Épées et Baisers

XVI - Chapitre LXXI

-Passe une bonne nuit chère sœur. Vous aussi Charles.
-Vous de même Duchesse, répondit l'homme en souriant sincèrement avant de disparaître dans la chambre d'ami.

Anne resta encore sur le seuil de la porte et prit sa sœur dans ses bras avant de la regarder en tenant ses mains dans les siennes.

-Je suis vraiment heureuse pour toi et ton mari, je suis certaine que cet enfant sera magnifique.

Hélène regarda à son tour le ventre déjà proéminent de son aîné:

-Le tiens aussi. Ils n'auront que quelques mois de différence, ils s'entendront bien, nous devons les faire grandir ensemble!
-...Nous habitons bien loin malheureusement... Mais nous nous reverrons souvent, je te le promets.
-Tu m'avais tant manquée... Heureusement que Margot était là sinon...
-Maman est restée égale à elle même?
-Oui... Pire encore peut-être. Tu étais si parfaite, elle ne supportait pas que je la déçoive tant. Mais elle semblait vraiment heureuse d'avoir pu me trouvé un aussi beau parti.
-Est-il gentil avec toi?

La jeune femme hésita une seconde, mais finit par répondre avec honnêteté:

-Le mariage est quelque chose de difficile. Mais il se montre bon avec moi la plupart du temps. Il est parfois simplement... sanguin... Et lorsque j'ai l'impression de réussir à le rendre moins froid, il le redevient alors presque aussitôt.

Anne eut un sourire pensif et attendrit. Elle caressa la joue de sa petite sœur:

-Votre mariage est encore tout frais. Vous avez le temps d'apprendre à vous découvrir. Apprends à l'apprivoiser, et fais lui croire que c'est lui qui te tient à la baguette. Ainsi fonctionne un mariage heureux.

Hélène éclata d'un petit rire, et finalement elles se séparèrent. La jeune femme remonta le corridor jusqu'à ses appartements, et alors qu'elle s'apprêta à entrer, la voix de Philippe dans son dos l'arrêta dans son élan:

-Hélène.

Elle se retourna pour lui faire face. Il avait retiré sa veste. Sa chemise était légèrement entrouverte que les premiers boutons.

-...Philippe...

Ils se regardèrent un instant, d'un bout a l'autre du couloir. Et finalement il tendit sa main vers elle.

-J'aimerais vous montrer quelque chose...

Elle hésita un instant, puis franchit les quelques pas qui les séparaient et glissa timidement sa main dans la sienne. Ils marchèrent en silence jusqu'aux appartement du duc, dans lesquels jamais elle n'était entrée. Il ouvrit la porte et la laissa entrer avant de venir lui même et de fermer dernière eux. Il posa le chandelier qu'il tenait dans la main sur le rebord de la cheminée puis dit de même avec celui d'Hélène. La pièce était alors dans une ambiance tamisée et vacillante au rythme des flammes.

La jeune femme craignait la suite des évènements.
Après l'annonce de la part de sa sœur au dîner, les félicitations s'étaient naturellement et poliment faites et l'annonce avait rapidement circulé parmi les serviteurs. Mais Philippe fut le seul à ne pas se prononcer sur la chose. Ce qui ne fit qu'angoisser davantage Hélène qui ne savait elle même pas comment réagir à cette nouvelle.
Elle était enceinte, elle s'en doutait, et c'était le but principal de ce mariage, pourtant elle avait l'impression que ce n'était pas réel. Elle ne se voyait pas mère, et le seul modèle maternel qu'elle avait eu dans sa vie ne lui donnait vraiment pas envie de l'être à son tour.

Philippe se planta devant elle, et la regarda, avant de dire doucement:

-Puis-je toucher ton ventre?

Elle ne s'attendait pas à cette demande. Elle hocha la tête lentement. Il s'avança allés tout ores d'elle et délicatement posa sa main sur la robe au niveau du bas ventre.

-...À cause du corset je ne sais pas si...
-Ne t'en fais pas. Il est de toute façon trop tôt pour le sentir. Mais te toucher semble rendre tout ceci... réel.

Elle releva aussitôt ses yeux vers lui.

-...Vous n'avez pas... réagit tout à l'heure.
-Je sais. Pardonne-moi. Mais j'avoue avoir été... surpris. Même si je m'y attendais bien-sûr et même si...

Elle le coupa pour dire à sa place:

-...c'est le but de ce mariage.
-...Oui. L'imaginer et le réaliser sont deux choses bien différentes. Je n'imagine pas le moment où cet enfant sera là. Pour tout te dire Hélène, je me suis toujours vu avec un hériter bien-sûr. Mais jamais vraiment « père ».

La jeune femme sourit. Elle savait exactement ce qu'il voulait dire par là. Leur rôle était d'enfanté. Mais être parent était encore autre chose.

-Je vous comprends...
-...Ah oui? demanda-t-il avec un étonnement et soulagement.
-Oui... Je sais que c'est mon rôle bien sûr, de vous donner une descendance. Mais... être mère...

Philippe sourit à son tour.

-Et bien au moins, nous serons tous les deux un peu perdus dans cette aventure.

Ils se regardèrent un instant, avec émotion, puis le duc recula d'un pas et alla chercher quelque chose dans une cassette.

-Je t'ai dit que je voulais te montrer quelque chose. En réalité, je veux t'offrir ce quelque chose...

Il avança, avec dans la main un collier en diamants et or blanc.

-Mon père l'a offert à ma mère lorsqu'elle tomba enceinte de moi. Et mon grand-père à ma grand-mère avant eux. Aujourd'hui il te revient. Puis-je?

Elle hocha la tête, sans savoir quoi dire tant elle ne s'attendait pas à ce geste.
Il passa dans son dos et vint accrocher le bijoux derrière sa nuque avant de revenir face à elle.

-Il te va à ravir.
-...Merci beaucoup... Mais... ce collier appartient à votre famille.
-Tu es ma famille Hélène. Tu es ma femme. La mère de mes enfants. Il te revient. Il est à toi.

Elle le remercie encore, touchée par ce geste. Puis le remercia de nouveau pour sa sœur qu'il avait invitée au palais.
Finalement, elle murmura:

-Je devrais peut-être... retourner dans mes appartements.
-Ne voudrais-tu pas... dormir avec moi ce soir? Ici.
-Oh... je...

Il pressentit sa peur, la rassura immédiatement:

-Je ne vais pas te toucher Hélène. Je veux juste dormir. Avec toi.

Dans son décolleté, contre son coeur, elle sentait le mouchoir de Guillaume.
Elle hésita un instant, et finalement accepta de rester.

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