Les Maîtres Du Temps

une robe ?

Le souffle court, le front perlé de gouttes de transpiration, je marche d'un pas tranquille et fluide, à travers les couloirs du château. Je viens de quitter mes gardiens après un entraînement. Leur présence m'a fait du bien, je me suis sentie entourée, à la bonne place dans ce monde, dans mon monde.

Mon esprit vagabondant avec légèreté, je laisse mes pas me guider où bon leur semblent, car j'ai un peu de temps avant de rejoindre mes appartements.

Délaissant mes responsabilités pour un léger avant-goût de liberté, je finis par arriver devant l'une des entrées de la petite cour, que j'avais brièvement aperçu l'autre fois par une des ouvertures de l'étage.

Je me laisse aller contre le mur, la tête reposée contre le bord de la grande ouverture en pierre, qui est l'une des quatre portes de la pièce. Dans l'ombre à l'abris des regards, je peux observer toutes les personnes présentes, sans le soucis d'être vue.

Je ne compte pas me montrer dans l'état où je suis, me contentant d'observer.

De nombreuses personnes flânent et discutent posément aux quatre coins de la pièce, habillés somptueusement et accompagnés par des manières vaporeuses.

Mon regard finit par se poser sur trois femmes, j'en reconnais une aisément, puisqu'il s'agit de Joséphine, la Haute dirigeante.
Par contre, les deux autres dames me sont bien étrangères.

La première semble être une simple suivante, malgré tout, ses yeux reflètent la fourberie, tandis qu'un sourire malsain est constamment gravé sur son visage.
Un frisson parcourt mon échine, cette personne est vraiment étrange.

Pour ce qui s'agit de la dernière femme, elle est grande avec un corps squelettique et dégage un effet repoussant dans son attitude. Des yeux fins et vicieux, accompagnés d'une fine bouche pincée, se dissimulant sous un trop plein de maquillage.

- elle, c'est Mme de Vicompte, l'autre, c'est sa favorite.

Je sursaute instinctivement, me pensant seule, un cri m'échappant alors que je pose une main sur mon cœur, pour en calmer les battements accélérés.

Je me retourne pour voir Lewis, avec son habituel visage fin, sans expression apparente.

"- tu m'as fait une de ces peurs... Murmurais-je, toujours pas remise de cet assaut."

À mon grand étonnement, il pose un genou à terre et baisse la tête tout en attrapant ma main.

"- j'en suis profondément désolé."

Confuse, je le force à se relever.

"- mais ce n'est rien voyons, ne t'excuse pas comme cela ! Paniquais-je."

Il ne dit rien et me fixe avec respect. Je pousse un soupire pour évacuer le stress de ma surprise, tout juste passée, et attrape Lewis par le bras, l'incitant à quitter ces lieux. Sur le chemin, gardant sans y faire attention son bras plaqué contre ma poitrine, nous avançons d'un pas rapide.

" - dit m'en plus sur cette Mme de Vicompte s'il te plait, ça m'intéresse. Dis-je au majordome."

Lewis sourit à ma curiosité, et je suis surprise qu'il laisse passer ses émotions devant moi, il a peut être finit par m'apprécier... qui sait.

"- cette femme est épouvantable, pourtant elle est louable aux yeux des Hauts Dirigeants, qui semblent l'apprécier pour son travail.

 - quel poste occupe-t'elle ?

 - comme tu le sais, continue-t-il, les Hauts Dirigeants sont en quelque sorte les Rois de la communauté, et ici nous sommes dans l'annexe principale, celle des maitres du temps inactifs... tu me suis ?

- d'accord...  Mais où veux-tu en venir ?

 - c'est Mme de Vicompte qui dirige cette annexe, l'annexe des maître du temps inactifs. Explique-t-il calmement.

- tu veux dire que c'est un maitre du temps elle aussi ? Demandais-je étonnée.

 - effectivement. Ça fait longtemps qu'elle occupe ce poste et tout le monde la connait ici. Cette femme n'est pas bonne, elle sert ses propres intérêts et est machiavélique à souhait. C'est le genre de personne qui pourrait te causer du tord ici.

 - je vais me méfier de cette femme. Lui promis-je."

Lewis s'arrête d'un coup sec, surprise, je manque de basculer en avant.
Je me tourne vers lui avec un regard intrigué.

Encore une fois, il pose un genou à terre en attrapant ma main, mais cette fois, il me fixe droit dans les yeux avec un regard on ne peut plus sérieux.

C'est pas vrai, voila qu'il remet ça... Le malaise.

" - tu es le meilleur maître que j'ai eu jusqu'ici. Je promets de te servir au mieux et tant que tu seras ici. Au péril de ma vie et jusqu'au bout, je te jure allégeance. Dit-il solennellement.

Je pose un main sur son épaule, lui adressant un regard doux, comme une acceptation de son serment. Sans rien dire, il se relève et nous repartons comme ci de rien était.

" c'est normal... et c'est même bien."

Hmm ? La voix divine de Chronos résonne comme une cloche dans mon esprit.

Qu'entends-tu pars là ? Pensais-je.

"Tu es la fille de chronos, ma fille entre autre. Tu représentes un grand pouvoir, tel une reine les gens serons amenés à te prêter allégeance et ce n'est que mieux. Plus il y aura de gens prêt à te suivre et à mourir pour ta cause, plus ton pouvoir grandira et plus tu seras en sécurité de tout danger."

Je comprends mieux. Merci pour tes conseils, terminais-je de penser en quittant l'enveloppe spirituelle dans laquelle je m'étais enfermée pour discuter avec mon Dieu.

Quand je reviens quelque peu à moi, nous arrivons à mes appartements et Lewis m'ouvre la porte pour me laisser pénétrer à l'intérieur. Pauline m'attend, se tenant respectueusement à côté de la porte d'habillage et je lui souris en l'apercevant.

Ma chambre est encore plus propre que quand je l'ai quitté et je n'en suis que peu surprise, venant de mes deux serviteurs préférés. Mon majordome m'invite à aller prendre une douche, ce que j'accepte avec plaisir. 

Pauline m'accompagne pour me frotter le dos et me recouvrir d'huiles et d'essences, sentant toutes meilleures les unes que les autres. Mes deux servants prennent ma préparation très à cœur, et je ressors plus propre que jamais de ma salle de bain, sentant un arôme délicat avec de doux relents de fruits.

" - tu sens très bon. remarque gentiment Lewis."

Je lui souris en haussant les épaules.

" - il faut remercier Pauline, elle fait des miracles, comme toujours."

N'étant pas pudique, cela ne me dérange pas d'être devant mon majordome dans ma grande serviette couleur sable, et je me m'assois sur un couffin pour l'écouter parler.

"- j'ai reçu un appel de la suivante de Mme de Vicompte à ton propos, M'explique-t-il, la Dirigeante de l'annexe a tenu à choisir ta robe de bal.

Je suis surprise et le regarde avec étonnement.

" - comment ça ? Mes couturières se sont données du mal pour me faire une robe de Bal et je compte bien la porter !

"- je pense qu'on a pas le choix, cette robe doit apparaître au bal sinon nous risquons d'avoir des problèmes."

Lewis disparait dans la salle d'habillement pour resortir avec la fameuse robe.

Ma première impression ? Hideuse.

C'est une robe d'un vert vieillissant, tirant sur le kaki.
Les bordures sont dorées et les épaules sont légèrement remontées, tandis que les manches s'élargissent sur la fin, donnant un effet ballant. Elle tombe dans une coupe peu harmonieuse, toute droite, sans plus d'effet, elle laisse un arrière goût fade dans la bouche.

Je refuse catégoriquement de porter cette horreur.