XVI - Chapitre LXIX

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-Si je porte un enfant, je veux que ce soit elle qui me soigne, et le mette au monde. Personne d'autre.

Philippe resta bouche bée. Il n'avait jamais vu Madame Simone de cet œil. Il l'avait toujours connue, d'aussi loin qu'il se souvienne elle avait toujours été là, mais il ne l'avait jamais vu autrement que comme une gouvernante. Une domestique fiable et fidèle, mais rien de plus... Les paroles d'Hélène le troublèrent profondément, de réaliser qu'il ne l'avait sans doute jamais remerciée pour tout ce qu'elle avait fait pour lui.
Il reprit ses esprits, et s'apprêta a ouvrir la bouche, mais la duchesse lui coupa l'herbe sous le pied:

-Mais non, en revanche, je refuse qu'elle m'examine maintenant. Si je suis enceinte alors nous le saurons très vite, il est inutile de presser la nature. Vous êtes mon mari, mon serment envers Dieu, l'Eglise et La Couronne m'empêche de me refuser à vous, c'est mon devoir, j'en ai conscience. Mais personne d'autre a part vous n'a le droit sans mon accord de me voir ou me toucher dans mon plus simple appareil. Si vous souhaitez me faire examiner, alors vous devrez m'attacher au lit et me déshabiller de force. Je hurlerai et me débattrai. Vous y parviendrez bien-sûr, avec l'aide de serviteurs vous n'aurez aucun mal à me soumettre. Néanmoins, cette décision est à prendre en votre âme et conscience.

Le silence s'abattît entre eux.
Philippe était choqué de ces propos si directs et provocateurs. Hélène paraissait sûre d'elle, pourtant elle était terrorisée. Effrayée à l'idée qu'il puisse bien faire cela: la contraindre ainsi, et sans pitié.

Mais le duc se contenta finalement de quitter les appartements sans un mot, se sentant pour la première fois en position de faiblesse et tout à fait démuni en face de son épouse.
Lorsque la porte se referma, Hélène lâcha un long soupire de soulagement et dû se rassoir tant ses jambes tremblaient.

Lorsque la soirée approcha, Hélène demanda à manger dans sa chambre avec Margot. Alors qu'elles pensaient voir arriver les plateaux, c'est finalement Madame Simone qui entra.

-Madame La Duchesse...
-Madame Simone?

Hélène fut surprise de la voir ici, mais encore davantage de l'entendre dire « Madame La Duchesse » plutôt que « Madame Hélène ».
Madame Simone jeta un coup d'œil à Margot, mais se douta qu'il était inutile qu'elle demande à ce qu'elle sorte.

-Monsieur Le Duc m'a fait savoir que vous souhaitiez que ce soit moi qui... mette au monde vos enfants.
-...En effet. Mais je ne vous ai pas consulté avant, j'en suis désolée, j'aurais dû. Alors si vous ne souhaitez pas...

Elle la coupa:

-Je le souhaite Madame La Duchesse! Cela fait trois générations de cette famille que je vois naître entre ces murs et... Oh Madame si vous saviez les horreurs que j'ai vues. Ce médecin... je suis si heureuse que vous ayez refusé qu'il vous touche! C'est un monstre. Il a tué tant de femmes ainsi, et tant d'enfants. Je vous remercie Madame.

Hélène était bouche bée. Cette femme si fermée et froide, c'était soudainement ouverte comme une fleur au printemps.
Elle lui sourit:

-C'est à moi de vous remercier d'accepter. Je sais que je serai entre de bonnes mains: les vôtres.

Madame Simone sourit en retour, avec une gratitude émue. Elle avait mal jugé cette jeune fille à son arrivée, elle le comprenait désormais, et elle était heureuse que ce soit elle la maîtresse de ces lieux.
Elle fit un signe de tête respectueux, puis quitta les appartements.

Hélène la regarda partir, également émue.
Elle aussi avait mal jugée cette femme qui semblait aussi imposante et vieille que les murs autour d'elle.
Elle avait désormais le sentiment d'avoir trouvé une alliée ici, et cela lui réchauffa l'âme...

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now