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Daniela


Octobre/novembre


Début octobre, il m'apparut clairement que je n'allais pas bien, mais je résistai encore de toutes mes forces à l'appel des boîtes de nuit : au lieu d'aller danser avec plein de types et de coucher avec eux, je me contentai de noircir des pages de mon journal et de m'inscrire à un atelier artistique qui me fit beaucoup de bien. Pas assez, cependant. Le scrapbooking pouvait certes me distraire un temps, mais pas me sauver de moi-même.

Je savais qu'il fallait que je reprenne la thérapie. Les cauchemars continuaient. Parfois, je dormais bien ; la nuit suivante, je me réveillais en sursaut au milieu de la nuit, le cœur battant, ma chemise de nuit collée à mon corps par la transpiration, la gorge sèche.

J'avais peur.

Et je pensais à Alessio toute la journée. Ses mains sur moi. Le bleu nuit de ses yeux. L'expression sur son visage la dernière fois qu'il m'avait dit qu'il m'aimait.

C'était très mauvais. Catastrophique, même. Ca ne m'aidait pas à l'oublier.

Penser à lui me mettait toujours dans une humeur massacrante, ce qui explique probablement la scène suivante.

Un après-midi doré d'octobre, j'étais en train de relire un compte-rendu sur l'écran de mon ordinateur, lorsque tout à coup, la petite Manuela débarqua à l'association, le visage trempé de larmes.

─ Dani, sanglota-t-elle en me sautant dessus. La bande de Fred nous embête encore...

─ Ah ouais ? dis-je, l'air mauvais.

Je leur avais déjà parlé près d'un mois plus tôt, à ces incapables, pourtant, et avais distribué mon lot de coups de sac à main. Il était temps de changer de méthode pour mieux se faire entendre.

Je pris un canif dans la cuisine en passant et suivis Manuela jusque dans la rue inondée de soleil. Sur le trottoir d'en face, je vis quatre types qui embêtaient les copines de Manuela. Des gamins de quinze ans environ ; Manuela et ses amies devaient avoir onze ans à tout casser.

Poings serrés, moue menaçante, je me dirigeai droit sur eux. Avec mon mètre soixante-trois et mes quarante-huit kilos, je savais que je n'étais pas bien impressionnante, mais j'aimais à croire que mes vingt-sept ans et mon statut d'adulte l'étaient, eux. Deux des ados déguerpirent dès qu'ils me virent traverser la route de mon pas décidé. Le troisième hésita, plus stupide ou plus courageux que les autres, ça reste à déterminer. Je sortis le canif qui était dans la poche de ma mini jupe en jean ; il prit la poudre d'escampette fissa.

Sage décision.

Resta Fred, le chef, qui m'attendait avec une expression bravache sur la figure. Il était plus grand et plus gros que moi mais je l'attrapai par le col de son polo ; il se dégagea ; je l'attrapai de nouveau et le secouai sans ménagement.

─ Alors, alors, on embête plus jeune que soi ? C'est tellement la classe, Fred. C'est sûr, ça va t'aider à enfin choper des nanas.

─ Fous-moi la paix, Dani, ou j'appelle la police.

─ Vas-y, appelle la police. Tu crois que j'ai peur d'eux ? T'as vu ma tête d'ange ? Je les mets dans ma poche comme je veux. Crétin.

Je déployai la lame de mon canif et fis sauter le premier bouton de son polo du même geste. Il poussa un glapissement affolé, les yeux écarquillés par la peur.

─ Tu vois ? lui dis-je, railleuse, et j'agitai le couteau dans l'air. Tout est dans le poignet, Freddie.

─ A... arrête..., pleurnicha-t-il.

Le Solstice d'été (HB 2)Where stories live. Discover now