XVI - Chapitre LXXII

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Hélène ouvrit les yeux, elle mit un instant à reconnaître la chambre. Elle sentit la chaleur du corps de Philippe dans son dos et son bras autour de sa taille. Elle écouta silencieusement et comprit à sa respiration qu'il dormait encore. Elle hésita à se décaler mais ne voulait pas le réveiller.
Il avait tenu parole, il n'avait pas essayé de faire quoi que ce soit. Il l'avait simplement aidé à enlever sa robe et son corset pour qu'elle reste en longue chemise, et a lui même enlevé sa chemise et gardé son pantalon, puis ils se sont couchés ensemble dans le lit du duc.
Hélène avait le souvenir de s'être endormi tourné vers lui, sans qu'ils ne se touchent. Et maintenant ils étaient en petite cuillère, si collés l'un à l'autre. Elle fut mal à l'aise quelques instants de sentir contre ses fesses le bassin de son mari, mais elle se calma rapidement: ce geste lui paraissait finalement plutôt affectueux.

Elle pensa au collier qu'il lui avait offert. Au mouchoir dans son décolleté. Au foetus dans son ventre. Elle ne savait plus quoi penser. En réalité elle ne l'avait jamais su. Elle se sentait tant perdue. Elle ne sait quoi penser. Elle ne savait ce qu'elle ressentait.

-Tu es réveillée depuis longtemps?

Elle sursauta presque en entendant ce murmure dans son dos, au creux de son oreille.

-...Non... Je ne voulais pas vous réveiller... répondit-elle en se retournant face à lui.

Ils avaient la tête posée sur le même oreiller, leurs visages très proches, et se regardaient, mais Hélène avait du mal à soutenir son regard. Elle sentait rougir.

-Bonjour Hélène.
-Bonjour... Philippe.

Il ne rajouta rien. Il se contentait de l'observer avec une douceur dans le regard qui surpris la jeune femme. Finalement elle brisa le silence:

-Nous devrions peut-être nous préparer à descendre. Ma sœur est matinale, la connaissant elle doit déjà être prête.
-Oui, cela serait sage en effet...

Ils se levèrent et Hélène ramassa ses vêtements laissés au sol avant de s'avancer vers la porte mais Philippe l'arrêta.

-Attends.

Elle se retrouva face à lui et il était déjà à côté d'elle, le collier entre les mains. Il lui attacha délicatement autour du cou.

-Porte-le aujourd'hui.

Elle hocha la tête, puis le duc posa sa main sur les  bras de sa femme et les pressa légèrement. Il approcha doucement son visage du siens et alors qu'elle pensait qu'il allait déposer ses lèvres sur les siennes, il se contenta d'embrasser sa joue avec affection.

-A tout à l'heure Hélène.

Il la lâcha, et elle partit, encore étonnée mais soulagée du comportement si peu entreprenant de son mari. Il semblait faire de réels efforts, et elle en était heureuse. Lorsqu'il n'était pas excessif ou violent, il se révélait plutôt gentil, et Hélène appréciait cette facette de sa personnalité qu'elle découvrait un peu plus chaque jour.



La journée passa vite, et la jeune duchesse ne voyait pas le temps passé au bras de sa sœur. Après le petit déjeuner passé tous les quatre, Philippe se retira pour aller travailler, et Hélène fit la visite des jardins à sa sœur et son beau-frère. Anne étant enceinte jusqu'au cou, ils marchaient lentement et s'arrêtaient souvent pour s'assoir sur les bancs des jardins, mais elle ne pouvait s'empêcher d'admirer la beauté de l'endroit.

-C'est réellement merveilleux Hélène, quelle chance tu as de pouvoir admirer chaque jour cette nature si colorée.

Elles avaient beaucoup parlé de choses diverses et futiles, et Charles parlait peu, ne voulant pas s'imposer, mais même si sa sympathie et sa politesse étaient évidents, Hélène n'osait pour autant pas aborder tous les sujets en sa présence. Elle aurait aimé raconté à Anne toutes les choses affreuses qui étaient arrivées depuis son mariage, l'agression dans les bois, sa maladie, Versailles, le duel, les actes cruels de Philippe et surtout... elle voulait lui parler de Guillaume. Lui demander conseil. Elle savait que sa sœur ne la trahirait jamais mais elle ne pouvait se compromettre devant Charles.

Le soir, ils dînèrent de nouveau tous les quatre, et au bonheur d'Hélène, Philippe proposa à Charles de se retirer dans un salon pour fumer et sans doute discuter affaires d'hommes, politiques et guerres, ce que l'homme accepta avec enthousiasme.
Charles embrassa sa femme sur le front ce que Hélène trouva très touchant, et Philippe s'approcha lui aussi de son épouse. Il déposa un nouveau baiser sur sa joue comme il l'avait fait le matin-même mais avant de se redresser, il murmura à son oreille.

-Je sais que tu voulais être un peu seule avec ta sœur. Je vous débarrasse de lui, profites-en bien, et ne sois pas trop cruelle avec moi dans les récits que tu lui feras ou bien j'aurai une ennemie ici et je ne doute pas qu'elle serait redoutable pour protéger sa petite sœur...

Hélène sourit en s'empechant de rire et il prit sa main pour déposer ses lèvres sur le dos, avant de sourire à son tour.
Les deux hommes quittèrent la pièce et avant de refermer les portes derrière eux, Philippe lança un regard complice à son épouse qu'elle lui rendit.

-Vous avez l'air très proches.

Hélène se reprit:

-Oh... et bien... si tu le dis...
-Ça n'a pas l'air de te faire plaisir que je te dise ça.
-...Si... Mais... Disons qu'il y a des hauts et des bas. Parfois j'ai l'impression que je pourrais lui faire confiance, j'oublie son physique si intimidant, et je me surprends à rire avec lui. Mais soudain il redevient si froid, si effrayant et il...

Elle avala sa salive et ne termina pas sa phrase.

-Je vois bien que tu ne me dis pas tout. Charles n'est pas là, je t'écoute. Que se passe-t-il?

Hélène lui raconta alors tout.
Absolument tout.

Épées et BaisersWo Geschichten leben. Entdecke jetzt