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Bruna Soares


 La salle de conférence était pleine à craquer.

  Assise au troisième rang, j'écoutais Daniela faire son discours d'introduction sur Guiomar, d'un timbre clair et assuré. La fierté m'envahissait de voir ma petite fille dans son tailleur noir, les cheveux attachés en chignon soigné, le micro à la main. Sa voix résonnait dans toute la salle.

 Elle n'était visiblement pas intimidée par tous ces regards posés sur elle. Daniela donnant parfois des cours de mathématiques dans des amphithéâtres, elle avait plus ou moins l'habitude des foules.

Elle m'avait dit qu'elle avait déjà postulé à l'Universidade Castelo Branco en vue d'y donner des cours de soutien aux étudiants. Je pense qu'elle voulait injecter l'argent qu'elle allait gagner dans les caisses de Guiomar, mais je n'en étais pas certaine.

« Notre but premier est d'accompagner financièrement les populations des favelas, mais nous espérons également d'ici une année pouvoir proposer un soutien éducatif aux jeunes qui en auraient le besoin pour leurs études. »

Lorsqu'elle se tourna vers son collègue debout en bout d'estrade, j'observai la perle qui ornait son oreille. C'était moi qui lui avais suggéré de mettre ces boucles d'oreilles qui selon moi s'accordaient parfaitement à l'occasion, et à son tailleur sobre.

J'avais été ravie qu'elle suive mon conseil. Je me sentais toujours plus proche d'elle lorsqu'elle me prenait au sérieux.

« Je laisse la parole à Alejandro Duarte qui s'occupe du secteur scolaire en parallèle avec l'association Escolinha. Merci ».

Daniela tendit le micro à son collègue et quitta l'estrade sous les applaudissements du public.

« Comment l'as-tu trouvée ? » demandai-je à Thomas en applaudissant de toutes mes forces.

Il me fit un clin d'œil complice.

« Brillante. Quand il ne s'agit pas d'elle-même, elle s'exprime avec éloquence, ta fille. Comme quelqu'un que je connais bien » ajouta-t-il avec un regard appuyé.

Je compris qu'il parlait de moi et sentis que je rougissais. Je tirai sur la jupe de ma robe et me dandinai sur mon siège alors que son petit rire malicieux résonnait à mes oreilles.

« Tu penses que Guiomar va fonctionner ? » lui demandai-je encore.

Je me tournais souvent vers mon ex-mari quand il s'agissait de trouver du réconfort. Il m'effleura la main :

« J'en suis sûr. Ne te fais donc pas de souci. Ça va faire un tabac. Daniela et Fábio ont une équipe triée sur le volet et ils sont vraiment consciencieux, tu le sais bien. Tout va bien se passer. Mais il faudra se montrer patients, je pense. »

  Suite à cela, nous nous tûmes pour écouter le discours du dénommé Alejandro, qui présentait le programme éducatif que Guiomar souhaitait mettre en œuvre en 2019.

  Quelques instants plus tard, à la faveur d'une pause dans les présentations, notre fille nous rejoignait près du buffet, le sourire aux lèvres. Je l'observai attentivement, chose que je m'étais surprise à beaucoup faire depuis son arrivée, quelques jours plus tôt. Son regard était triste, comme voilé par la peine.

  Je sentis un petit pincement dans mon cœur de mère. Daniela... elle pensait constamment à Alessio, son « petit français », comme j'aimais à le surnommer parce qu'il était plus jeune que ma fille. Le manque de lui était visible partout : dans les repas qu'elle ne mangeait pas, dans les larmes que je l'entendais verser parfois le soir lorsque je passais devant sa chambre, dans ses silences qui s'éternisaient, dans l'absence de ses éclats de rire, dans sa façon de s'habiller aussi, un peu moins recherchée que d'habitude, un peu moins sexy, plus fonctionnelle.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant