VI - Chapitre XXV

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-Alors dis-nous Arthur, qu'as-tu tenté de faire à l'épouse de ton frère avant que je ne tombe par hasard sur elle?

Arthur était fébrile. Il ne s'attendait pas à ce que la situation se retourne ainsi contre lui. Hélène n'aurait jamais oser dire quelque chose de pareil, mais il avait oublié que Guillaume était tout aussi tenace que lui.

Il n'avait jamais eu l'intention de faire du mal à Hélène. Certes, il s'amusait de la voir paniquer lorsqu'il la provoquait, et il se fichait bien de ce que son frère ferait avec elle du moment qu'elle tombait enceinte. Mais il ne lui voulait pas de mal. Il n'était pas sadique, simplement puérile et joueur.
Lorsqu'il l'avait embrassée lors de leur première rencontre, il avait pris plaisir à lui voler son premier baiser et à la manipuler. Il fonctionnait ainsi: il jouait avec les femmes, c'était plus fort que lui. Et plus elles étaient innocentes plus cela l'amusait.
Lorsqu'il l'avait menacée dans les jardins de l'engrosser lui même, ce n'était que des paroles, pour lui faire peur, pour la faire plier. Mais jamais, au grand jamais il n'aurait mis ses menaces à exécution. Il ne prendrait jamais le risque de faire annuler ce mariage. Il ne voulait pas être le successeur de son frère, il voulait seulement profiter de sa fortune et de son statut, mais il rejetait toute responsabilité. La vie de son aîné le déprimait: travail, travail et encore travail. Il rejetait par dessus tout cette existence.
Lorsque la veille au soir, il avait poursuivit la jeune femme, ce n'était pas pour lui faire du mal. C'était simplement pour essayer de la rassurer et qu'elle n'aille pas répéter ce qu'elle avait vu à Philippe. Il acceptait déjà mal qu'il organise des soirées dans son dos, s'il apprenait qu'il avait organisé une partouze - et en plus que sa jeune épouse y avait assisté-, il le fusillerait sur place.
Il était donc coincé. Il ne pouvait pas laissé penser à son frère qu'il avait tenté quoi que ce soit avec Hélène ou qu'il l'avait agressée, mais s'il disait la vérité alors la sanction risquait d'être sévère et Arthur ne souhaitait pas devoir se passer de ses soirées et de ses plaisirs.
Pourtant il devait bien dire quelque chose.

-Elle n'avait visiblement pas l'habitude de ce genre de fête. Le monde l'aura angoissé sans doute, et je l'ai vu prendre la fuite. J'ai voulu la rattraper pour la calmer et la ramener à ses appartements.

Il comptait sur la peur d'Hélène pour ne pas démentir, et sur sa honte pour ne pas oser décrire ce qu'elle avait vu.

-Pourquoi étais-tu torse nu?

Arthur leva les yeux au ciel en prenant son verre:

-M'as-tu déjà vu resté tout à fait vêtu à ce genre de soirée cher frère? Il faisait chaud et j'avais bu. Tout simplement.

Le regard dur et froid de Philippe se tourna alors vers sa femme, qui n'avait pas dit un seul mot depuis le début:

-Qu'avez-vous à dire Madame?

Arthur mentait. Mais qu'allait-il lui faire si elle osait le dire? Et Philippe serait-il en colère contre elle pour avoir vu ce qu'elle avait vu? Était-ce comme l'avoir trompé?
Sa mère aurait dit que oui.

-...Je... je n'ai...

Elle n'arrivait pas à articuler deux mots réfléchis. Philippe frappa alors violemment du poing sur la table, la faisant sursauter:

-Je vous ai déjà dit de parler distinctement. Vous n'êtes plus à la campagne, vous n'êtes plus une enfant.

Ce geste et ces paroles effrayaient encore davantage la jeune femme qui avait envie de fondre en larmes, se sentant piégée quoi qu'elle puisse dire. Elle se retenait de peu, mais était incapable de sortir un seul mot, ou sinon les pleurs auraient suivi avec lui.

Et soudain, la voix de Guillaume articula, toujours sur ce ton neutre et détendu:

-Ne la torture plus Philippe. Si elle a eu le malheur de voir Arthur danser c'est normal qu'elle soit encore bouleversée. Moi même je ne m'en suis toujours pas remis...

Pour la première fois, Hélène vit Philippe sourire suite à un trait d'humour. Il sembla se détendre. Et avant que la discussion ne revienne à elle, le nouveau convive enchaîna:

-J'aimerais que tu me montres les nouvelles cartes des territoires, tu m'en as tant fait les éloges...

Philippe regarda sa femme quelques instants, comme souhaitant lire son âme, mais finit par détourner le regard vers son ami, et acquiesça avant de se lever. Les deux hommes quittèrent la pièce.
L'incident était clos. Du moins il semblait l'être.

Épées et BaisersWhere stories live. Discover now