XIII - Chapitre LV

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Enfin, elle vit des silhouette dans une clairière à l'orée du bois. Quatre hommes se faisaient face. Elle reconnut Philippe - une épée dans la main - et Guillaume à ses côtés. Ils discutaient, mettaient sans doute en place les règles du duel. Cela n'avait pas commencé. Personne n'était effondré au sol dans une marre de sang. Elle pouvait encore tout arrêté. Le bruit du galop attira l'attention des hommes qui tournèrent leurs visages vers elle. Elle arrêta son cheval près d'eux et descendit sans aide, essoufflée.

-Hélène?! Que faites-vous ici?!
-Je vous empêche de faire une erreur monumentale! Ne faites pas ce duel!

Philippe tourna son visage vers Guillaume et poussa un soupire:

-Je t'avais dit de ne pas la mettre au courant...
-Je ne voulais pas lui annoncer ton décès ou ton arrestation.
-Ne restez pas ici Hélène, retournez au palais, ordonna Philippe sur un ton neutre.
-Je m'y refuse!

Le duc serra les mâchoires. Évidemment, il ne se serait pas attendu à un autre attitude de sa jeune épouse enflammée. Mais il ne pouvait pas la gérer en cet instant, il avait d'autres préoccupations.

-Très bien. Restez. Messieurs, si vous êtes prêts, nous pouvons commencer.

Hélène était choquée de la manière dont il avait de l'ignorer si clairement:

-Non arrêtez! Vous n'avez pas le droit!

Elle se mit devant Philippe et mit ses mains sur ses avants-bras en les pressant de manière suppliante. Elle plongea son regard dans le sien et dit bas, juste pour lui:

-Je vous en prie, renoncez à cette folie...

Elle vit alors dans le regard du duc un éclair d'hésitation. Leurs visages étaient proches, bien que beaucoup plus grand qu'elle, elle était sur la pointe des pieds pour essayer d'être au plus près de son âme. Elle ne l'avait pas dit, mais ses yeux hurlaient: « Je vous en prie, renoncez à cette folie... pour moi ».
Mais cet instant fut arraché par la voix du frère de l'homme qu'avait frappé Philippe la veille au soir:

-Une femme n'a rien à faire ici. Leurs humeurs perturbent hommes et chevaux.

Hélène dit volte-face, emplie de rage. Les poings serrés elle sentit son calme poli la quitter.

-Oh vous! Ce n'est pas moi qui suis prête à me faire tuer pour une histoire si absurde! Votre frère est en vie, vous avez faillit le perdre et maintenant vous voulez que ce soit lui qui risque à son tour de voir mourir son frère?!

L'homme tenait fermement la poignée de son épée dans la main et ses phalanges devenaient de plus en plus blanches. A ses côtés, son témoin paraissait tout autant scandalisé qu'une femme de la cour puisse avoir ce genre d'audace.
Le premier finit par lâcher:

-Taisez-vous, femelle.

Toutes les cellules du corps d'Hélène se transformèrent en de la rage pure. Guillaume le sentit, même dans son dos, et tenta d'attraper le bras de la jeune femme pour l'empêcher de faire quelque chose d'irréfléchi, mais elle ne lui en laissa pas le temps, et s'avança brusquement sur l'homme pour lui lâcher à quelques centimètres du visage des mots qu'elle avait déjà entendu mais n'avait jamais, oh grand jamais, prononcés:

-La femelle que je suis vous envoie vous faire foutre, telle la catin que vous êtes!

Le silence s'abattît sur le clairière, saisissant chacun comme si la foudre avait frappé. Tout le monde resta figé, et l'homme toisa la jeune femme de toute sa hauteur. Mais elle ne détournait pas le regard, fière, sans peur et prête à subir ce qu'il l'attendait en retour.
Cela ne mît pas longtemps, car un instant plus tard, l'homme lui décocha une gifle, du dos de sa main avec une chevalière. Il était fort et sa claque puissante, si bien que la duchesse s'effondra sur le sol. Guillaume se précipita sur elle. Elle saignait de la bouche à cause de la chevalière qui avait fendue sa lèvre en deux.
Philippe quant à lui ne s'approcha pas de sa femme, car les épées s'étaient déjà entrechoquées et le duel avait commencé.
S'il avait hésité une seconde à refuser finalement ce duel pour les beaux yeux d'Hélène, c'était également pour elle qu'il était en train de se battre. Son propre honneur avait été jusqu'ici la chose la plus précieuse dans sa vie. Aujourd'hui, il possédait quelque chose de plus précieux encore, et jamais il ne permettrait qu'on lui porte atteinte impunément...

Épées et BaisersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant