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Daniela


  Je restai environ dix jours dans la pension aux tarifs défiant toute concurrence, et au confort si bas qu'il défiait toute concurrence lui aussi, avant d'emménager dans un T1 en périphérie du centre-ville, pas si loin que ça de Guiomar.

Vingt minutes à pied étaient nécessaires pour faire le trajet jusqu'à l'association.

C'était bien d'habiter seule après sept mois de colocation, mais ça faisait bizarre aussi, de ne trouver personne en rentrant le soir.

Le mois de juillet, puis le mois d'août, passèrent à une vitesse folle. Tout l'été, je me perdis dans le boulot pour me maintenir à flots, abattant de grandes charges de travail. De toute façon, il y avait tellement à faire que j'avais très peu de temps à moi. Tellement de gens avaient besoin d'aide.

Moi la première, mais j'ignorais ce fait pour me concentrer uniquement sur les autres et tâcher d'oublier que je m'oubliais. Paol m'adressait à peine la parole. J'essayais de ne pas penser à Alessio et Chloé. A cette heure, ils étaient sûrement ensemble, heureux et amoureux...

Moi, j'étais seule, et c'était mieux comme ça, plus simple à gérer.

Je laissai encore passer le mois de septembre.

L'angoisse m'attendait impatiemment chaque soir, lorsque j'allais me coucher après mon footing dans le quartier. Je rêvais souvent de Rubén, ces derniers temps, presque toutes les nuits, alors que cela faisait des mois que ça n'était pas arrivé. Ces rêves me terrifiaient. Rubén m'en voulait de l'avoir laissé.

Je n'écoutais pas son album. J'avais peur d'entendre sa voix. Je voulais qu'il me laisse tranquille, mais il était juste là.

Je n'osais pas revenir ramper chez Klaus Dieter. Pas le courage. Pas le culot. Pourtant je pensais beaucoup à lui. Il m'avait beaucoup aidée. J'avais encore besoin de lui.

J'étais convaincue que je pouvais me débrouiller toute seule.

J'étais aussi bornée que stupide, parfois.


**


  Un matin que j'allais m'acheter un Mocha à notre café préféré, je tombai nez à nez avec Lula à la porte. J'avais failli ne pas le reconnaître : en effet, il avait les cheveux coupés très courts. Ses yeux verts paraissaient plus grands qu'avant. Je fus frappée par sa beauté.

─ Oh, salut, lui dis-je, les yeux écarquillés de surprise.

Il sembla mal à l'aise de me voir là.

─ Salut, Dani.

─ Ca fait un bail, hein, Lul...

─ Oui.

Court silence.

─ Ca te va très bien les cheveux courts, dis-je, et je passai la main entre ses mèches.

Je le sentis se crisper et m'empressai de retirer ma main, le cœur battant. J'étais déçue.

─ Comment vas-tu ? se borna à répondre Lula, très droit. Comment va Guiomar ?

─ Tout le monde va bien. Et toi, alors ?

─ Bientôt le bal des débutantes, dit Lula en haussant les épaules.

Je le savais. Maman avait reçu une invitation pour l'évènement, et m'avait proposé de l'accompagner. Je n'avais pas très envie de voir Lula se présenter en société au bras d'Olivia, aussi avais-je refusé.

Lula avait l'air tendu, soucieux.

─ Dani... est-ce que tu as eu de nouvelles subventions, depuis mon départ ?

─ Quelques unes.

─ Ce n'est pas assez pour être autonome, hein ?

─ Bien sûr que non, tu le sais bien. Mais ça aide à financer les projets de l'automne, alors je suis contente quand même.

Il hocha la tête en évitant mon regard. Je le sentais distant... fuyant. Ca me mettait mal à l'aise aussi.

─ Au fait, Lula..., dis-je en fixant mes sandales à talons. Merci de subventionner encore Guiomar.

Je regardais les brides dorées croisées sur mes chevilles, très gênée, le cœur battant. J'avais eu peur qu'après notre rupture, en démissionnant et en cessant de me voir, il arrête aussi de verser de l'argent à Guiomar. C'était notre premier investisseur, alors...

Il me jeta un regard horrifié, secoua la tête.

─ Ne me remercie pas. Surtout pas, putain.

Je fronçai les sourcils. Je le trouvais vraiment nerveux, ce matin. Il n'avait pas l'air bien, tracassé par quelque chose.

─ Trouves-en des nouvelles, d'accord ?

─ Tu sais que c'est pas facile, dis-je, les lèvres serrées.

─ Je sais, oui.

─ Bon, Lula. Qu'est-ce qui se passe, qu'est-ce que t'as ? Tu veux qu'on se pose pour discuter ? proposai-je doucement.

Il me manquait beaucoup. Mais il n'était pas prêt à revenir vers moi, je le savais. Je le voyais dans ses yeux.

─ Non, excuse-moi, dit-il, j'ai du travail. Bonne journée.

─ D'accord... une autre fois, alors.

─ Ouais. Prends soin de toi.

Il me caressa la joue et s'éloigna, marchant à grands pas vers sa Porsche Cayenne garée plus loin. Je le regardai partir, toujours debout à la porte du café, un peu perplexe, le cœur un peu lourd aussi.

Lula me manquait.

Je n'avais pas le pouvoir de l'obliger à revenir dans ma vie, surtout s'il était sur le point de se mettre officiellement en couple avec Olivia en novembre.

Le Solstice d'été (HB 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant