X - Chapitre XLIII

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Guillaume resta sur le seuil de la porte de chambre, et Hélène assise dans son lit, en chemise blanche et recouverte de sa couverture tirée sur sa poitrine.
Il se fixèrent en silence plusieurs longues secondes, jusqu'à ce que finalement, Guillaume lacha:

-Bonsoir...
-...Bonsoir, répondit-elle sur le même timbre de voix fébrile.

Un nouveau silence, les yeux dans les yeux, d'un bout à l'autre de la pièce.
Une nouvelle fois, il se fit violence pour briser le silence, se rendait compte qu'il ne pouvait pas exiger d'elle qu'elle parle alors que c'était lui qui avait fait intrusion dans sa chambre.

-Je vous ai réveillée?

Il connaissait la réponse.

-Non... je ne parviens pas à trouver le sommeil.
-Nous sommes deux... Je suis désolé... de ne pas être venu moi-même prendre de vos nouvelles.
-Et moi des vôtres.
-Je vais bien.
-Je vais bien aussi...
-Nous allons bien.
-Nous allons bien, répéta Hélène, dans un murmure, comme l'ombre d'une parole.

Nouveau silence.
Plus court cette fois.

-Vous avez peut-être pensé que c'était votre mari. Je...

Elle le coupa:

-Je savais que ce n'était pas lui.

Il ne cacha pas son étonnement. Elle répondit à sa question sans qu'il ait besoin de la poser:

-Il ne frappe pas à la porte.
-...Pourquoi m'avez vous dit d'entrer dans ce cas?
-Toute personne qui a la politesse de frapper ne mérite-t-elle pas qu'on la laisse entrer?

Guillaume sourit.
Hélène reprit:

-Mais en fait... vous n'êtes pas vraiment entré.

Guillaume hésita une seconde, et finalement accepta cette invitation ambiguë. Il franchit le seuil de la porte qui se referma derrière lui et vient s'assoir sur le fauteuil à côté du lit en déposant le chandelier sur la table de chevet.
La soudaine réalité sauta au visage de la jeune femme:

-Si Philippe entre...

A son tour de la couper:

-Cela m'étonnerait beaucoup.
-...Pourquoi dites vous cela?
-Il est occupé. Avec son frère.

Il n'avait pas envie d'être celui qui révélerait les aventures de son ami. De toute façon, si elle était intelligente et pas trop naïve, elle saurait que tous les hommes mariés font ce genre de choses.
Il ignorait à quel point Hélène était naïve.

-Pourquoi êtes vous venu?
-Je ne sais pas.

Ce n'était pas un mensonge. Il ne savait pas ce qui l'avait poussé à faire ça.

Hélène baissa les yeux sur ses mains:

-Je... je ne vous ai pas remercié. Sans vous, je serais sûrement...

Elle ne termina pas sa phrase.

-Je ne me le serais pas pardonné...

Il ajouta en raclant sa gorge encore enrouée:

-Apres tout... vous êtes l'épouse de mon meilleur ami.
-Croyez-vous qu'il nous en veut pour ce qui est arrivé?
-Pourquoi nous en voudrait il?

Elle haussa les épaules.

-Il n'a pas de raison de nous en vouloir, répondit-il.
-Faut-il toujours une raison valable pour en vouloir à quelqu'un?...
-...J'imagine que non.
-Pourquoi ai-je l'impression que nous sommes plus coupables en cet instant qu'à moitié nus dans les bois, collés l'un à l'autre? 
-Nous n'essayons pas de survivre en cet instant.
-Pourtant, c'était indécent.
-Et vous êtes vivante.
-Ma mère m'aurait préférée morte que dans cette situation.
-Alors votre mère est une femme idiote et cruelle.

Il avait dit ça naturellement, sans la moindre hésitation. Elle releva les yeux vers lui, la bouche entrouverte de surprise.
Jamais personne n'avait dit une telle chose de sa mère. Elle avait l'impression qu'elle était capable de surgir du placard pour les battre tous les deux à coups de fouet.
Mais le placard resta fermé.
Sa mère n'était pas là.

Un ange passa.

Et puis. Hélène éclata de rire.
Un rire inarrêtable et libérateur.
Un rire bruyant et sans retenue, à gorge déployée.
Hélène n'avait jamais ri comme ça.

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now