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Chloé


Juin


Beaudelaire avait dit en parlant de son propre recueil des Fleurs du Mal, « dans ce livre atroce, j'ai mis tout mon cœur, toute ma tendresse, toute ma religion, toute ma haine... »

─ « Il est vrai que j'écrirai le contraire, que je jurerai mes grands dieux que c'est un livre d'art pur, de singerie, de jonglerie », poursuivis-je à voix basse.

De ça, je me souvenais.

Adossée au montant de mon lit, je portai ma flûte à mes lèvres et jouai de mémoire le début de l'Adagio de Mozart. Sans crier gare, je poursuivis avec le Despacito enlevé de Luis Fonsi et l'exécutai avec une aisance frisant la perfection.

De ça, je me souvenais aussi. Très bien.

On frappa à la porte de la chambre alors que j'entamais le dernier pont. La musique s'arrêta brutalement lorsque je détachai le bec de ma bouche.

─ Entrez ! lançai-je en tirant sur mon haut de pyjama.

Maman ouvrit la porte. Elle était sortie rapidement pour parler au médecin. Je me redressai en voyant qu'elle était accompagnée de Sophie Clément... et de son fils Alessio.

─ Chloé, regarde qui j'ai croisé, dit Maman avec un grand sourire.

─ Oh ! Bonjour, dis-je.

─ Chloé, chérie, s'écria Sophie, les larmes aux yeux. Oh, ma petite chérie.

Elle se précipita sur moi, me prit dans ses bras et m'embrassa sur le front. Je lui rendis son étreinte. Lorsqu'elle me lâcha, je lui souris pour la rassurer.

Sophie Clément était toujours parfaite. Pas un cheveu ne dépassait de son chignon. Elle avait de beaux yeux bleu marine, dont son fils avait hérité. Je l'aimais bien.

Sophie, pas son fils.

Enfin, je n'avais rien contre lui, mais enfin... je ne le connaissais pas bien.

Il se tenait près de sa mère, la dépassant d'une tête, et m'observait d'un air impénétrable. Je lui fis un sourire incertain.

─ Salut Clochette, me lança-t-il.

Clochette. C'était ce qu'il m'écrivait dans ses SMS. Je n'avais aucune idée de ce à quoi ça faisait référence, et pour être honnête, le fait qu'il me donne un surnom me fit bizarre.

─ Salut, dis-je.

Je l'observai plus attentivement. Il semblait fatigué. Il portait ses cheveux châtains plus courts sur les côtés, et sa frange flirtait avec ses sourcils. Il arborait un t-shirt noir sur un jean et des boots. Un casque Bose autour du cou. Je me souvenais de lui ; je l'avais rencontré lors d'un dîner donné par ma mère. On avait échangé deux mots. A en croire ses SMS, je me doutais que nous étions plus ou moins proches.

Le problème, c'était que je ne m'en souvenais pas du tout.

─ Je suis tellement désolée que tu doives traverser ces horreurs. En tout cas, tu as bonne mine, ma chérie, dit Sophie en me faisant un sourire. Comment te sens-tu ?

─ Plutôt bien, reconnus-je en triturant ma flûte. Beaucoup mieux qu'à mon réveil.

─ Je suis contente de l'entendre.

─ Je prendrais bien un petit café, dit Maman en regardant Sophie.

─ Pourquoi pas ? Bon, on descend, les enfants, dit Sophie en consultant sa montre. A tout à l'heure. Alessio, chéri, ne fatigue pas Chloé.

Le Solstice d'été (HB 2)Where stories live. Discover now