Chapitre 24 : Secrets de chasse

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Je n'aurais qu'une chose à dire : le retour à la vie humaine est brutal.

Lorsque je pénètre dans le grand appartement de mes parents donnant sur Eola Park, un cadeau de mariage de Grand-Mère, l'odeur de là où j'ai toujours vécu me paraît étouffante, artificielle. Elle me fait me sentir à l'étroit, et même si l'endroit est immense, elle me donne envie d'ouvrir une fenêtre pour évacuer cette senteur fausse de sapin frais.

Bienvenue à la maison, Ethel, je songe. Je me mords la lèvre avec l'impression de redécouvrir mon chez-moi. Ma bague semble se resserrer autour de mon doigt, comme pour me rappeler que je ne connais finalement pas grand-chose de cet endroit.

J'enlève mes chaussures dans le hall, n'osant même plus les balancer à travers le couloir comme je l'ai toujours fait. J'attrape un chargeur de téléphone abandonné pour recharger mon précieux outil, au cas où. Pendant que je fais ça, je sens le regard de mon père, en train d'ôter sa veste et son insigne de l'armée, braqué sur mon dos.

« Ta mère n'est pas rentrée, on dirait... commente-t-il pour combler le silence de l'appartement. Elle doit faire des heures supplémentaires. Depuis le début des attaques de loups, son chiffre d'affaire a doublé.

-Les gens s'improvisent chasseurs en plein Orlando ?

-Ta mère tente de me rassurer en disant que tant qu'ils cherchent à tuer des animaux, les gens ne se tuent pas entre eux. Je lui ai répondu que quand ils s'entretuent, ils ne s'amusent pas à faire agoniser leur victime, comme cette pauvre louve. Les gens s'y prennent n'importe comment... »

Je réprime un sourire. Mon père a tout pris de Grand-Mère, à aimer les animaux plus qu'il n'aime les humains. Même lorsqu'il devait aller chasser le cerf avec des amis de l'armée, il était au bord de l'évanouissement dès qu'il fallait abattre la bête pour de bon. Ma mère se moquait de lui en rentrant – d'ailleurs, lorsqu'elle était conviée aux chasses, c'était elle qui abattait le cerf.

Moi ? Je n'ai jamais ressenti quoi que ce soit face à un cadavre d'animal. Du moins, c'est ce que je croyais, je pense en me remémorant le regard suppliant de Serena.

Je me frotte les tempes, une migraine commençant à faire son apparition dans un coin de mon crâne. Ce n'est pas le moment de me rappeler de chasses au cerf. Il faut que j'écourte le plus vite possible ce qui va être le sermon de ma vie, puis que je fouille l'appartement en quête d'indices à propos de la bague. Et ensuite, me débrouiller pour revenir à la résistance avant que Riley ou Alma ne m'y ramène par la peau des fesses.

Je pourrais peut-être directement en parler à Papa, mais...

Je ne sais pas. Je bloque. J'ai peur de ce qu'il pourrait me dire. J'ai peur du choix qu'il pourrait m'imposer si les mots auxquels je pense sortent de sa bouche, ou de celle de Maman. Puisque je ne peux en parler à personne, je présume que je ne serais jamais mieux servie que par moi-même.

Je suis mon père dans le salon – une grande pièce lumineuse, dont la gigantesque baie vitrée laisse passer l'image scintillante d'Eola Lake. Je me suis toujours demandé comment Grand-Mère a pu se procurer l'argent pour acheter un appartement pareil...

Je m'affale sur le canapé en cuir choisi par Maman. Son odeur est aussi artificielle que celle de l'appartement. Elle me prend au nez ; et me donne un peu la nausée. A moins que ce soit le regard empli de déception de mon père, que je sens venir à des kilomètres, qui me donne envie de vomir ?

Pourtant, lorsque mon père s'installe en face de moi, il ne me lance pas le même regard déçu que celui qu'il m'a donné, le jour d'arrivée des résultats des concours d'entrée aux écoles de droit. Son expression est neutre. Il ne dégage même pas une once de colère.

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