XV - Chapitre LXIV

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La fin de la semaine à Versailles fut glaciale entre Philippe et Hélène.
La jeune femme était renfermée sur elle-même, obéissante mais éteinte. Elle souriait lorsqu'il le fallait et acceptait sans broncher chacune des avances de son mari si bien que chaque nuit ils avaient un rapport. Elle en souffrait physiquement et psychologiquement à chaque fois, mais tentait de rester le plus neutre possible et de ne pas montrer sa douleur, son dégoût et son envie de mourir. Cette attitude ne satisfaisait pas pour autant Philippe qui sentait le malaise palpable entre eux, même s'il pouvait désormais disposer de sa femme sans devoir argumenter ou se battre inutilement. Il voyait bien qu'elle subissait toujours le sexe et cela le frustrait encore d'autant plus car rien ne changeait, elle n'y prenait pas goût et ne faisait jamais le premier pas vers lui. De plus, elle ne faisait plus le moindre pas en réalité, car même être proche de lui physiquement dans une pièce paraissait être une épreuve pour elle, et il ne comprenait pas pourquoi. Il se doutait qu'elle avait mal supporté sa manière d'avoir mis les points sur les i dans ce petit bureau, mais il avait fait ça en tant que mari responsable et respectable, pas comme le monstre qu'elle voyait en lui. Il avait depuis le début de leur mariage essayé d'être patient, compréhensif et protecteur mais cela ne semblait avait aucun impact et maintenant c'était même bien pire que cela l'avait jamais été. Pourtant, il n'avait jamais voulu qu'elle soit terrorisée, frigide et triste. Il souhaitait simplement qu'elle comprenne sa place, comme se doit de le comprendre une bonne épouse. Rien de plus. Pourquoi cela était-il si compliqué? Pourquoi le mariage était une chose si compliquée? Pourquoi les femmes étaient des êtres si compliqués? Et surtout, pourquoi cela le contrariait autant? C'est sans doute cette dernière question qui le torturait le plus. Pourquoi le fait de voir sa femme si pleine de désespoir le blessait et le touchait tant?

De son côté, Hélène n'avait qu'une seule envie, partir de la cour et retrouver Margot. Pouvoir la serrer dans ses bras, sentir une amie, une complice. Si elle pensait avoir Guillaume et Grâce, elle ne voulait plus prendre le risque de contrarier Philippe d'une quelque manière que ce soit et les évitait donc l'un comme l'autre le plus possible.
Pourtant, tout au long de chacune de ses journées, dans les salons à sourire, dans les jardins à marcher, dans le lit à subir les assauts bestiaux de son mari, elle avait toujours dans le creux de sa main, caché dans sa manche, ou enfoui dans son décolleté, le mouchoir que Guillaume lui avait donné.
C'était la seule chose à laquelle elle réussit à se raccrocher. Comme un porte-bonheur, un doudou, un ange, il était toujours contre sa peau, et cela lui permettait de garder espoir.

Lorsqu'enfin, Philippe et Hélène montèrent dans la calèche pour quitter cet endroit maudit, elle en fut plus soulagée que jamais. Elle voulait retrouver sa propre chambre, ses propres appartements, son propre espace, son amie, et pouvoir avoir du temps sans son mari et sans devoir sourire à des inconnus toute la journée. Elle voulait retrouver une ombre de réalité, aussi mince soit-elle.
Guillaume resta encore à Versailles et ne partit donc pas avec eux, ce qui soulagea et attrista en même temps la jeune femme.
Le début de la route se fit dans le plus grand silence, et Hélène évitait soigneusement de croiser le regard de son époux. Mais finalement, il ne lui laissa pas le choix en brisant le silence, tandis que la voiture traversait un chemin entre deux champs de blé.

-Bon cela suffit. Ce silence est insupportable, et ton attitude également.

Ce ton froid fit sursauter la jeune femme qui craignait toujours le pire. Elle se confondit immédiatement en excuses sans même précisément savoir de quoi il l'accusait:

-Je suis désolée... Si mon attitude vous a déplue je ferai en sorte de la changer, pardonnez-moi je...

Il la coupa:

-Arrête. T'as-t'ont retiré ton âme?!
-...Non... je... je suis désolée...
-Arrête!

Il avait haussé le ton et elle eut un hoquet de surprise. Elle eut envie de pleurer mais elle savait qu'il détestait ça alors elle essayait désespérément de se retenir mais les larmes lui montaient aux yeux malgré elle. Elle se triturait les mains et l'avait tant fait durant ces derniers jours que les peaux autour de ses ongles étaient à vif et en sang.
Philippe poussa un long soupir fatigué avant de continuer sur un ton plus doux:

-Je sais que je fais mal les choses, c'est évident lorsque je te regarde, mais je t'assure Hélène: j'essaye. Je ne veux pas que tu sois malheureuse, c'est même la dernière chose que je souhaite, mais je ne sais pas ce que je dois faire pour que tu  veuilles de toi même te laisser aller vers moi. J'ai tenté la patiente et l'écoute, cela n'a rien donné, et quand je vois l'état dans lequel t'a mis la fermeté et l'autorité, je me demande bien ce que tu attends de moi. Je veux te comprendre, mais tu ne m'aides pas. Depuis des jours tu ne me parles pas, tu m'évites et tu te donnes à moi par peur. Je n'ai pas besoin de ton désir pour que tu me donnes un héritier, mais j'aimerais pourtant qu'il soit là, autant que j'en ai pour toi.

Hélène renifla en relevant ses yeux humides vers Philippe, silencieuse.
Il finit par déclarer alors:

-Demande moi quelque chose. Une faveur, un présent, peu importe, ce que tu souhaites. Si cela ne met en rien en péril notre union, alors j'accepterai tout ce que tu pourras me demander. Je t'écoute.

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now