai cru que cette réunion ne finirait jamais! Je suis éreinté.

Elle vit une silhouette sur sa droite s'approcher d'un serviteur et se servir une coupe de vin avant d'entrer complètement dans son champs vision, dos à elle, avançant dans la salle. Ses cheveux noirs, attachés en queue de cheval, tombant entre ses omoplates et son corps, trop grand, et aux épaules trop larges semblaient sortir des entrailles des enfers. Ce pas lourd, cette voix forte, tout donna un frisson glacial à Hélène qui eut envie de se cacher sous la table comme une petite fille.
L'homme brun déposa sa main sur l'épaule de l'homme blond, toujours dos à Hélène:

-Merci de m'avoir remplacé tout à l'heure, je ne m'en serai jamais sorti pour ce soir sinon.
-C'est normal cher frère, je suis là pour ça...

L'inconnu finit de contourner la table et s'arrêta à la place en bout de table, face à Hélène. Toujours debout, une coupe de vin dans la main et les avants bras appuyés contre le dossier de sa chaise, ce n'est qu'à cet instant qu'il prêta enfin attention à Hélène, et qu'elle put découvrir son visage.
Il était de près et avait le teint trop bronzé pour un noble de la haute. Ses yeux noisettes étaient de l'exact même couleur que ceux de son frère, mais c'était bien leur seule ressemblance. Une cicatrice verticale sciait sa joue gauche jusqu'à la gorge. De face, il paraissait encore plus grand et imposant, et son regard qui toisait Hélène comme pour transpercer son âme n'avait rien d'amical. La jeune femme était clouée sur sa chaise, effrayée.

Sans jeter un seul regard à Margot il cessa alors de l'observer pour se tourner de nouveau vers son frère, tout en s'asseyant:

-Elle est assez belle en effet.
-Ne sois pas hypocrite Philippe, elle est magnifique. Les portraits étaient même en dessous de la vérité.
-Ton choix était assez correct à ce niveau là je te l'accorde. Mais elle est aussi pauvre que Job.
-Et alors? Tu n'as pas besoin d'une femme riche, tu l'es déjà suffisamment. Tu as besoin d'une épouse qui présente bien, et que tu pourras exposer avec fierté, même à la cour.
-C'est une paysanne, elle n'a sans doute aucune idée de l'étiquette.
-Elle est noble et c'est tout ce qui compte. Ses parents m'ont assuré qu'elle avait été élevée dans le respect de codes de la cour. Et son ignorance et sa naïveté sont essentiels. Elle n'a pas été contaminée par toutes les pestes qui tournent autour du roi, celle-ci tu vas pouvoir la modeler à ta guise, en faire ce que tu veux. Elle n'a que dix-sept ans et n'a jamais approché ni la haute et vraie noblesse, ni les hommes.
-Hum... es-tu certain qu'elle soit si naïve que tu le prétends?

L'homme blond tourna alors son visage vers Hélène, qui écoutait ce dialogue avec horreur, et, avec un petit sourire particulièrement parlant il affirma:

-Oui crois-moi cher frère, elle est vraiment naïve.

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now