Épées et Baisers

I - Chapitre IV

C'était la première fois qu'Hélène embrassait sur la bouche un homme, et à ce contact de ces lèvres contre les siennes et de cette langue cherchant la sienne, son corps entier s'embrasa. Elle était toujours apeurée, mais se laissa néanmoins faire, avec plaisir, car elle devait l'admettre: ce n'était en rien désagréable, bien au contraire. C'était doux et chaud, et la jeune femme avait désespérément besoin d'être ainsi réconfortée et rassurée. Son mari n'était pas un monstre. Du moins s'il en était un, il cachait vraiment bien son jeu.
Finalement, c'est lui qui mis fin au baiser en se détachant d'elle, et Hélène sentit soudain sa bouche trop froide et sa nuque aussi sans le contact des lèvres et de la main de cet homme sur sa peau. S'il était bel et bien gentil, s'il était doux, et s'il pensait ce qu'il disait en affirmant qu'elle pouvait aller où bon lui semblait dans ce palais, alors Hélène était désormais plus libre qu'elle ne l'avait jamais été. En fait, ce mariage était peut être la meilleure chose qui lui soit arrivée...

-Je dois retourner à mes affaires chère amie, je suis bien triste de vous quitter, mais nous nous verrons au souper, dans la petite salle à manger. Vous pouvez sortir par là.

Il pointa du doigt une seconde porte.
Hélène, toujours sidérée par ce qu'il venait de faire, et surtout par ce que cela avait produit chez elle, resta muette et se contenta d'hocher la tête comme elle aurait acquiescé à n'importe quelle parole.
Il sourit et lui fit un baise main, mais avant de quitter la pièce, il se tourna une dernière fois vers elle et demanda:

-Combien d'hommes avaient eu le plaisir de vivre ce que vous venez de m'offrir?
-...je... aucun... vous êtes le...

Le dernier mot sortit dans un murmure presque inaudible:

-...premier...

Le duc sourit de plus belle:

-Je suis d'autant plus heureux d'avoir eu l'honneur de découvrir votre bouche si pure... J'espère ne pas vous avoir effrayé.
-Non pas du tout...

Cette fois-ci, Hélène avait répondu un peu trop vite, révélant sans vraiment le vouloir ce qu'elle avait pensé de ce baiser: elle avait aimé ça.

-À ce soir ma chère...

Il partit. Et ce n'est qu'à cet instant qu'Hélène reprit son souffle, obliger de se tenir à une étagère pour ne pas chavirer. Son corset atrocement serré faisait battre son coeur encore plus vite, et la jeune femme se voyait déjà s'évanouir devant lui. Elle n'aurait pas supporté cette nouvelle honte, surtout maintenant qu'il savait qu'elle n'avait réellement pas la moindre expérience avec les hommes. Elle ne voulait pas passer pour une petite fragile de la campagne.

Elle finit par sortir de la petite bibliothèque par la porte qu'il lui avait indiqué, retrouva Margot et ensemble remontèrent dans les appartements.
Sa jeune dame de compagnie la couvra de questions, à la fois terrorisée et excitée par ce qui était arrivé, mais Hélène se refusa de répondre à quoi que ce soit, si ce n'était qu'elles souperaient dans la petite salle à manger, avec le duc.
Hélène tenait à être parfaite pour cette deuxième rencontre, pour faire oublier à son époux son entrée fracassante et honteuse. Margot et une servante s'attelèrent donc à la faire changer de robe, en prenant soin de bien resserrer son corset au passage, la coiffer de nouveau, la maquiller et la parer.
La jeune femme était merveilleusement belle. Si sa mère avait été là, elle aurait dit le contraire, et aurait tout fait changer une troisième fois, mais Hélène et Margot échangèrent un regard amplement satisfait: peu importe quel homme croiserait son chemin ce soir, il tomberait sous son charme, et si le duc n'avait pas déjà suffisamment été impressionné, cette fois il ne pourrait y échapper.