VIII - Chapitre XXXII

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Philippe oubliait souvent que son visage était balafré de la joue à la gorge. Cette réalité ne lui revenait à l'esprit que lorsqu'il se regardait dans un miroir, touchait son visage ou dans le regard d'individus qui le rencontrait pour la première fois. Sa taille, son corps, ses cheveux, son regard: tout était déjà intimidant. Mais sa cicatrice finissait de le rendre tout à fait effrayant.
Avant de rencontrer Hélène, il s'était demandé qu'elle serait sa réaction en le voyant. Et évidemment cela n'avait pas loupé. Elle avait eu peur. Elle avait blêmit. Elle avait réalisé qu'elle était mariée à un monstre. Il essayait pourtant de ne pas en être un, maladroitement, et avec les codes qu'il avait toujours connus. Mais il essayait.

-On a essayé de m'assassiner... Mais comme vous le voyez, cela a échoué.

Il avait ajouté cette phrase pour dédramatiser l'événement, mais en regardant Hélène, elle semblait réellement choquée.

-...Pourquoi?
-Mon titre. Mes terres. Tout ce que je suis. Sans doute du moins. J'ai moi-même tué l'homme qui m'a fait ça, avant que lui ne le fasse. Il s'est avéré que c'était un assassin recherché par la police de Sa Majesté. Il n'aurait eu aucun avantage à mon tuer, si on ne l'avait payé pour ça.
-Et qui l'avait payé alors?

Philippe sourit en claquant de la langue contre son palais:

-Aucune idée. L'enquête n'a mené à rien. Et puisque je l'avais tué, impossible de l'interroger...
-Quand était-ce?
-Il y a quelques années. Ça a été la prise de conscience principale pour me marier. Malgré tout j'ai encore repoussé, même après ça. Mais aujourd'hui nous voici. Vous et moi.

Il désigna tout autour d'eux, et regarda avec amour ses terres. Les terres de son père. De sa famille. C'était tout ce qui comptait.

-Je suis désolée de ce qui vous est arrivé. Sincèrement.

Le duc reporta son attention sur sa femme, une sourcil dressé. Elle paraissait vraiment désolée. Il ne s'attendait pas à ce genre de paroles. Il les digéra quelques secondes avant de répondre:

-Ne soyez pas désolée.

Encore une fois, ce n'était pas une demande.
Il n'avait pu s'empêcher de remettre son masque froid. C'était ainsi dès que quelqu'un semblait commencer à apercevoir en lui des faiblesses ou des émotions humaines. Il ne pouvait s'en empêcher.
Elle sembla aussitôt redevenir farouche et timide, mais il ne voulait pas briser cette conversation alors il poursuivit:

-À votre tour de répondre. Que s'est-il passé lorsque vous avez désobéi?

Elle ne réfléchit pas été répondit du tac-au-tac:

-Ma mère m'a battue, comme à chaque fois que j'osais la contrarier. Et elle a fait abattre ma jument devant mes yeux.

Philippe eut un soubresaut. Il se serait attendu à beaucoup de choses, mais pas à ça. Il ne savait pas quoi répondre.
Hélène finit par tourner son visage vers lui pour tenter de désamorcer la situation:

-Elle ressemblait à Calypso. Beaucoup. C'est en partie pour ça que je l'ai choisie.
-...Et pour quelle autre raison alors?

Hélène hésita alors, mais finit par lâcher:

-Parce que c'était celle que vous désiriez. Je voulais savoir ce qu'elle avait de plus que les autres chevaux de vos écuries.

Elle sourit avec un peu de provocation:

-...Mais je ne sais pas encore si je suis convaincue.

Philippe ouvrit la bouche pour répondre mais alors deux coup de feu retentirent au loin. Aussitôt Calypso - qui avait toujours son instinct sauvage - commença à paniquer et se cabra. Assise en amazone, prise au dépourvu et ses cours d'équitation remontant à loin, Hélène tomba de la jument et s'effondra sur le sol.
Margot poussa un cri en descendant de cheval pour se précipiter vers son amie, suivie de près par Guillaume.
Philippe descendit aussitôt de son propre cheval et commença à essayer de calmer la jument grise. Après plusieurs tentatives ratées il y parvint enfin, l'attacha à un arbre et alla vers Hélène. Guillaume, à genoux sur le sol, la tenait contre lui, Margot à leurs côtés.
Philippe posa un genoux à terre et prit le visage de sa femme entre ses mains puissantes.

-Je... je vais bien. Tout va bien. Je suis bien tombée.

Elle voulut se relever mais tout le monde l'en empêcha. Margot la première:

-Non Madame! Attention. Vous vous êtes peut être cassé quelque chose sans le savoir.
-Mais non. Je vous assure je vais bien. Je peux me lever.

Arthur avait rejoint le groupe, mais était le seul encore debout. Il demanda, le front plissé:

-Des braconniers?
-Peut-être. Il faut que nous allions voir. Mais je ne peux pas laisser ma femme.
-Philippe je vous assure je vais très bien.

Mais personne ne semblait porter attention à ce que disait Hélène. Guillaume se proposa:

-Si tu le souhaites Philippe je peux la ramener au palais avec sa dame de compagnie. Toi et Arthur pourrez allez voir de quoi il en retourne. Elle sera entre de bonnes mains ne t'en fais pas.

Philippe hésita. Il regarda Hélène, mais le fait qu'elle ne semblait pas aller trop mal le rassurait. Mais il ne voulait pas prendre de risque. Si elle était enceinte cela pourrait être grave.

-Je sais que je peux te faire confiance. Je te confie ma femme. Et à vous aussi, dit-il en regardant Margot.

Guillaume se leva en aidant Hélène à faire de même en la serrant entre ses bras forts qu'elle avait déjà connus.
Le groupe s'apprêta à se séparer mais la jeune femme attrapa le bras de Philippe:

-C'est ma faute ce qui s'est passé, j'ai mal tenu Calypso, elle n'y est pour rien. Jurez-moi que vous ne la ferez pas abattre pour ça! Je suis prête à être punie si vous le souhaitez même. Mais ne lui faites pas de mal!

Philippe regarda intensément Hélène quelques secondes, qui tenait toujours fermement son bras, puis il finit par poser sa main sur la sienne et répondit doucement mais fermement:

-Je ne la ferai pas abattre. Et je ne vous punirai pas non plus Hélène. Vous n'êtes plus à vos parents désormais...

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now