LXXV. Défoulement

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Il me regarde, éberlué, je tiens toujours son coup entre mes doigts crispés par la colère.
Je me sens remplie de haine, prête à imploser de vieilles émotions, qui auraient dû sortir il y a bien longtemps.

" - Dis-moi... Qu'est-ce que j'ai fait qui t'ai tant fait souffrir ? Articule-t-il difficilement."

Son petit air de chien battu devrait m'attendrir et me faire remettre en question, m'insuffler l'envie de lui donner une seconde chance...
mais non, bien au contraire, il me fait imploser.

Vous connaissez le dicton "le calme avant la tempête" ? Place à la tempête.

" - Qu'est-ce que tu m'as fait ? Répétais-je avec une voix froide. Tout... Tu as fait tout ce qui pouvais me faire souffrir. On va repartir depuis le début, okay ? J'étais fragile et terriblement seule... Et toi, tu est arrivé avec ton sourire de tombeur et ton charme exotique, je suis tombée dans tes bras, c'était inévitable. j'étais faussement heureuse que quelqu'un s'attache enfin à moi et tu en as profité, ne le nies pas !-

- Mais non je-

- LAISSE MOI PARLER ! Hurlais-je, hors de moi."

il blêmit, mais ne dit mot après mon ordre sans appel. Plus rien ne m'importe sur le moment, à part vider mon cœur empli de rage.

" - Tu m'as tout pris... Repris-je, ma vie, mes sentiments, ma confiance, mes amies... Tu m'as tout pris ! Tout ! TU COMPRENDS ÇA ? TOUT !
TU M'AS MÊME PRIS MA VIRGINITÉ BORDEL !
... Une fois qu'il n'y avait plus rien à prendre, tu t'es lassé, et tu es parti pour voir ailleurs, tu m'as abandonné si simplement."

Je souffle devant le pavé de mots qui vient de sortir de ma bouche, je relâche le cou de Jeremy et n'ose pas, ne daigne même pas, lui adresser un seul regard. Je sens les remords qui émanent de sa personne, mais les ignore tout bonnement. Je ne veux plus rien qui vienne de lui.

"- disparais de ma vie, je ne le dirais pas deux fois, crois-moi. Le menaçais-je."

Je regarde les visages horrifiés de mes amis, Pauline a même une main devant sa bouche, pour cacher l'horreur qu'elle ressent devant ma déclaration.

Pourquoi ai-je dit cela devant tant de monde... ?

tant pis, qu'importe qu'on me juge, plus rien ne m'atteint maintenant. De toute manière, comment pourrais-je tomber plus bas qu'où m'a mis Jeremy autre fois ?

Je tourne les talons et me décide à franchir la porte pour sortir, histoire de fuir ce monde et respirer enfin.

Mais une main puissante me stoppe dans mon élan. Je me retourne, sentant les larmes perler au creux de mes yeux, je vois Adrian qui me retient avec un regard compatissant.

" - tout va bien Adrian, Tout va bien. J'ai juste besoin d'être un peu seule. Pensais-je à son intention.

- d'accord, dis-moi si jamais il y a un soucis... Ou si tu as besoin de compagnie."

J'enlève sa main avec délicatesse de mon avant-bras, il se laisse faire sans dire un mot, tout en me regardant.

"- Merci."

Il reste planté là, tandis que je m'enfuis dans le parc, le cœur lourd. Je marche sans savoir où je vais, avec juste l'envie de fuir le plus possible les problèmes qui me poursuivent où que j'aille.

Sans que je ne le veuille, des larmes roulent sur mes joues, mouillant ma peau et noyant mes yeux. Je laisse couler mes émotions, sans m'arrêter de marcher.

Au bout d'un moment je finis par m'immobiliser, lasse de marcher, et assez loin du château pour me sentir tranquille. Je penche la tête en arrière pour voir le ciel gris, menaçant, Représentant bien ce qui ce passe à l'intérieur de moi.

"- ALORS C'EST ÇA QUE TU VOULAIS ??"

je lève les bras au ciel pour cracher ma rage vers les cieux, vers un dieu qui n'existe probablement pas.

"- Et toi où es-tu dans tout ça ? N'EST-CE PAS PURE INJUSTICE ?"

je reprends mon souffle haletant à force de crier. Je continue avec les yeux humides et une voix douce, presque chantante, seulement portée par le vent, dans un long silence.

" - C'est injuste... où est tu, toi ? ... Tu me dois bien ça, non ? Moi je t'ai protégé, j'aurais donné ma vie... MA VIE, pour ton stupide sablier ! Mais qu'est-ce qu'une pauvre vie pour toi ? juste une pauvre vie humaine..."

Je suis folle de crier ma rage de cette façon, engueuler quelqu'un qui n'existe même pas, c'est absurde... Je me mure dans un long silence, fermant les yeux sur ma souffrance.

La pluie commence à tomber autour de moi tandis que de grosses gouttes éclatent sur mon visage, sans que je ne réagisse.

Le vent semble chuchoter des mots et j'ouvre les yeux, intriguée.

"J'ai du mal à savoir si tu crois en moi ou non ... "

cette voix grave et rassurante qui vibre dans mes oreilles, ne me laisse aucun doute sur son propriétaire. Décidant d'y croire, de penser entendre cette voix, quitte à passer pour une folle.

"- Et bien je ne sais pas non plus. Donne moi une bonne raison de croire en toi, Dis-moi chronos... Qu'est-ce qui te fais exister ?

- Si tu es ma fille c'est que j'existe, ne penses-tu pas ?"

Perspicace... Il marque un point. Est ce que je peux dire "il" en parlant d'un dieu ?

Parce que moi parler avec les divinités... Et bien, je ne suis pas très habituée.

"- Alors pourquoi ne m'aides-tu pas ?

- Tu es assez forte tu n'as pas besoin de moi, prouve leur qui tu es."

Je trouve ça un peu facile de dire ça, mais je ne peux m'opposer aux décisions d'un dieu.

" - Mais pour leur prouver quoi ? Et à quoi bon me sert d'avoir un si grand pouvoir ? Quel est mon but à moi dans tout ça ?

- Sois ma fille, Sois-en digne, Sois digne de ce pouvoir et des responsabilités qu'il induit.

- Mais je n'ai rien demander moi!

- mais moi, Chronos, je l'ai demandé. "

Gnagnagna... Et tout de suite puisque c'est la volonté d'un dieu, je dois le faire !?

Un silence s'ensuit, où chronos ne se manifeste pas, tandis que je rumine, contrariée de ne pas pouvoir m'opposer à la volonté de la divinité.

"- ne trouves-tu pas, que ce pouvoir est beau ? "

Des milliers de petites particules m'entourent doucement, se mêlant à la pluie dans une dance infinie. Mes yeux ne lâchent pas ce ballet irréaliste, tandis qu'un sourire apparaît sur mon visage.

" - Si ... Il est ... Magnifique. Avouais-je dans un murmure."

Mes mains traversent l'air, essayant de caresser ses innombrables grains de sable doré, qui volent autour de moi.

"- mais que veux-tu ?

- Que tu me protèges sur Terre, protège le sablier.

- très bien, mais j'ai une question sur dieu pour toi...

-Je t'écoute"

Vous allez me prendre pour une folle (encore...), mais un jour, une amie m'a demander cela, et je me suis sentie idiote. Alors puisque que je parle avec un dieu, mieux vaut en profiter non ?

" - et bien quand on dit "dieu", c'est la fonction ou le nom ?

J'entends un rire puissant monter dans les airs et, aucune réponse.

Les particules disparaissent en montant vers le ciel et j'observe cet étrange et magnifique spectacle, avec un sourire aux lèvres.

Pour une fois que je pouvais avoir une vrai réponse à cette question... Pas cool.

Il m'a quand même fait oublier tous mes soucis. Je me sens épuisée et vidée, je m'allonge par terre, trempée, toujours sous la pluie. Après quelques instants, je m'endors, sereine, avec un peu de sable doré dans le creux de mes mains, serrées contre ma poitrine.

Les Maîtres Du TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant