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Daniela


  A 7 heures tapantes le lendemain matin, je me réveillai en sursaut à cause de l'alarme que je mettais pour le travail. J'avais fini par m'endormir, le nez dans mon oreiller humide de mes larmes.

   Je m'assis, passai la main sur mon visage. Je croisai mon reflet, renvoyé par le miroir au-dessus de mon bureau. Eh bien, j'avais une sale tronche. Je passai sous la douche et me lavai avec des gestes lents. Puis j'enfilai un jean, un pull gris et m'assis sur mon lit pour lacer mes bottines plates en cuir. Je démêlai mes boucles, les attachai en queue de cheval avec une barrette en bois. Je mis un peu de gloss, celui qu'Alessio m'avait racheté.

  Je montai dans la Mini Cooper, mis le contact. Et au lieu de prendre la direction de Guiomar, du bureau, je pris la direction de l'aéroport et roulai pied au plancher, doublant sans vergogne. On me klaxonna plus d'une fois sur la route. Je grillai la priorité de quelqu'un. Je n'en avais cure. Son vol était à 11 heures, alors j'avais peut-être une chance de le voir avant qu'il ne parte.

  Je me garai en double-file au dépose-minute et courus dans l'aéroport en direction de l'embarquement, derrière les comptoirs des compagnies, évitant autant que faire se peut les gens et leurs valises. Il y avait tellement de monde ! Et soudain je le vis.

Il était là, sa veste en jean sur le dos, juste à côté de l'agent chargé de scanner le billet d'avion avant de laisser passer les voyageurs. L'agent lui dit quelque chose et lui fit signe de se dépêcher.

Mon cœur se mit à battre plus vite.

─ Alessio ! ALESSIO !

Mais il ne m'entendait pas. Trop de monde. Je me mis à courir plus vite mais je savais déjà que je n'allais pas arriver à temps. Je m'arrêtai à bout de souffle près des portes, les mains sur les genoux, penchée en avant. Putain.

Putain je l'avais manqué.

J'avais envie de chialer.

Et soudain j'entendis qu'on frappait à une vitre tout près et levai vivement le nez. Mon cœur se gonfla de joie lorsque je vis Alessio qui tapotait contre le mur vitré qui séparait les deux parties de l'aéroport.

Je me précipitai.

─ Pardon, dis-je. Bon voyage.

─ Merci, répondit Alessio.

Il avait lu sur mes lèvres et moi sur les siennes, le verre était trop épais pour que les sons passent.

Je lui souris bravement derrière mes larmes. Alessio me rendit tristement mon sourire. Puis il me fit un signe de la main et s'éloigna, son sac de voyage à l'épaule.


***


J'avais une charmante contravention sur le pare-brise de ma voiture. Je l'arrachai et la fourrai dans la poche arrière de mon jean. Au moment où j'allais mettre le contact, mon téléphone se mit à sonner.

C'était Alessio.

Je m'empressai de décrocher, les mains tremblantes.

─ S... Salut, dis-je.

─ Salut, répondit Alessio. Je viens de passer la douane je suis dans la zone des boutiques. Je dois me dépêcher je suis très à la bourre, je voulais juste te dire que je voulais pas que ça se passe comme ça hier soir, je parle pas à Chloé dans ton dos, j'ai passé un week-end incroyable avec toi...

─ Ex... ex... ex.... excuse--moi je suis désolée ; j'ai pété les plombs hier, je voulais p... p... pas te faire mal je sais qu'on est s... s... séparé et que t'es... t'es t'es libre...

Dire cette phrase m'avait coûté un effort surhumain. Mais je l'avais fait.

─ Hier je... je voulais juste que tu me dises p... pourquoi tu t'inquiétais comme ça.

─ ... Il y'a un type de son entourage qui abuse d'elle. Je voulais pas t'en parler parce que je pense que c'est intime et je sais que Chloé n'aimerait pas que je le fasse.

─ Oh...

Je me tus, surprise. Je ne m'attendais pas à ça du tout. Je comprenais mieux son inquiétude de la veille. En effet, ça avait l'air grave. Mais Alessio, c'était pas son copain, alors ? Pourquoi devait-il s'occuper d'elle ?

En même temps, ce n'était pas le mien non plus.

─ J'espère qu'elle va bien, dis-je, et c'était vrai.

─ J'espère aussi.

Je me remis à pleurer.

─ Non, ne pleure pas, Dani. Même si je vivais plusieurs vies tu serais toujours... mon plus beau souvenir. J'ai vu que t'allais bien, que tu étais contente à Rio, alors je suis content. Merci encore de m'avoir reçu chez toi.

─ De rien... c'était rien, reniflai-je, toute façon tout le plaisir était pour moi. On se revoie cet automne alors... (je me ravisai). Enfin, si tu veux, bien sûr.

─ Bon courage avec l'asso, OK ? Je te laisse, je dois me magner, on vient de m'appeler dans les hauts-parleurs encore...

Il ne m'échappa pas qu'il n'avait pas réagi à ma remarque sur le fait de se revoir à l'automne. J'en eus un pincement au cœur.

─ Bon ben salut, heu..., bafouillai-je. Si ça te dérange pas, envoie-moi un message pour me dire que tu es bien arrivé, ce serait sympa.

─ D'accord. Je le ferai sans faute, t'inquiète pas...

─ Cool. Merci. Bon vol alors.

─ Merci. Fais attention à toi, d'accord ? Bye Dani.

Il raccrocha, et moi, je me raccrochai à mon volant.

Je pris de profondes inspirations pour me calmer, puis démarrai la voiture. Les larmes ne cessaient de couler sur mes joues. Je les essuyai impatiemment.

« Pourquoi tu pleures ? pensai-je avec colère en accélérant pour entrer sur la voie rapide. Ca change quoi ? Vous étiez déjà séparés, de toute façon. Il est temps que tu passes à autre chose, ma grande. »

Je voulais être forte, je voulais vivre. J'avais un pont à bâtir seule, pierre après pierre, et traverser seule, pas après pas.

C'était le prix à payer pour atteindre l'autre rivage, je le savais.

Qu'il fasse ou non partie de mon équation n'entrait pas en ligne de compte. Qu'est-ce que j'en avais à foutre ? Ce n'était qu'un homme ! Je faisais tout ça pour moi !

J'avais l'impression d'être déjà en chute libre, de dégringoler sans rien avoir à me raccrocher. Etait-ce parce que j'avais changé, qu'il l'avait vu et que ça n'avait pas suffi pour lui donner envie d'être avec moi ?

Sans doute.

Le Solstice d'été (HB 2)Where stories live. Discover now