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Mi-mai

Chloé

« Bien, Chloé. Et si on essayait le Concerto de ce bon vieux Mozart, maintenant ? C'est une si belle pièce ! Je pense que tu peux le maîtriser, à présent. Depuis des mois qu'on s'entraîne...

─ Houlà, fis-je songeusement, et j'haussai les sourcils. Heu... c'est chaud, quand même, hein ? Le Concerto, vraiment ?

─ T'inquiète pas, va. Je vais t'accompagner au piano. Passe-moi la partition, tu veux ? »

Je pris le document posé à côté de l'étui de ma flûte et le glissai dans le support, au-dessus du piano.

« Tu es prête ? me demanda Carole en tournant rapidement les pages. Voilà... C'est là. Alors, c'est parti ! Vas-y, montre moi ce que t'as dans le ventre, baby ! »

Je pris une profonde inspiration et lorsque je soufflai dans la flûte, les premières mesures de l'allegro s'élevèrent dans l'air, pétillantes, toutes joyeuses. Je vis les yeux de Carole, mon professeur, briller de joie. J'aimais beaucoup Carole. Elle me donnait toujours la patate. C'était une véritable boule d'énergie : elle était passionnée et se donnait toujours à fond dans la musique.

« Oui oui oui putain c'est bon ça ! Orgasmique ! Tu gèèères ! Attention, vient déjà le passage corsé ! Tiens la nooooote, tiens la putain de noooooooote... »

Je commençai à vider l'air de mes poumons pour la note la plus haute de la partition. Mon cœur protesta en s'emballant aussitôt. J'avais un peu la tête qui tournait. Mais c'était presque fini. Je pouvais le faire. Allez ! Une mesure, deux mesures, trois mesures...

« Et quatre ! Ouiiii, se réjouit Carole, en extase, et elle posa la main sur mon épaule pour me féliciter. Parfait ! Magnifique ronde ! Dans ta tronche de navet, concours Piccolo, tiens ! »

  Amusée par son langage fleuri, je manquai de peu exploser de rire, mais parvins à continuer de jouer.

  Carole faisait référence à mon dernier concours, où j'avais fini troisième, quand nous visions la seconde place. Moi, j'étais très contente. Déjà parce que je m'étais améliorée depuis. Ensuite parce que je ne jouais pas de la flûte traversière pour gagner des concours mais parce que j'adorais ça. C'était un réel challenge, pour moi qui manquais facilement de souffle, eh bien... de souffler aussi longtemps dans un instrument. J'avais appris à gérer ma façon de respirer avec les années, mais ça restait parfois difficile de bien jouer.

  Dès que je posais les lèvres sur le bec de ma flûte, je me sentais hyper légère, emportée par les notes de musique. L'espace d'un instant, finis les problèmes de cœur : les problèmes dus à ma maladie, et les problèmes dus au fait d'être amoureuse du mauvais garçon.

Mais Carole aurait vraiment aimé que je remporte la seconde place du concours, elle.

« Attention, Chloé, bébé ! Lentement sur l'adagio ! LENTEMENT BORDEL... sinon je vais me fâcher ! »

Je ralentis obligeamment le rythme, avant de jouer les dernières notes. Carole applaudit à tout rompre à la fin du morceau. J'étais à bout de souffle. Elle me sourit et me tendis ma bouteille d'eau.

« Félicitations, ma puce, c'était excellent. Bon... après la pause, tu me joues un petit Shape of you ?

─ Avec plaisir » dis-je en souriant.

  La chanson d'Ed Sheeran avait par passages un rythme bien plus rapide et envolé que l'allegro, mais je la maîtrisais parfaitement. Ca m'avait pris des après-midis entiers à faire mes gammes, des soirées entières d'entraînement, encore, et encore, et encore.

Le Solstice d'été (HB 2)Where stories live. Discover now