XVII. Nouvelle vie

2.4K 246 21
                                    

Point de vue d'Adrian

J'entre dans la salle de bal, dans le célèbre costume bleu des gardiens, accompagné de ma nouvelle protégée.
Alicia fait son entrée à mes côtés dans une robe rouge dévoilant sa forte poitrine. Ses charmes poussés ne m'atteignent pas.

Pourtant ne devrais-je pas être le plus heureux ? Je suis un gardien, qui a le plus grand des privilèges, avoir un maître. Qui plus est, mon maître est l'élue. J'ai l'unique place, la place que n'importe quel gardien tuerait pour avoir.

Et pourtant.

Mes yeux parcourent l'assemblée durant notre progression, Nyla n'a pas fait d'apparition. Je sens qu'elle est déjà loin. Elle a sûrement déjà fuit en douce sur sa vieille amie orange, s'éloignant de Robin et de ses obligations.

Nous marchons dans un silence respectueux vers le maître de maison, Gilles. C'est la deuxième fois que je parcours cette allée d'invités, au près d'un maître du temps.
La première fois, j'avais la place d'un prince et je me sentais comme un dieu. Cette fois-ci, j'ai la place d'un roi, mais je me sens comme un chien abandonné ou comme un voleur.

Nous arrivons près de Gilles, celui-ci nous accueille avec chaleur et s'apprête à commencer le discours obligatoire de présentation. Mais avant qu'il n'aie pu dire un mot, les portes de la salle s'ouvrent avec fracas devant un jeune couple. Je suis plus que surpris de découvrir Nyla, que je pensais déjà loin, au bras d'un jeune homme aux cheveux noirs corbeau.

Elle est à couper le souffle. Sa beauté simple inspire le respect. Tandis que sa robe d'un bleu pure, relevée de dentelle, souligne ses courbes avec délicatesse.

Elle a la prestance d'une reine.

Elle parcourt l'allée au bras de son cavalier, portée par l'orchestre, dans une démarche d'une simplicité et d'un naturel déconcertants.

Je serre les dents, il y a peu, j'étais l'homme à son bras, maintenant, elle est le joyau d'un autre.

Elle s'arrête non loin de nous, en plein milieu de la salle. Les invités forment un cercle autour d'elle, pendant que son compagnon disparait dans la foule.

Elle vole le discours de son oncle et commence à parler d'une voix forte. J'écoute ses mots et me laisse porter par sa gestuelle.

Nyla - .... Bonne soirée à tous !

Et avec un sourire elle disparait dans un nuage de poussière dorée, devant tous les invités. Tout le monde regarde ébahi l'endroit où se tenait la jeune fille un peu plus tôt. Seul Robin au fond de la salle semble perdre totalement son sang-froid.

Elle a, encore une fois, gagné sa liberté en beauté.

Point de vue de Nyla

Je file sur la route en direction de chez Stéphanie, avec mon immortelle mobylette. La forte pluie qui s'abat sur Paris me lacère le visage et transperce mes vêtements, me trempant jusqu'aux os. Mes cheveux mouillés collent ma peau pendant que mes yeux sondent la route à travers ce déluge. Je repense à la réussite de mon plan et à ce magnifique bal. Mon seul souvenir de cet immense château est la robe de ce soir, qui dort maintenant dans le sac de sport posé derrière moi.

J'arrive enfin devant un petit immeuble de brique rouge, dans un quartier quelque peu oublié. Je pose ma mobylette contre un lampadaire et passe une chaine dans la roue. Je ne sais pas qui voudrait voler cette antiquité, mais mieux vaut être prudent.

Mieux vaut prévenir que guérir.

Cette phrase est lourde de vérité, et comme pas mal de proverbes, elle guide ma vie et mes pas. Je suis quelqu'un qui se laisse guider par les enseignements de la vie, les proverbes et les principes.

Comment ne pas devenir fou si on ne suit pas des principes ? Il faut savoir s'imposer ses propres lois. Et aujourd'hui au nom de ma liberté, accompagnée de mes principes, je fonde mon nouveau royaume, ma nouvelle vie, brique par brique.

Je rentre dans le hall et monte les escaliers, dégoulinante et meurtrie par le froid. J'arrive épuisée, au dernière étage devant une lourde porte en bois, que je m'empresse de frapper du poing.

La porte s'ouvre sur le visage légèrement rond de Stéphanie.

Stéphanie - Ah c'est toi ! Rentres.

Je passe la porte d'entrée et pose mon sac dans le hall.

Stéphanie - Mais, tu es trempée ?

Je la regarde en haussant les épaules.

Nyla - Il pleut dehors. Le fait que je sois sèche aurait été surprenant n'est-ce pas ?

Mon amie affiche une moue dubitative face à ma déduction implacable.

Stéphanie - Bon va prendre une douche et je vais te chercher des vêtements secs. Tu trouveras une serviette propre dans le meuble de salle de bain.

J'acquiesce du menton et file dans la petite salle de bain bleue de l'appartement.

Une fois débarrassée de mes vêtements mouillés, je laisse le jet d'eau chaude masser ma peau.

Je sais que je ne dérange pas Stéphanie car ses parents voyagent beaucoup, mais je ne peux rester indéfiniment... Ce sentiment désagréable de ne pas avoir de chez soit, passe en boucle dans mon esprit.

Je coupe l'eau et m'entoure d'une serviette violette qui sent bon la lessive, puis me retourne vers le miroir. Je ne suis plus la fille que j'étais avant, pour le physique comme pour le mental.

Mais qui je préfère vraiment être ?

Quelques minutes plus tard, je me retrouve dans le canapé avec ma meilleure amie en train de boire du thé, dans un jogging et un pull trop large. C'est ce genre de moment de calme et paix qui me manquait. Je respire l'odeur du thé qui parfume la pièce pendant que Stéphanie me harcèle par la parole.

Stéphanie - Je ne t'ai pas dit...

Nyla - Oui ?

Stéphanie - J'ai un nouveau petit-ami.

Nyla - Mais ça fait seulement depuis une semaine que tu as rompu avec Jeremy.

Stéphanie - Je l'ai oublié. Je ne l'ai jamais vraiment aimé.

Rien ne me surprend, je suis juste désespérée par mon amie. Depuis toujours, elle enchaîne les petits amis, relayant la passion et les chagrins d'amour. Elle est comme un petit papillon qui se brûle souvent les ailes, drôle de comparaison je l'avoue.

Nyla - Qui est-ce ? Je le connais ?

Elle baisse les yeux, légèrement gênée.

Stéphanie - Oui tu le connais.

Un court silence s'installe pendant que je fixe ma camarade. Mais bon sang, qui est-ce pour qu'elle mette tant de temps ? La curiosité me pique au vif et je trépigne d'impatience.

Nyla - Alors ? Qui est-ce à la fin ?

Stéphanie - C'est Arthur.

J'ouvre la bouche. Les mots me manquent. Vite un médecin ! Je défaille !

Arthur.

On ne me laissera donc jamais tranquille n'est-ce pas ?

Les Maîtres Du TempsDove le storie prendono vita. Scoprilo ora