Les Maîtres Du Temps

II. Quand votre cerveau vous dit de continuer sans lui

Je m'accroche fermement à la veste de Stéphanie, qui zigzag à une vitesse folle entre les voitures. Le vent fait voler nos cheveux à l'unisson, caressant violemment mon visage.
Je ferme les yeux et lève le menton pour me laisser doucement baigner dans l'adrénaline de la vitesse.

La nuit tombe progressivement sur la ville lumière, qui commence doucement à prendre vie. Vous aimez Paris ? Alors Allez-y la nuit... La ville s'éveille et rayonne sous la lune, laissant les vies mornes derrière elle, battant au rythme des soirées mondaines et des petits bars de quartier, où les gens laissent leurs problèmes à la porte. De la population de tout genre se retrouve pour vivre jusqu'à l'aube.

Bientôt, Stéphanie freine d'un coup sec devant chez moi. Après avoir frôlé de peu la chute, je descends du vélo.

Nyla - merci, Mais tu conduis aussi bien qu'un motard bourré, et encore.

Stephanie - merci du compliment !

Nyla - ce n'en est pas un.

Stephanie - merci quand même.

Et je la vois sauter sur son vélo et partir à toute allure dans le trafic, avec un rire puissant et mélodieux. J'aime plus que tout sa joie de vivre, j'espère de tout cœur qu'elle ne changera jamais.

Je hisse mon sac sur mon épaule et me retourne vers la vieille maison. Le portail est grand ouvert. Je fronce les sourcils, ma grand mère n'est pas sortie aujourd'hui, que se passe-t-il ?
Ne panique pas. Ne panique pas. Pourtant ma conscience me crie :

" qu'est ce que tu attends ? Prend tes jambes à ton cou et cours chez la police !!! "

Mais pourtant, je passe calmement le portail pour atteindre la porte.

Ouverte.

Le côté du bois est à moitié arraché et la serrure est en piteux état, il faudrait être aveugle pour ne pas comprendre qu'elle a été forcée. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et ma conscience s'affole, je sens la peur me gagner dans le bas du ventre, se rependant dans tous mes muscles tel un venin.

Mais que se passe-t-il à la fin ?

Hésitante; je pousse légèrement la porte qui s'ouvre dans un bruit sinistre. Mon sang se glace dans mes veines quand je réalise ce que j'ai sous les yeux, le hall d'entrée est sans dessus dessous. On aurait pu croire qu'une troisième guerre mondiale c'était déroulée dans toute la maison.

On a été cambriolées ? Comment est-ce possible ? Mon cerveau tourne à toute vitesse, je m'accroche à la rambarde de l'escalier, prise de vertiges.

Calme-toi Nyla. Calme toi ... Et s'ils étaient toujours là ? Non. Impossible.

Attend !? un doute me prend, je panique, j'abandonne mon sac que j'envoie se fondre dans le bazar présent et m'élance à travers les pièces de la maison.

Nyla - grand mère ! Grand mère !!!

Finalement je la trouve dans le bureau, adossée contre le mur du fond, la tête reposée sur l'épaule.
Non... je cours vers elle, ma respiration s'accélère ... Je pose deux doigts sur son cou et compte les secondes dans un silence pesant.
Elle respire, son cœur bat... Je soupire de soulagement... J'ai eu si peur.

Je l'allonge délicatement sur le parquet et improvise un oreiller avec ma veste. Je lui tiens la main que je caresse frénétiquement.

Nyla - grand mère ... Parle moi ...

Un silence de mort prend place pendant que les minutes passent lentement, très lentement. La peur quitte progressivement mon corps pour laisser place à la colère ... qui a fait ça ?
Mes yeux me brûlent, mon cœur bat dans mes tempes. Mon corps chauffe a une vitesse folle, mes muscles se contractent comme jamais, je perds progressivement le contrôle. L'air s'épaissit, j'étouffe, je suffoque comme un poisson hors de l'eau. Ma vue devient doucement floue, j'ai l'impression de voir le monde en gris.

Que m'arrive t il ?

Alors que cette force inconnue semble atteindre son paroxysme, je sens de la chaleur, une chaleur douce et rassurante. Quand je reviens à moi, je sens la petite main de ma grand mère sur ma joue.

- calme toi Nyla.

Nyla - grand mère qu'est ce qu'il se passe ?

- tout va bien maintenant. Tu ne dois pas perdre le contrôle. Jamais.

Nyla - mais pourquoi ?

- Promet le moi nyla !

Nyla - je ... Je te le promets.

- bien. Maintenant tu vas me rendre un service.

Je la regarde sans vraiment comprendre. Depuis quelques minutes mon cerveau semble déconnecté. La fatigue et la peur ont pris possession de moi et je n'ai qu'une envie, qui est de m'écrouler sur le sol.

Ma grand mère enlève avec difficulté le collier qu'elle porte autour du cou. Un petite clé rouillée par les années pend sur le lien. Elle dépose le collier dans ma paume et referme mes doigts par dessus, comme si c'était le plus précieux des trésors.

- Maintenant vas. Le temps nous manque à présent. Monte au grenier, tu trouveras une cache sous le tapis marocain. Ramènes-moi vite le contenu.

Nyla - je... oui...

Je me lève et marche vers l'escalier sans trop réfléchir, serrant la petite clé dans ma paume. Je gravis les marches les unes après les autres. Je prends le couloir, en passant devant ma chambre, je deviens livide. Elle est dans le même état que toute la maison.

Je continue, pour finir devant une échelle qui mène directement au grenier. Depuis que mes parents ne sont plus là, plus personne ne monte là-haut. Je m'accroche et grimpe agilement aux barreaux de l'échelle.

L'endroit est envahit par la poussière, des traces de pas encrés sur le sol et un réel bazar prouve le récent passage de nos visiteurs.

Je soulève difficilement le vieux tapis marocain, qui s'étend au milieu de la pièce, provoquant d'énormes volutes de poussière. La main sur la bouche j'avance à tâtons, les yeux mi-clos.

Une fois que la poussière est redescendue, je peux apercevoir une petite serrure dans le parquet. Plutôt inhabituel de trouver une serrure à cet endroit... Je fais jouer la petite clé dans la serrure, qui finit par céder après quelques échecs. J'en sors un sac de toile, qui pourtant banal; me semble contenir des objets assez importants pour attirer des cambrioleurs.

Je mettrais ma main à couper que ce sac était l'objet des recherches de nos visiteurs.