VII - Chapitre XXVI

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Hélène était restée dans ses appartements le reste de la journée, avec Margot, craignant trop de croiser son mari, l'ami de ce dernier, ou son beau-frère.
Le déjeuner avait été l'une des épreuves les plus éprouvantes de sa vie et pour rien au monde elle ne voulait se retrouver dans la même situation une seconde fois. Elle n'avait même pas raconté ce qui s'était passé à son amie, ne voulant pas y repenser.
Le soir approchant, elle dit aux serviteurs qu'elle ne descendrait pas car elle se sentait nauséeuse et préférait dîner dans ses appartements.
C'était un mensonge évidemment. Mais elle aurait dit tous les bobards du monde plutôt que de se retrouver une fois encore à la même table que ces trois hommes.
De plus, elle espérait que sa maladie simulée empêcherait son mari de venir lui rendre visite dans la soirée. Elle n'était pas prête à revivre ses « devoirs », même après trois jours. Si la douleur du rapport avait finit par disparaître, sa vessie en revanche la brûlait toujours, et cela ne passait pas. Et elle se sentait atrocement affaiblie depuis les péripéties de la veille au soir. Sans compter que même si elle n'en avait pas conscience elle même, sa première fois l'avait réellement traumatisée et qu'elle ne voulait pas que cela se reproduise. Ni aujourd'hui ni jamais. Elle espérait être enceinte, puisque c'est tout ce qui comptait. Elle l'espérait plus que tout, et avait prié chaque jour pour qu'il en soit ainsi.

Finalement, après dîner, des servantes et Margot la préparèrent néanmoins. Longue chemise blanche, corset blanc, bas blancs. Identique aux autres fois. Et on la laissa.
Mais les heures passèrent, et Hélène réalisa avec bonheur que ce soir, son mari n'allait pas venir.
Elle s'endormit, soulagée.


Elle fut réveillée en plein milieu de la nuit par un bruit qu'elle n'identifia pas tout de suite, mais compris que c'était la porte de ses appartements qui c'était ouverte et refermée. Elle tendit l'oreille. Des pas. Puis la porte de sa chambre. Ouverte. Refermée.
Une lumière de chandelle entra dans la pièce, mais la jeune femme ne bougea pas d'un cil, recroquevillée dans ses couvertures. Des pas feutrés s'approchèrent d'elle. Elle gardait les paupières fermées de toutes ses forces, et ses doigts étaient crispés sous son oreiller. Elle faisait semblant de dormir, ne sachant pas quoi faire d'autre, tétanisée. Lorsqu'elle entendit la personne se reprocher encore, elle tenta de détendre au mieux son visage et de calmer sa respiration pour ne pas qu'on sache qu'elle était réveillée. La lumière s'arrêta devant elle, du côté du lit où elle était tournée. Elle sentait cette présence, et attendait, avec terreur. Soudain, un doigt vint frôler sa joue et la caresser délicatement. A ce contact, elle ne put s'empêcher de tressauter. Elle ouvrit alors les yeux, puisqu'il était évident qu'elle ne dormait plus, et découvrit debout devant elle son mari, un bougeoir à la main.
Elle se redressa doucement, assise dans le lit, essayant au mieux de paraître sereine. Le duc dit doucement:

-Je ne voulais pas vous faire peur.
-... J'ai simplement été surprise... ce n'est pas grave...

Le coeur battait à tout rompre dans la poitrine de la jeune fille. Les yeux de Philippe tombèrent sur le haut de son corps qui n'était plus caché par la couverture.

-Vous dormez avec votre corset...

Ce n'était pas une question, mais une constatation qu'il fit avec un ton qui étonna Hélène. Comme si cela l'attristait.

-Je ne... peux pas le retirer toute seule. Et c'est ainsi qu'on me prépare pour votre...

Elle dut rassembler tout son courage pour réussir à sortir le mot de sa bouche, dans un souffle:

-...venue.

Il l'observa un instant, la lumière de la flamme dansante éclairant le visage angélique de sa jeune épouse, puis conclut:

-Dès demain je vais donner des ordres. On ne vous couchera plus avec un corset.

En réalité, Hélène y était habituée, car sa mère tenait à ce que même la nuit, sa fille dorme avec la taille absolue fine, et que jamais son ventre et sa respiration ne se relâchent.
Mais les quelques fois où elle avait dormi sans lui manquait cruellement, alors elle fit un mouvement de tête timide mais reconnaissant:

-...merci...

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now