XII - Chapitre XLIX

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Madame de Colmette - Grace - était très expressive et extravertie mais paraissait à Hélène sincèrement gentille. Elle n'avait jamais rencontre quelqu'un d'aussi bavard, si bien qu'en l'espace d'une demi-heure à peine, bras-dessus-bras-dessous à faire le tour des grandes pièces de réception, la jeune duchesse était au courant d'à peu près tous les ragots de la cour. Ceux que Guillaume lui avait racontés paraissaient bien gentillets en comparaison.
Mais lorsqu'elle les racontait, Grace semblait d'avantage animée par une volonté de faire la conversation à une nouvelle amie que par celle de l'être une langue de vipère. D'ailleurs, elle ne semblait pas vraiment porter de jugement ou d'importance à ce qu'elle racontait, comme si en réalité c'était tout à fait banal ici, tout comme elle aurait parlé de la météo.
Au bout d'un moment, alors qu'Hélène n'avait presque pas prononcé un mot depuis le début, elle osa demander:

-Et... Guillaume?

Elle réalisa en disant son prénom qu'elle ne connaissait même pas son nom officiel. Cela n'était sûrement pas très adapté, mais Madame de Colmette ne semblait pas s'offusquer de ce genre de choses.

-Oh, vous souhaitez savoir ce qui se raconte sur lui? Un tas de choses, comme sur nous tous. Dites-moi plutôt ce qui vous intéresse de connaître à son sujet. Politique, guerres, famille, ... amours?

Hélène remercia le ciel d'avoir les joues recouvertes de rouge, ainsi la chaleur honteuse qui lui monte au visage n'est pas visible. Elle s'apprête à balbutier n'importe quoi lorsque Philippe apparaît de nulle part, comme un sauveur tombé du ciel.

-Hélène vous êtes là. Je vous cherchais, vous aviez disparue...
-Pardonnez-moi, j'ai rencontré...

Elle s'apprêta à présenter Grace mais visiblement c'était inutile, car Philippe prit les devants:

-Madame de Colmette.
-Monsieur Le Duc de Valencour...

Ils se saluèrent furtivement, et Philippe prit le bras d'Hélène.

-Venez, je voulais vous présenter à quelqu'un.

Ils s'éloignèrent et disparurent dans la foule sans qu'Hélène n'ait le temps de saluer sa compagne. Ils s'arrêtèrent dans une autre salle.

-À qui souhaitez-vous me présenter?
-Personne, j'ai dit ça pour t'éloigner.
-M'éloigner?
-Je n'aime pas cette femme. Elle parle trop et sur trop de monde. Cela finira par lui porter préjudice et je ne souhaite pas que ma femme soit mêlé à ça. Ne lui confie rien, à moins que tu souhaites que Versailles tout entier soit au courant.

Hélène était vexée. Vexée qui la pense aussi stupide et incapable de s'occuper d'elle-même. En colère même, contre ce ton paternaliste et infantilisant.
Elle dégagea son bras de sa prise et pour la première fois, haussa le ton contre lui:

-Je ne suis pas une enfant, alors cessez de me traiter comme tel. Si vous souhaitiez me garder dans une cage alors il ne fallait pas m'amener ici mais m'enfermer à double tour dans votre palais.

Le bruit et les bavardages autour était tel que personne n'avait entendu quoi que ce soit et qu'Hélène avait ou se lâcher sans crainte de créer un scandale.
Philippe resta figé de surprise devant cette soudaine assurance. Personne ne lui parlait jamais sur ce ton, et que ce soit elle qui ose une telle chose était vraiment la dernière personne à laquelle il aurait pensé.
Elle regretta ses paroles, mais il était trop tard. Sa mère l'aurait assassinée sur place pour avoir osé dire de telles choses, mais maintenant que c'était sorti, autant garder son honneur et son assurance et ne pas s'écraser. Au moins, dans la foule, peut-être n'oserait-il pas se mettre à la frapper... Elle avait déjà reçu des coups, et même si cela ne lui manquait pas, elle ne pouvait plus ravaler ses paroles. Elles étaient sorties, il fallait maintenant assumer.

Au bout de quelques instants, Philippe ouvrit enfin la bouche et il dit d'une voix lente:

-Je ne veux pas te garder enfermée dans une cage Hélène...

Deux hommes débarquèrent et saluèrent Philippe, mettant un terme à cette courte conversation. Hélène ne laissa pas le temps qu'on s'intéresse à elle et disparu de nouveau, sous le regard de son mari.

Épées et BaisersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant