XII - Chapitre LII

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La scène était irréaliste. Philippe était apparu tel un spectre, et était en train de frapper de toutes ses forces l'homme qui n'avait même pas eu le temps de comprendre ce qui était en train de se passer. Ce dernier essayait avec le peu de conscience qui lui restait de se dégager mais le duc était dans une rage telle que ses vaines tentatives étaient tout à fait absurdes. Philippe frappait, le sang giclait, et Hélène ne respirait plus, pétrifiée sur sa chaise, la table de jeu et les cartes parsemées à ses pieds avec les gouttelettes rouges.
C'est Guillaume qui réagit le premier. Il se leva brusquement, rejoint vite par l'ami de l'homme frappé et d'autres dans la pièce.

-Philippe arrête! Tu vas le tuer! Calme-toi!

Mais le duc n'écoutait pas et continua de frapper jusqu'à ce qu'enfin on réussisse à les séparer. Seulement là, il commença à cesser sa folie. Tandis que quatre hommes le tenait, Guillaume se tourna vers l'homme blessé et posa un genoux au sol.

-Qu'on appelle un médecin. Il faut le transporter dans une chambre.

Des serviteurs avancèrent et soulevèrent l'homme inconscient pour le transporter loin de la foule, où il pourrait être soigné.

-Lâchez-moi. C'est bon!

Guillaume fit signe aux hommes de le laisser et il s'approcha de son ami pour lui murmurer avec colère:

-Mais enfin qu'est ce qui te prend?! Frapper un homme sans raison! Tu veux être condamné pour meurtre?!
-Sans raison?!

Philippe tourna alors son regard vers Hélène qui était toujours assise et sidérée. Du sang tachait le bas de sa robe, et elle fixait le sol, là où l'homme avait été tabassé.
Guillaume suivit le regard de son ami, avant de revenir à Philippe.

-Je ne sais pas ce que tu as vu, mais nous étions simplement en train de jouer.
-Dès que tu te retrouves seul avec ma femme, il arrive quelque chose, pourquoi?

Guillaume fronça les sourcils d'incompréhension.

-Philippe... nous étions en train de faire un tarot bordel. Qu'est ce que tu racontes?! Tu te rends compte des conséquences? Imagine si cet homme meurt! Qu'est-ce que tu vas devenir? Que va devenir Hélène?
-Depuis quand te crois-tu le droit de l'appeler par son prénom? De te soucier d'elle?

Il glissa ses yeux avec hargne sur Grace -qui était comme toute le monde dans la pièce, stupéfaite de ce qui venait de se passer- avant d'ajouter:

-Et éloigne cette femme de mon épouse.

Il ne laissa pas le temps à Guillaume d'ajouter quoi que ce soit et le dépassa pour aller vers Hélène. Sans lui adresser un seul mot il l'attrapa par le bras et la fit lever avant de la tirer derrière lui pour sortir de la pièce. Tous les regards les suivirent, et ils disparurent dans un couloir, Hélène trottinant derrière lui pour suivre la cadence. Elle manqua de trébucher mais puisque il la tenait il la rattrapa aisément et ne ralentit pas. Ils retournèrent à leur chambre et y entrèrent. Philippe claqua la porte derrière eux en lâchant le bras d'Hélène qui s'éloigna alors le plus possible de lui, tremblante de terreur, les larmes aux yeux.
Il soupira profondément, essayant de se calmer, et releva finalement ses yeux vers elle qui pourra alors un hoquet terrorisé, en se collant encore un peu plus contre le mur, comme si elle voulait agrandir la pièce et l'espace entre eux.
Elle se dit que leur doux baiser était bien loin, et que son courage de lui cracher sa colère également. Elle redevenait la jeune fille vierge et apeurée qu'elle était avec sa mère, qu'elle était en le rencontrant. Elle avait apprécié sa partie de tarot. Elle avait apprécié Guillaume, Grace et ces deux autres hommes. Elle avait apprécié les verres de vin. Désormais elle regrettait amèrement d'avoir accepté. Si elle avait refusé, rien de tout cela ne serait arrivé, et ce moitié d'inconnu ne serait pas au bord de la mort en cet instant. Tout était sa faute. La culpabilité l'assaillit avec violence et elle revoyait sa mère lui hurler à quel point elle était toujours responsable de tout, à quel point son âme était sale, à quel point elle était mauvaise et vicieuse. Oui, Hélène se sentait mauvaise et vicieuse, elle se sentait sale, et responsable. La tête lui tournait à cause de l'alcool et elle n'arrivait pas à réfléchir correctement, ce qui ne faisait qu'emplifier ses peurs. Mais maintenant tout était fait, tout était trop tard. Et Philippe allait être le remplaçant de sa mère pour lui faire expier ses fautes par la souffrance...

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now