XX - Chapitre LXXXVIII

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Philippe regardait Hélène intensément, et la jeune femme se demandait si c'était avec fureur ou doute. Allait-il les frapper? La battre pour la punir de tout ce qu'il lui reproche? Pourtant elle est innocente, et elle prie de toutes ses forces pour qu'il la croit, ne serait-ce qu'un peu. Qu'il lui laisse le bénéfice du doute suffisant pour qu'elle puisse s'expliquer.

Et alors, tandis que les secondes s'étirent, le duc laisse retomber son bras le long de son corps et dans un soupire fatigué se détourne d'elle pour retourner vers la fenêtre.
Légèrement soulagée, Hélène se détache de la porte contre laquelle elle était collée avec peur, et fait quelques pas vers lui sans pour autant trop s'approcher.

-Je ne vous ai pas trompé. Jamais. Ni avec lui, ni avec personne.

Elle attendait une réponse, une réaction, mais rien. Philippe lui tournait le dos et semblait ne même pas l'entendre. Alors elle poursuivit:

-Un instant, j'ai cru l'aimer.

Cette fois-ci, il tourna lentement son visage vers elle, et la toisa de ses yeux impassibles. Elle baissa les yeux, ne pouvant soutenir son regard, et continua:

-Mais je me trompais. Ce n'était pas de l'amour. C'était simplement de la détresse.

Elle se triturait les mains, nerveuse, mais elle eut le courage de le regarder de nouveau, et d'avancer encore vers lui:

-J'étais malheureuse, et vous me terrorisiez. Je ne connaissais rien ici, ni les lieux, ni les personnes, et vous n'étiez ni rassurant, ni accueillant!

Cette fois, le duc lâcha avec colère:

-Je me suis déjà excusé pour cela, et je te demande pardon de nouveau, je m'en voudrais toujours de t'avoir fait subir cela, néanmoins tu...

Elle le coupa d'un ton calme:

-Guillaume a été la seule personne aimable envers moi, et je le croyais sincère. Je me suis raccrochée à ça, parce que c'est tout ce que j'avais. Mais jamais, oh grand jamais je ne vous ai trompé! Vous pouvez me torturer, me demander de jurer sur notre Seigneur ou sur la tête de notre fille ma réponse sera éternellement la même car c'est la vérité: je vous ai toujours été fidèle!

Il l'observa en silence longtemps, avant de répondre doucement:

-Je te crois.

Un soulagement incommensurable s'empara d'Hélène, mais cela ne dura que le temps d'un souffle, car il enchaîna:

-Mais tu l'as avouée toi même, tu l'aimes. Si ton corps est resté chaste, il est évident que ton âme n'a pas suivit le même chemin.
-Je n'ai rien avoué du tout! J'ai cru l'aimer, oui. Mais j'ai réalisé que c'était faux depuis bien longtemps. Et je l'ai réalisé grâce à vous, lorsque je suis tombée amoureuse de mon époux. Seulement là, j'ai compris ce qu'était l'amour. Et même si vous êtes... parfois odieux, froid et insupportable, je vous aime. C'est ainsi. Et même en me traitant de menteuse et de traîtresse vous ne réussirez pas à me faire vous détester!

Philippe fut sous le choc de l'audace de sa femme, puis il poussa un petit rire.

-Tu es...

Il ne savait même pas quoi dire. Il articula simplement après un petit moment:

-Tu me fais me rappeler pourquoi je t'aime.

Hélène sourit en soupirant de soulagement et des larmes lui montèrent aux yeux. Elle toucha son ventre. Ce corset étouffant... encore et toujours.

-Je te crois Hélène. Mais... ce mouchoir... ce pendentif.
-Je n'avais jamais vu ce bijou avant. Il me l'a glissé dans mon décolleté tandis qu'il...

Elle se racla la gorge. Elle ne voulait pas y repenser.

-Et ce mouchoir. Je l'avais, c'est vrai. Il me l'avait donné un jour où j'ai cru vouloir mourir. Il m'a consolée, et je l'ai gardé. C'est pour ça qu'il avait mon odeur. Voilà la plus grande intimité que nous avons partagé lui et moi: un mouchoir. Mais je le lui ai rendu, le soir de ma chute. C'est lui qui l'a remis dans ma chambre, et a fait en sorte que vous le trouviez.
-Mais comment...?
-Il m'a donné quelque chose. Je ne sais pas ce que c'était, mais c'est ce qui a provoqué mon malaise. Il savait que vous courriez alors à ma chambre pour trouver mes sels... Et... ce n'est pas la seule chose qu'il a faite.
-Continue...
-La chute. Nous avons injustement accusé votre ancienne maîtresse. Elle a eu le malheur de vouloir être menaçante ce jour là... Mais c'est lui. Pas directement, mais il a commandité ce qui m'est arrivé.

L'incompréhension et la rage étouffaient de nouveau le cœur du duc. Il s'approcha de sa femme jusqu'à être au plus près d'elle. Il ne l'avait pas protégé de cet homme, ils les avaient présentés l'un à l'autre. Tout était de sa faute, et la culpabilité l'envahissait.

-Mais pourquoi! Pourquoi?! hurla-t-il en frappant du poing contre la petite table près d'eux.
-Il m'a dit que ce n'était pas contre moi, que c'était simplement ainsi... et je le crois. Je pense que tout ceci est et a toujours été dirigé contre vous. Il veut vous faire souffrir. Il a tenté de tuer votre enfant dans mon ventre, ou de me tuer moi, ou nous deux. Peu importe tant que cela vous faisait souffrir. Mais il a échoué. Alors il a voulu m'enlever à vous d'une autre manière: en vous faisant croire que mon coeur et mon corps lui appartiennent. Mais c'est faux! Il ne m'a jamais eu, il ne m'aura jamais. Je ne suis qu'à vous, pour toujours et éternellement. Oh je vous en supplie Philippe, renoncez à cette folie, renoncez à ce duel, chassez le et restez au près de moi. Je ne veux pas qu'il vous tue! Je vous aime! Restez avec moi!

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now